Renforcer les liens école-entreprise, une nécessité pour la formation
L'Afdet – Association française pour le développement de l'enseignement technique – organisait le 3 décembre au Cnam, un colloque sur les liens entre école et entreprise. Et rapportait des manques importants, dans les formations en alternance notamment, mais aussi des avancées avec des projets innovants. Dernier volet de notre série.
Par Mariette Kammerer - Le 10 décembre 2024.
Les relations école-entreprise, même dans les formations alternées, sont loin d'être évidentes, rappelait Philippe Verdu, enseignant et formateur, intervenant au colloque de l'Afdet au Cnam. « La formation est souvent cloisonnée, il y a trop peu d'interactions, il y a un manque de continuité pédagogique entre les deux », observe-t-il. Il en résulte des incompréhensions, des oppositions, et des activités en entreprise qui ne répondent pas assez aux compétences ciblées. « Il faut tendre vers une alternance réellement intégrée, une pédagogie partagée, qui nécessite des articulations étroites, des interactions systématiques, et des équipes mixtes pour organiser la formation et construire ensemble des situations d'apprentissage ». Des outils existent, référentiels de formation, tableaux de compétences, outils de liaison.
Les journées école-entreprise pour l'orientation
En amont de l'alternance, les journées école-entreprise peuvent participer au choix d'orientation des élèves. Le délégué régional Afdet Hauts-de-France, Robert Lemahieu, donnait l'exemple des actions menées dans la région par la société Bic, avec le soutien de l'Afdet : « Un « school bus » aux couleurs de l'entreprise se déplace dans les écoles élémentaires, des collégiens viennent visiter les ateliers de production, la société accueille aussi une vingtaine de stagiaires et d'apprentis, et en profite pour promouvoir la filière de la plasturgie ».
Adapter les formations aux besoins des entreprises
Dans l'enseignement technique et professionnel, le lien étroit entre école et entreprise peut aussi permettre d'adapter les formations aux besoins des entreprises. Bernard Didierjean, ancien responsable de l'école de soudure de l'entreprise Nordon, et qui a été aussi longtemps jury des formations Afpa en soudure, a joué un rôle dans ce sens. « Après la réforme du Bac Pro en trois ans, qui supprimait une année de formation, j'ai créé un « chantier-école » d'un an pour compenser, et cela existe maintenant dans tous les CFAI ». Dans le prolongement il a obtenu la création de trois spécialisations : « technicien-soudeur, technicien-aéronautique et technicien-tuyauteur, mais ça a pris 20 ans ! », souligne-t-il.
S'entraîner sur le « jumeau numérique » d'une chaîne de production
Voici un projet concret de rapprochement entre école et entreprise, dans lequel sont engagés le Cnam, le Cesi, l'Ensam et les Compagnons du devoir. Il s'agit de reproduire fidèlement des systèmes de production industrielle à échelle réduite, dans un objectif pédagogique. Les « evolutive learning factories », usines-écoles connectées, et les « micro-learning factories » permettent de toucher à la production avant d'être diplômé. « Le but est que demain toutes les usines aient un « jumeau numérique » donnant accès virtuellement aux chaînes de production, pour préparer les élèves à aller en atelier », explique Michel Terré, professeur et président du conseil national des formations du Cnam.
Réforme des lycées professionnels
En clôture du colloque, Laurent Blanes, sous-directeur des lycées et de la formation professionnelle à la Dgesco (Direction générale de l'enseignement scolaire), a rappelé les initiatives récentes pour soutenir la relation école-entreprise: sur le volet orientation, les stages de seconde, qui concernent les élèves de l'enseignement général, ont été une réussite selon lui, « avec 85% à 98% de réalisation selon les départements ». Dans le cadre de la réforme des lycées professionnels, « 1200 responsables de 'bureau des entreprises' ont déjà été recrutés », ajoute-t-il. Enfin, toujours dans le cadre de cette réforme, il évoque la « coloration des diplômes », gérée au niveau régional, qui permet d'intégrer aux programmes des formations les spécificités d'un secteur ou d'une entreprise locale en fonction des besoins locaux de recrutement.