Quel accompagnement pour les chefs d'entreprise ?

« Chef d'entreprise. » Comment s'étonner du poids de la charge symbolique qui pèse sur ce statut quand les termes qui le composent évoquent plus le pouvoir et l'aventure que la fragilité ? Président du CIBC Isère Savoie en tant que membre de la Cpme et fondateur du groupe Esprit d'entreprendre, spécialisé dans l'accompagnement des dirigeants et porteurs de projet, Jean-Baptiste Clément a sa conviction : en France, il existe un tabou autour de l'accompagnement des chefs d'entreprise, qui sont souvent réticents à demander de l'aide par peur du jugement. « Dans notre culture, le chef d'entreprise doit tout savoir, ce qui est faux », estime-t-il.

Isolement

Problème, si les dirigeants ne sont pas omniscients, ils ne sont pas non plus à égalité quand le besoin d'accompagnement se fait sentir. « Les grandes entreprises sont outillées en interne mais quand on en descend en dessous de 30 personnes, les moyens manquent. » L'expert-comptable ? « Son rôle est de présenter les comptes, pas de conseiller une restructuration. » Les dispositifs ? Ils sont très mal connus des chefs d'entreprise car il n'y a pas de campagne de communication d'envergure qui leur soient destinés. Et même quand une certaine publicité se fait, « toute l'information est dirigée vers les salariés, je connais beaucoup de chefs d'entreprise qui pensent par exemple que le bilan de compétences ne leur est pas accessible », insiste Jean-Baptiste Clément.

Des moyens insuffisants

L'expert en pilotage d'entreprise le souligne, l'inégalité est aussi économique, avec des plafonds de financement qui diffèrent fortement selon le fonds d'assurance formation auquel est rattaché le chef d'entreprise (encadré). Si le conseil aux dirigeants est à ses yeux grand oublié de la réforme de 2018 qui a pourtant consacré la place de l'accompagnement dans la gestion des parcours professionnels, l'écosystème français n'est cependant pas totalement sans solution. Ainsi par exemple du dispositif GPA Casques Bleus dont Jean-Baptiste Clément est le membre fondateur pour la Saône-et-Loire (gpacasquesbleus-71.fr/). Dispositifs de soutien aux entreprises et à leurs dirigeants, les « groupements de prévention agréés » (GPA) sont définis dans le code du Commerce et sont soumis à agrément préfectoral. Leur mission ? Identifier les difficultés des entreprises qui les sollicitent à partir de l'analyse de leurs données comptables et financières, puis les orienter en toute confidentialité vers les solutions envisageables.

Impact psychologique

Jean-Baptiste Clément le précise, tous les accompagnements ne débouchent pas sur un sauvetage de l'entreprise et le créateur doit parfois se résoudre à redevenir salarié. Ce qui, là encore, n'est pas aussi facile que l'on pourrait le croire dans la mesure où l'expérience de chef d'entreprise n'est pas toujours perçue comme un atout, « en partie à cause de préjugés sur leur autonomie passée. » Il le mentionne également, l'impact psychologique d'une liquidation peut être dévastateur, jusqu'au suicide^{[ 1 ]}Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès de 2020, 27 % des dirigeants d'entreprise ont déjà envisagé sérieusement de se suicider. C'est 7 points de plus que la moyenne nationale.. D'autant plus que « si un salarié a le conseil des prud'hommes pour régler ses litiges, un chef d'entreprise en difficulté va lui au Tribunal de commerce, c'est loin d'être anodin… »
D'où l'importance, conclut le consultant, d' « améliorer la communication et la sensibilisation autour de l'accompagnement des chefs d'entreprise, pour déculpabiliser et encourager à chercher de l'aide. »