L'accompagnement développe l'autonomie des personnes (CIBC)

Entretien professionnel, bilan de compétences ou encore CEP, les offres d'accompagnement professionnel se multiplient, comme autant de jalons plus ou moins obligatoires pour la gestion des parcours professionnels des actifs. Qu'en penser ? Pour Laura Lange, docteure en philosophie pratique habituée des interventions en entreprise, il y a d'abord le diagnostic d'un monde en prise à l'accélération des mutations et une atmosphère de changement permanent qui exigent des individus adaptabilité et réflexion.

Et pour faire face aux transitions, les actifs doivent constamment renouveler leurs compétences techniques et y adjoindre des compétences transversales. Il ne s'agit pas que le savoir-être ne prenne le pas sur le savoir-faire, mais le monde du travail de demain suppose que l'esprit se fasse critique, d'initiative, collectif et pragmatique.

Plus que la machine

Ni dans l'automatisme d'une tâche, l'application d'un modèle ou l'imitation d'un système, le profil du travailleur du XXIe siècle évolue vers davantage d'autonomie, d'implication et d'innovation. « Bricoleur ingénieux », le travailleur de demain est en réflexion permanente et fait preuve d'agilité. À l'heure de l'intelligence artificielle, l'homme doit se distinguer des machines par sa capacité à « sortir des sentiers appris. » Pour la philosophe, il s'agit de comprendre qu'en recomposition permanente, le travail sera de moins en moins le fait d'expert et que les tentatives d'ajustement, d'adaptations et d'apprentissages l'emporteront sur la stérilité des process.

Réflexivité accompagnée

Invitant à « se défaire de la pression de la réponse pour cultiver la passion de la question », Laura Lange invite à la prise de recul. Ce qui suppose de prendre de la hauteur et d'être en capacité de se poser les bonnes questions. Et pour ce faire, la philosophe a une méthode qui rejoint la démarche philosophique : « s'extraire de son environnement pour y retourner, plus averti, plus éclairé, plus autonome. » Pour elle, cette mise à distance est précisément le moment de l'accompagnement.

Car si la réflexivité permet de s'améliorer, ce n'est pas une démarche si facile en ce qu'elle vient « interrompre l'élan premier qui nous fait courir vers les évidences ou les croyances. » Pour cette philosophe qui ne cesse de jouer avec le langage, il s'agit finalement, en écho à l'essor de l'idéologie de l'individu-acteur, de « prendre de la hauteur pour se faire auteur. » Le rôle de l'accompagnement, c'est d'amener les individus à prendre conscience des caractéristiques de leur environnement pour les mettre en capacité d'action.

Sens de l'autorité

Et alors que la dernière loi de rénovation du modèle social français explore les liens entre liberté et travail, Laura Lange invite à se tourner vers la notion d'autonomie. Alors que le concept de liberté renvoie pour elle à celui d'individualisme – qui signerait le repli sur soi -, l'autonomie ferait davantage écho à l'individualisation, qui traduit « l'envie d'avancer par rapport à ce qui fait sens pour moi », en lien avec les autres : là où le couple individualisation/autonomie s'inscrit dans un « pacte social », le couple « individualisme/liberté » relève de l'illusion.

Et pour travailler la question du « bon sens », en termes de réflexion comme de direction, la philosophe en appelle à l'autorité, source de légitimité. Qu'il s'agisse de diriger ou d'accompagner, l'autorité « augmente et rend auteur » celui sur lequel elle s'exerce. À condition toutefois de ne pas confondre autorité et pouvoir : « l'autorité implique, le pouvoir s'applique », conclut la philosophe conférencière.

• Le site de Laura Lange : lauralange.fr/
• Fédération nationale des CIBC : https://cibc.net