Transitions professionnelles : mieux cibler l'action publique

Alors que les enjeux économiques et sociaux rendent les dispositifs de transition professionnelle indispensables, ceux-ci forment un écosystème complexe, dont l'efficacité est insuffisante, selon un rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales).

Par - Le 05 juin 2024.

Dans un rapport visant à évaluer le dispositif « projet de transition professionnelle » (PTP), l'Igas remarque qu'« un écosystème complexe de dispositifs permettant de conduire des transitions professionnelles a été progressivement mis en place ». Les auteurs du rapport différencient les dispositifs de reconversion après recrutement qui sont limités aux demandeurs d'emploi (contrats de professionnalisation), les reconversions entre deux emplois au sein d'une même entreprise (plan de développement des compétences (PDC), CPF, Fonds national pour l'emploi-formation (FNE-formation), contrat de reconversion ou promotion par alternance (Pro-A)  et les reconversions hors de l'entreprise initiale (PTP, démission-reconversion, transitions collectives (Transco ), contrat de sécurisation professionnelle et congé de mobilité reclassement).

Co-construction

La mission relève que certains de ces dispositifs sont co-construits entre employeur et salarié (Pro-A, Transco) quand d'autres sont mobilisés de manière autonome par le salarié (CPF, PTP, démission-reconversion). Elle remarque « un paramétrage trop strict » dans l'usage du Pro-A, notamment sur les limitations sur le niveau de qualification (inférieur à la licence), les certifications accessibles ou encore les niveaux de prise en charge. « De même, Transco, dispositif en théorie attractif, n'a en réalité été mis en œuvre que de manière marginale. » Parmi ses recommandations, l'Igas suggère donc de supprimer Transco, en le remplaçant par une mobilisation du FNE formation et Pro-A, en ouvrant le contrat de professionnalisation aux salariés de plus de 30 ans. En effet, pour les auteurs du rapport, il est nécessaire de s'appuyer sur le contrat de professionnalisation pour ouvrir un parcours de reconversion par l'alternance aux salariés en emploi. Pour limiter l'impact budgétaire, le nombre de ces contrats serait dans un premier temps limité.

Co-financements marginaux

Le principal dispositif utilisé pour les formations longues et certifiantes (plus de 150h) reste le CPF. « Pour autant, les cofinancements par l'employeur restent marginaux ». L'Igas veut inciter à l'abondement du CPF par les entreprises, pour des publics ou des situations prioritaires, « en créant un cadre de cofinancement par les opérateurs de compétences, après accord de branche en définissant les conditions, actionnable si un accord d'entreprise est conclu ». Le dialogue social interne doit aussi permettre de mieux articuler le CPF et le PDC (plan de développement des compétences), en faisant converger les priorités des employeurs et les projets des salariés.

Pertinence des projets

S'agissant du PTP, la pertinence des projets est le principal critère de sélection mais « ne fait pas l'objet d'une appréciation harmonisée entre commissions régionales ». Le PTP a un coût unitaire élevé, en lien avec l'allongement des durées de formation alors même que les cofinancements restent limités. La mission recommande donc d'accroître et d'homogénéiser le recours au PTP, avec des objectifs collectifs plus sélectifs, liés aux caractéristiques des bénéficiaires et aux secteurs d'activité recherchés. Pour limiter les coûts, elle propose de réduire la durée des formations, notamment en fixant aux ATpro une cible de progression des dispositifs réduisant la durée de formation (VAE, validation de blocs de compétences). Elle veut aussi renforcer les obligations de cofinancement du PTP par un CPF associé à un abondement de l'employeur, de la branche ou de l'Opco.

Améliorer l'accompagnement des transitions

Parmi ses autres recommandations pour « une rationalisation et une simplification du paysage des transitions professionnelles », l'Igas suggère de conforter des dispositifs reconnus (PDC, démission-reconversion) et de développer les dispositifs co-construits entre l'entreprise et le salarié, par exemple en expérimentant l'ouverture aux salariés des dispositifs réservés aux demandeurs d'emploi (préparations opérationnelles à l'emploi, actions de formation préalable au recrutement, etc.). Enfin, si l'accompagnement des salariés en transition « devrait être amélioré », la mission n'a pas retenu l'obligation de recours au CEP (conseil en évolution professionnelle) mais veut « inciter systématiquement les candidats à un PTP à mobiliser le CEP avant dépôt du dossier ».

Pilotage d'ensemble faible

Pour l'Igas, « le pilotage d'ensemble des dispositifs de transition professionnelle apparaît faible ». Pour simplifier le recours aux transitions professionnelles, l'Igas estime nécessaire d'instaurer au niveau régional, sous l'égide des Dreets un « comité des transitions professionnelles », qui réunirait l'ensemble des parties prenantes (Dreets, DARP, ATpro, France Travail, OPCO, CEP…), et serait chargé d'assurer les échanges d'informations et de pratiques, les coordinations opérationnelles et le suivi de leurs résultats. Pour assurer un meilleur pilotage, elle recommande d'ériger l'association Certif Pro en tête de réseau nationale des ATpro, et de réviser la gouvernance des ATpro, laissant subsister l'autonomie décisionnelle des commissions paritaires régionales pour rendre un avis sur les dossiers de PTP et de démission-reconversion.