Qualité de l'apprentissage, les opérateurs de compétences entrent en piste

Cinq ans après la libéralisation de l'apprentissage, le marché entre dans une nouvelle séquence. Sous-estimée par la réforme de 2018, la régulation montre des failles. Le ministère du Travail cherche à reprendre la main. Un décret publié fin 2023 réarme les opérateurs de compétences en matière de contrôle.

Par - Le 23 mai 2024.

Après le CPF, c'est au tour de l'apprentissage. Libéralisés par la réforme de 2018, ces marchés ont connu une forte croissance. A l'euphorie d'un succès quantitatif indéniable, succède l'inquiétude face à une qualité pas toujours au rendez-vous, des pratiques douteuses voire des fraudes de la part de certains prestataires de formation. Les garde-fous mis en place autour de la certification Qualiopi, des certifications professionnelles et des contrôles n'ont pas tenu. Initié fin 2022 par le ministère du Travail, la consolidation du système qualité fait partie des priorités de son haut-commissariat. Parmi les pistes, la structuration des politiques de contrôle des financeurs pour les rendre plus efficaces et mieux articulées est engagée. Un décret publié fin 2023 pose le cadre juridique. En première ligne sur le champ de l'apprentissage, les opérateurs de compétences y gagnent en prérogatives et en pouvoir de sanctions. « Nous avions besoin d'être plus performant sur le contrôle de l'apprentissage en intégrant des éléments qualité autour de « l'inexécution pédagogique » comme les écarts avec la certification visée ou encore le nombre d'apprentis par maître d'apprentissage », précise Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP lors de la Master class organisée par Centre Inffo le 25 avril dernier. Pour le GIE inter-financeurs D2OF regroupant notamment les 11 Opco, le décret ouvre un nouveau champ de contrôle.

Un contrôle élargi à la qualité sur site

 « Rappelons que nous sommes un groupement de moyens. Nous mutualisons nos forces pour réaliser les contrôles et construisons un référentiel commun. Mais chaque financeur reste responsable de ce qu'il finance », précise en préambule Thierry Teboul, président du GIE D2O. Né pour répondre aux exigences qualité portées par la réforme de 2014, le GIE a dû retrouver ses marques avec la création de la certification Qualiopi. Difficile de s'avancer sur le terrain du contrôle qualité pour ces tiers-payants qui, contrairement aux acheteurs de formation comme les régions ou France Travail, n'ont pas la main sur un cahier des charges. La première génération de référentiel conçu par le GIE s'adossait ainsi principalement sur les indicateurs Qualiopi. Aujourd'hui, le décret permet aux opérateurs de compétences d'aller plus loin en réalisant des « contrôles de service fait approfondis » sur site. Cette nouvelle prérogative pourrait faire naître « une deuxième génération de référentiel intégrant la conformité de l'action de formation. Dans l'apprentissage, il devrait prendre en compte toutes les parties prenantes dans leur avis, celui de l'apprenti, de l'entreprise et du financeur », précise Thierry Teboul.

Des sanctions en matière de prise en charge des contrats d'apprentissage

Cet élargissement du périmètre des contrôles s'accompagne, dans le décret, d'un renforcement du pouvoir de sanction des opérateurs de compétences.  En cas d'un défaut de conformité observé ou d'opposition au contrôle, les conséquences pour les CFA seront bien plus lourdes. Ces derniers risquent alors une suspension immédiate de paiement ou un refus de demande de prise en charge.  Ces sanctions changent significativement la donne. En 2023, sur les 500 contrôles diligentés par le GIE, une quarantaine de CFA s'y étaient opposés. Jusqu'à présent, les Opco devaient continuer à financer les actions de formations jusqu'à ce que la démonstration des manquements soit faite ou que le jugement d'un contentieux soit rendu. Avec le décret, la sanction tombera rapidement. Autre principe acté par le nouveau texte réglementaire pour rendre les contrôles plus efficaces, le partage de signalements entre les financeurs et les certificateurs Qualiopi. « Il y a l'obligation pour les certificateurs de prendre en compte, de recenser, de traiter les plaintes et d'en rendre compte dans leur rapport annuel », précise Stéphane Rémy. Si un cadrage légal sera nécessaire pour mettre en place les outils permettant de faire vivre cette communication, la détermination du ministère du Travail d'avancer sur ce sujet est réaffirmée. En toile de fond, le décret pose ainsi les grandes lignes d'un acte 2 du système qualité au sein duquel les parties prenantes articuleront leurs actions et en mutualiseront certaines.