Réussite à la VAE : un « parcours idéal » à interroger
Un article paru dans le dernier numéro de la revue Formation Emploi du Céreq étudie les trajectoires des candidates à la validation des acquis de l'expérience (VAE) cherchant à acquérir le diplôme d'Etat d'aide-soignante. Allant à l'encontre des logiques de statistiques annuelles, il met en lumière l'existence de parcours heurtés s'inscrivant sur des temporalités longues.
Par Raphaëlle Pienne - Le 05 avril 2024.
C'est au seul diplôme d'Etat d'aide-soignante (DEAS), pour lequel les candidates à la VAE sont majoritairement des femmes des classes populaires, que la chercheuse Anne-Marie Arborio a choisi de s'intéresser. Dans son article Réussir ou échouer au diplôme d'Etat d'aide-soignante par la validation des acquis de l'expérience : une longue épreuve, celle-ci défend « une approche longitudinale qui prend en compte les différentes épreuves présentées par les candidates et non pas seulement l'entretien final ».
Des chiffres qui ne disent rien des parcours des candidates
Si l'on prend seulement les chiffres annuels de l'entretien final, fournis par la Drees, la VAE du DAES se caractérise en effet par un fort taux d'échec. En 2016 en France, seul un entretien sur quatre a débouché sur une « validation totale » des compétences du diplôme ; faisant de la VAE une voie marginale pour y accéder. Ces statistiques annuelles, pourtant, « ne disent rien du parcours de chacune [des candidates à la VAE] ni du temps dans lequel il s'inscrit », estime Anne-Marie Arborio, qui déplore la trop grande attention portée à cette seule épreuve finale. « Elle est cependant précédée d'autres épreuves qui scandent le parcours de VAE : leur issue négative interrompt ce parcours, et le temps pris à les réaliser est susceptible de l'allonger », souligne la chercheuse.
Des parcours marqués par les recommencements
Pour les candidates suivies par Anne-Marie Arborio, toutes « faisant fonction » d'aides-soignantes, la rédaction du livret 2 « apparaît [en particulier] comme une lourde épreuve », note la chercheuse. Près de la moitié bute sur cette étape. Et pour celles qui la franchissent, la réussite à l'oral n'est pas pour autant assurée. Mais une partie des candidates va recommencer ces épreuves, allant parfois jusqu'à faire huit tentatives, avec des parcours se retrouvant automatiquement allongés. « 40 des 89 diplômées de la cohorte l'auront été après plusieurs tentatives, laissant voir une VAE gagnée pas à pas. La réussite se fait donc presque autant par ces parcours heurtés que par le parcours idéal ; elle passe par des voies et des temporalités différentes », analyse Anne-Marie Arborio.
Une forme de persévérance
Les raisons des échecs aux différentes épreuves de la VAE du DAES ont déjà été étudiées par Anne-Marie Arborio dans un travail publié en 2021. Celle-ci y avait mis en évidence les caractéristiques des candidates, mais aussi un environnement professionnel peu propice à la formation et au compagnonnage. Ce nouveau travail met ici en lumière des « recommencements multiples qui peuvent laisser apparaître une forme de persévérance, une capacité à poursuivre l'objectif en dépit des obstacles et des échecs », observe la chercheuse. On pourrait l'attribuer aux qualités individuelles et psychologique des candidates. L'enquête montre cependant que pour ces femmes des classes populaires, l'obtention d'un diplôme est cruciale, tant pour la reconnaissance symbolique que sur le plan professionnel : pour leur permettre de sécuriser leur emploi et d'accéder à des possibilités de d'évolution professionnelle ou de mobilité.