Qualité : un rapport Igas préconise plus de moyens et de coordination

Dans un rapport rendu récemment public, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) analysent les différentes composantes du système qualité de la formation professionnelle et émettent une série de recommandations pour en améliorer l'efficacité et le pilotage.

Par - Le 06 juin 2024.

Ce rapport sur la qualité de la formation professionnelle des deux inspections générales vient apporter une nouvelle pierre au chantier entamé par le ministère du Travail pour l'amélioration des dispositifs. En quelque 70 pages, enrichies de très nombreuses annexes, le document se penche sur l'ensemble de l'écosystème de la qualité mis en place depuis 10 ans, aussi bien à travers le contrôle des titres et des certifications professionnelles, que le contrôle réglementaire et de service fait, la vérification des processus internes, et le contrôle de la qualité externe.

Un système sous-dimensionné au regard des enjeux

Avec plus de 26 milliards d'euros de dépenses consacrées à la formation professionnelle en 2021, et alors que la mobilisation de ces moyens s'accompagne d'un développement important de la fraude, l'amélioration de la qualité revêt des enjeux considérables. Or le système actuel n'est pas à la hauteur, estime la mission. Celui-ci « apparaît complexe et fait intervenir des acteurs multiples, […] sans que son dimensionnement et son efficacité garantissent aujourd'hui l'atteinte de ses objectifs », observent les rapporteurs. La majorité des organismes de formation (86 %) n'ont pas été contrôlés en 2022, et parmi ceux contrôlés (13 %) seul un cinquième l'a été plusieurs fois. La proportion est cependant plus importante pour les CFA, qui sont 34 % à avoir été contrôlés au moins une fois en 2022.

Lutte contre la fraude : des services en sous-effectifs

La mission émet un satisfecit global quant aux contrôles de nature administrative, qui selon elle « apparaissent bien structurés ». Du côté des contrôles exercés par les financeurs, les rapporteurs souhaiteraient cependant voir davantage de moyens mobilisés et plus de mutualisation des pratiques. Ils recommandent ainsi d'élaborer un référentiel commun pour les pratiques de contrôle de service fait. Le contrôle administratif et financier diligenté par les services régionaux de contrôle (SRC) constitue pour sa part « un outil de régulation puissant de l'offre de formation professionnelle ». Ces services souffrent néanmoins d'un sous-effectif chronique. A court terme, l'embauche d'au moins 23 équivalents temps plein est nécessaire pour atteindre un « effectif socle » permettant de couvrir l'ensemble du territoire. Mais pour la mission ces moyens demeureraient encore insuffisants au regard des enjeux. Les rapporteurs préconisent de doubler les effectifs au sein de l'ensemble des SRC et de porter l'objectif du nombre d'organismes de formation contrôlés chaque année à 4 % (contre 1,5 % aujourd'hui). Ils proposent aussi la création d'une « cellule d'investigation rapide » capable d'intervenir en urgence dans les cas de signalements de fraude les plus préoccupants.

Certification Qualiopi : un manque d'encadrement

En amont, la mise en place de la certification Qualiopi est encore trop jeune pour être pleinement évaluée. La mission constate cependant qu'elle aurait d'ores et déjà permis d'améliorer les procédures qualité et les pratiques générales des organismes de formation. Elle préconise tout de même de faire évoluer certains points du référentiel national, ainsi qu'une meilleure régulation de la sous-traitance. Le principal point négatif est surtout à trouver du côté des pratiques des certificateurs Qualiopi. Celles-ci « ne font pas l'objet d'un pilotage, ni même d'une supervision suffisante, ce qui a permis des fraudes et crée un risque de disparité des pratiques », regrettent les rapporteurs. Ceux-ci recommandent de charger une instance nationale, qui pourrait être d'abord le Cofrac, d'effectuer une travail annuel dévaluation de ces pratiques et d'animer un travail autour de leur harmonisation.

Qualité externe : le maillon faible du système de qualité

Le système de qualité, dans ses diverses composantes, ne prend également pas suffisamment en compte la dimension de la qualité externe des formations – c'est-à-dire les contenus pédagogiques eux-mêmes et l'impact des formations sur les trajectoires des formés. Son contrôle reste limité soit à des procédures de suivi contractuels (achats sur appels d'offres) soit à certaines catégories de formation (notamment les formations par apprentissage, qui souffrent malgré tout d'un déficit de contrôles pour certaines formations privées du supérieur). La mission appelle donc à renforcer cette dimension, en systématisant notamment l'analyse de l'insertion professionnelle et le recueil des avis des usagers pour toutes les formations. Elle émet aussi l'idée de créer un « indicateur de retour sur investissement des actions de formation ».

Pilotage et mutualisation des pratiques : une coordination embryonnaire

Dans sa dimension globale, le système d'assurance qualité de la formation professionnelle apparaît enfin insuffisamment coordonné aux yeux de la mission. Elle recommande en réponse que les différentes autorités de contrôle soit dotées d'un dispositif d'alerte mutualisé et de programmation harmonisée des contrôles. Celui-ci pourrait être mis en place grâce à un système d'information commun pouvant être développé sur l'existant (plateforme Agora). Au-delà, les rapporteurs préconisent de créer une instance de gouvernance de la qualité de la formation professionnelle, qui pourrait soit s'inscrire dans les cadres existants (DGEFP ou France compétences) soit se traduire par la création d'une autorité administrative indépendante. « Le financement de cette Autorité pourrait relever d'une contribution – de taux extrêmement faibles – portant sur le chiffre d'affaires des organismes de formation ; il permettrait de renforcer les contrôles du cadre d'exercice légal des OF, qui seraient de sa compétence », précisent les rapporteurs. Indépendamment de la création de cette instance, un financement de ce type pourrait selon eux également être envisagé afin d'accroître les moyens des dispositifs de contrôle.