Mobilités professionnelles : les comprendre et les accompagner
Un récent ouvrage du Céreq compile une série d'études sur les mobilités et reconversions professionnelles. Dans le contexte de la réforme de la formation de 2018, ces travaux éclairent la multiplicité des choix au regard des situations individuelles. Face à une segmentation du travail marquée, ils interrogent également la place des politiques publiques et des dispositifs d'accompagnement tels que le conseil en évolution professionnelle (CEP).
Par Raphaëlle Pienne - Le 13 mars 2024.
Paru au mois de février dans la collection Essentiels, l'ouvrage « Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles » entreprend de décrire en 13 chapitres, en s'appuyant sur les travaux du Céreq, toute la diversité recouverte par cette thématique. La lecture en est d'autant plus intéressante que le sujet des reconversions et transitions professionnelles fait partie des enjeux de la négociation interprofessionnelle pour un « Nouveau pacte de la vie au travail » actuellement en cours.
La réforme de 2018, un tournant pour les mobilités ?
La loi du 5 septembre 2018 a-t-elle redéfinit les cadres de la mobilité professionnelle, s'interroge le 2ème chapitre de l'ouvrage. Les résultats de l'entrée en vigueur du CPF « désintermédié » semblent le montrer, et font apparaître que le dispositif « pose les bases d'un nouvel usage de la formation au service des mobilités ». Succès quantitatif dans son recours individualisé, le CPF est mobilisé par des actifs plutôt jeunes et peu qualifiés pour un usage tourné principalement vers les compétences de bases. Dans l'environnement de travail en revanche, les changements se font attendre et « les premiers résultats sur l'après-réforme montrent une forte continuité du paysage de la formation en entreprise ».
Des mobilités multiples pour une forte diversité de situations
Mais au-delà des dispositifs et des politiques publiques, la compréhension des mobilités demande de se pencher sur les parcours des individus eux-mêmes. Ceux-ci renvoient à une « forte diversité de situations », où les projets de mobilités peuvent être mis en œuvre en réponse à des aspirations individuelles (chapitre 10), mais aussi à des restructurations d'entreprises (chapitre 7). L'arrivée d'un enfant, en particulier pour les femmes (chapitre 8) ou l'irruption de la crise sanitaire (chapitres 11 et 12) sont aussi des évènements à la fois freins ou déclencheurs de mobilité. L'impact de la transition écologique, étudié dans le chapitre 13, ne semble en revanche pas déboucher sur une « reconversion des métiers ». « Les changements observés à ce jour restent le plus souvent limités, sinon périphériques aux cœurs de métier », observent les auteurs, qui estiment néanmoins que cette reconversion se place sur un temps long exigeant l'accompagnement et la formation des salariés.
Le poids de la la segmentation du marché du travail
Les résultats des différents travaux de l'ouvrage du Céreq se rejoignent aussi, en ce qu'ils éclairent les « inégalités d'opportunité et de destin » et « les écarts entre les aspirations des personnes et la réalité des choix qui s'offrent aux différentes catégories de salariés ». Lors de l'entrée dans le marché du travail, les jeunes les moins qualifiés et occupant les conditions de travail les plus difficiles sont à la fois ceux qui aspirent le plus à la mobilité et ceux pour qui la mobilité est la plus risquée (chapitre 4). Le chapitre 6 montre également que les salariés qui évoluent le plus en entreprise sont aussi ceux qui ont le plus accès à la formation, tandis qu'une autre partie des salariés (non qualifiés, en situation de handicap, seniors…) peine à se former. Entre reconversions empêchées ou contraintes, le chapitre 9 expose lui aussi que « les salariés en emploi peu qualifié disposent d'un faible pouvoir d'agir en matière de reconversion professionnelle ». Ces constats plaident à la fois pour une amélioration des conditions de travail et pour un soutien accru des actifs les plus fragilisés, s'appuyant sur les dispositifs publics et paritaires.
Accompagner l'individualisation des choix de mobilité avec le CEP
Parmi les différents dispositifs, celui du CEP est particulièrement à même d'accompagner les projets de mobilité des actifs. Il fait l'objet d'une étude présentée dans le chapitre 3 de l'ouvrage, qui a analysé son déploiement dans trois régions. Celle-ci constate que la construction du service est encore en cours, après des débuts marqués par l'urgence, la « confusion » et « l'instabilité ». Les opérateurs du CEP soulignent le chemin déjà parcouru et sont engagés dans des démarches de professionnalisation, de dynamiques partenariales et de promotion du service. Le défi aujourd'hui reste néanmoins de parvenir à une meilleure liaison avec les entreprises, notamment pour accompagner le développement des compétences des salariés les moins qualifiés. « Il ressort de l'étude que les employeurs et les responsables RH diffusent peu l'information sur le CEP, et rares sont les salariés ayant connu le service par leur entremise. Ils en ont par ailleurs une perception partielle, réduite à un outil d'aide aux mobilités externes », constatent les auteurs.