À gauche, Jean-François Foucard, secrétaire confédéral CFE-CGC en charge de l’emploi et de la formation. À droite, Yvan Ricordeau, secrétaire national CFDT en charge de la formation professionnelle.
« Pacte de la vie au travail » : le chemin d'un accord reste à trouver
Les organisations patronales et syndicales doivent se retrouver à nouveau ce mercredi 20 mars dans le cadre de la négociation interprofessionnelle « pour un nouveau pacte de la vie au travail ». A la veille de cette nouvelle séance de négociation, les cinq confédérations syndicales représentatives ont formulé 10 propositions, dont 4 concernent la formation professionnelle. En particulier, la proposition 3 vise à « créer un véritable droit à la reconversion professionnelle qui repose sur un dispositif avec maintien de la situation professionnelle du salarié (contrat, rémunération…) ».
Par Raphaëlle Pienne - Le 20 mars 2024.
La proposition 4 vise à « renforcer par la négociation collective la prévention de l'usure professionnelle en rendant obligatoire la cartographie des métiers à risque et fort taux de sinistralité dans les branches et les entreprises, afin d'anticiper les reconversions et de mettre en place des plans de prévention obligatoires intégrant les aménagements de fin de carrière.»
La proposition 8 consiste à « ouvrir à la négociation obligatoire les plans de développements des compétences dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.»
Quant aux propositions 9 et 10, elles ambitionnent respectivement de « faire du conseil en évolution professionnelle un droit effectif pour l'ensemble des salariés » et de « piloter une stratégie nationale de la reconversion dans un lieu paritaire commun ».
Reconversions et transitions professionnelles
Pour le Quotidien de la formation, Yvan Ricordeau de la CFDT et Jean François-Foucard de la CFE-CGC reviennent sur les enjeux en cours sur le sujet des reconversions et transitions professionnelles.
On pouvait espérer que la dernière séance du 7 mars, avec la proposition d'une première architecture d'accord par le patronat, clarifie un peu l'issue potentielle de la négociation « Pacte de la vie au travail » prévue pour s'achever le 26 mars. C'est encore loin d'être le cas. « Au moment où nous nous parlons, on ne voit pas bien où on peut atterrir », confie Jean-François Foucard, secrétaire national et chef de file de la CFE-CGC pour la négociation. La CFDT, prenant acte du refus des organisations patronales de négocier sur le CETU (compte épargne temps universel), devait même réunir son bureau national ces 13 et 14 mars pour décider de l'opportunité de se maintenir ou non dans la négociation.
« Parcours d'évolution professionnelle » : des modalités qui posent question
Si elle reste dans la négociation, la CFDT ne compte en tout cas pas accepter la proposition d'un « parcours d'évolution professionnelle à l'initiative du salarié » telle qu'elle est aujourd'hui envisagée du côté des organisations patronales. Pour le syndicat, l'idée que l'entrée dans le dispositif soit soumise à la rupture du contrat de travail est un point bloquant. « Nous avons un désaccord fondamental. […] Pour la CFDT le point de départ de tout parcours de reconversion c'est le maintien du contrat et du salaire », insiste Yvan Ricordeau, secrétaire national et chef de file de la CFDT pour la négociation. Jean-François Foucard n'est pas non plus favorable à cette modalité impliquant de « passer par la case chômage ». Le secrétaire national de la CFE-CGC se montre également critique vis-à-vis de l'idée de confier la prise en charge de la rémunération des personnes se formant à France Travail. « Aujourd'hui une personne partant en PTP [projet de transition professionnelle], c'est 100 % de son salaire voire 90 % [indemnisés pendant la formation], demain cela passerait à 57 % voire 40 %. De fait, on tue la possibilité des transitions », estime Jean-François Foucard.
Penser les transitions au niveau collectif
Sur les autres propositions présentées lors de la séance du 7 mars, Yvan Ricordeau voit néanmoins « deux éléments sur lesquels on peut discuter ». Celui-ci fait d'abord allusion à la réintroduction d'un rendez-vous en seconde partie de carrière, qui pourrait associer la santé au travail. « Ensuite, nous sommes favorables à avoir plus de visibilité et plus de simplicité. Si à terme il faut rassembler des dispositifs nous y sommes plutôt favorables », complète le secrétaire national de la CFDT. Sur la proposition d'un « parcours d'évolution professionnelle co-construit », Yvan Ricordeau regrette l'absence de précisions côté patronat. « En l'absence d'éléments tangibles, il n'y a pas de positionnement de la CFDT », indique-t-il. Yvan Ricordeau tout comme Jean-François Foucard s'accordent néanmoins sur l'importance d'une réflexion collective compte tenu des bouleversements du marché du travail. Pour la CFE-CGC, qui milite pour la création de maisons de la transition professionnelle, cet élément devrait même être beaucoup plus présent dans la négociation. « Si nous ne structurons pas la transition professionnelle au niveau paritaire, l'autre solution c'est de la confier à l'Etat. Et aujourd'hui, en dépit d'un discours sur l'emploi, ce qui [importe] à l'Etat c'est de baisser les indemnités pour dégager de l'argent et combler le trou », avertit Jean-François Foucard. Compte tenu des enjeux, et si une voie d'accord se dessine, le calendrier de la négociation pourrait se prolonger jusqu'à la mi-avril.
10 propositions communes
Voici la liste des 10 propositions communes formulées mardi 19 mars par la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC:
Proposition 1 - Renforcer le dialogue social pour améliorer l'emploi des seniors en mettant en place un bilan social de branche fixant un objectif quantitatif et qualitatif en la matière, en rendant obligatoire la négociation d'entreprise sur cet enjeu et en renforçant le rôle des représentants des salariés par la suppression de la limite à 3 mandats.
Proposition 2 – Mettre en place un système de pénalité lorsque les objectifs d'amélioration du taux d'emploi des seniors ne seraient pas atteints.
Proposition 3 – Créer un véritable droit à la reconversion professionnelle qui repose sur un dispositif avec maintien de la situation professionnelle du salarié (contrat, rémunération…).
Proposition 4 – Renforcer par la négociation collective la prévention de l'usure professionnelle en rendant obligatoire la cartographie des métiers à risque et fort taux de sinistralité dans les branches et les entreprises, afin d'anticiper les reconversions et de mettre en place des plans de prévention obligatoires intégrant les aménagements de fin de carrière.
Proposition 5 – Rendre le droit à la retraite progressive opposable 4 ans à partir de 60 ans avec une prise en charge des cotisations retraites à 100%.
Proposition 6 – Maintenir les cotisations retraites à 100% lorsque le salarié passe à temps partiel dans sa dernière partie de carrière.
Proposition 7 – S'opposer au CDI Seniors qui ouvre droit à de nouvelles exonérations de cotisations au bénéfice des entreprises.
Proposition 8 – Ouvrir à la négociation obligatoire les plans de développements des compétences dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Proposition 9 – Faire du Conseil en Evolution Professionnelle un droit effectif pour l'ensemble des salariés.
Proposition 10 – Piloter une stratégie nationale de la reconversion dans un lieu paritaire commun.