Un apprenti sur cinq au chômage après son apprentissage
L'explosion de l'apprentissage a surtout eu lieu sur les hauts niveaux de diplômes, où le bénéfice en termes d'insertion professionnelle n'est pas constaté. L'Unédic enregistre de plus en plus d'anciens apprentis entrants à l'assurance chômage.
Par Sarah Nafti - Le 14 novembre 2024.
« La réussite de l'apprentissage tient à un ensemble de facteurs et n'est pas forcément une panacée », estimait l'économiste Pierre Cahuc lors du séminaire Politiques de l'emploi « L'essor de l'apprentissage: quel bilan et quelles perspectives ? » mardi 12 novembre. A elle seule, « la rétention dans l'entreprise de formation -environ 35% des apprentis- explique la différence de taux d'insertion entre l'apprentissage et le lycée professionnel », remarquait-il. Or, il faut également prendre en compte que le public n'est pas le même à l'entrée en formation en apprentissage ou en lycée professionnel : en général les apprentis « ont de meilleures notes, viennent de milieux sociaux plus favorisés, ont des parents qui travaillent, sont moins souvent immigrés… » Et si le « rendement de l'apprentissage » est visible dans le secondaire, il disparaît dans l'enseignement supérieur.
Hauts niveaux de formation
Depuis 2018, l'explosion de l'apprentissage a surtout lieu sur les hauts niveaux de formation. Or, celle-ci a un coût important, entre les diverses exonérations fiscales, de cotisations sociales, les aides aux employeurs, qui atteignait, selon les estimations, entre 14 et 25 milliards d'euros en 2022. « La dépense publique n'est pas ciblée sur les jeunes les moins qualifiés alors que l'on constate une absence d'effet d'emploi dans le supérieur », regrette Pierre Cahuc. Le coût annuel d'un apprenti est estimé à 20 000 euros contre 12000 pour un étudiant et 13000 pour un lycéen professionnel.
En outre, ces ex-apprentis commencent à arriver de plus en plus nombreux au chômage, comme le révèle une étude de l'Unédic. « Les alternants bénéficient de l'accès à l'assurance chômage comme les autres salariés, explique Lara Muller, directrice des études et des analyses de l'Unédic. Mais ils sont dans le champ des allègements de cotisations patronales en partie compensés par l'Etat et ne sont pas soumis à la CSG qui remplace la cotisation salariale ». Cette exception est actuellement débattue au PLFSS. En 2023, le nombre d'apprentis entrés à l'assurance chômage a plus que doublé par rapport à avant la crise covid et ce, « sans recettes adossées ». Ces nouveaux entrants représentent 770 millions d'euros de dépenses d'indemnisation en 2023, soit 2% de l'ensemble contre 1% en 2019.
Changement de profil des nouveaux entrants
« Il y a 165000 entrées par an et ce nombre va augmenter avec le décalage temporel lié à la durée des contrats », détaille Lara Muller. L'Unédic s'attend à cette hausse même si les entrées en apprentissage diminuaient désormais. Les anciens apprentis représentent déjà 8% des entrées, soit autant que les personnes licenciées économiquement. Au total, « un apprenti sur 5 arrive au chômage après son apprentissage ». Les profils de ces nouveaux entrants ont changé : la moitié sont diplômés du supérieur (un tiers avant), ils sont plus âgés, ont des allocations plus élevées et atteignent en moyenne 19 mois de droits, moyenne qui devrait décroître pour aboutir à 15 mois au vu des récentes réformes de l'assurance chômage.