Inauguration Handi TRUCK au Havre avec Denis Schirm Vice président d_OPCO Mobilités, le 24 mars 2024.
Un handi-truck pour former des personnes handicapées à la conduite
Inauguré au cours des Universités du réseau des référents handicap organisées par l'Agefiph en mars dernier, un poids lourd doté d'équipements adaptés aux importantes déficiences motrices et auditives va leur permettre de se former aux métiers de la conduite. Une innovation en matière de compensation du handicap qui ouvre un nouveau champ d'emplois possibles, dans un secteur en tension.
Par Sophie Massieu - Le 15 avril 2024.
Une plateforme élévatrice pour monter dans le camion en fauteuil roulant, une boule sur le volant pour regrouper les commandes à la main, une inversion de pédales, ou encore un Smart assistant monitor à destination des personnes sourdes pour qu'elles visualisent les consignes d'un formateur en l'absence d'un interprète en langue des signes française et soient averties de la présence d'un véhicule d'urgence alors qu'elles ne peuvent entendre les sirènes. Voilà quelques-unes des adaptations destinées à compenser le handicap physique lourd ou l'importante déficience auditive dont dispose le handi-truck.
Il est financé conjointement par l'Opco Mobilités, l'organisme de formation Aftral et l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). L'objectif de ces partenaires ? Permettre, où qu'elles se trouvent en France, aux personnes paraplégiques ou sourdes profondes de se former aux métiers de la conduite de poids lourds.
Un travail de longue haleine
Ce véhicule est un aboutissement. Celui d'un long travail commun, initié au début de la décennie 2010, pour permettre à des personnes lourdement handicapées d'accéder aux emplois du secteur du transport et de la logistique. D'abord dans le cadre du maintien dans l'emploi, aujourd'hui également pour les recrutements initiaux. Outre la mise au point d'équipements adaptés, il a aussi fallu convaincre les pouvoirs publics de prendre un arrêté autorisant les personnes aux importantes déficiences motrices ou auditives à conduire des poids lourds. Ce fut chose faite en 2022.
Après une pré-évaluation des capacités à la formation (PECF), les personnes retenues peuvent préparer les permis C et CE ainsi que la Formation initiale minimum obligatoire (Fimo). Et ce tant dans le cadre de CAP à la conduite routière que de titres professionnels. Aussi bien au sein d'un centre de formation géré par Aftral qu'au sein d'un autre organisme de formation : le handi-truck a vocation à être prêté aux centres de formation de la personne candidate.
Lutter contre préjugés et méconnaissance
Depuis 2012 et la mise au point de la PECF, près de 500 personnes handicapées ont été formées à ces métiers. Peu encore sont paraplégiques, en fauteuil roulant. Dès lors, selon Valérie Lardière, chargée de mission nationale handicap chez Aftral, il convient de « lever les freins parce qu'il reste des préjugés et de la méconnaissance. » Pour cela, elle intervient auprès des entreprises, mais aussi des prescripteurs, que sont France Travail, les missions locales ou encore le réseau des Cap Emploi, pour les informer de cette possibilité de formation, et de recrutement.
« Quand on s'attache à la promotion des métiers, on doit s'engager pour la totalité des profils », abonde Isabelle Maimbourg, directrice générale adjointe de l'Opco Mobilités. Elle rapproche à ce propos le sujet du handicap de celui de la féminisation. Et ajoute : « Même si c'est une niche, cela nous permet aussi de remplir une autre de nos missions : offrir un service aux entreprises. » Des entreprises pour lesquelles recruter dans ces domaines reste complexe puisque, indique-t-elle, 70 000 postes cherchent actuellement preneur. Elle assure que l'Opco va veiller à former ses conseillers entreprise pour qu'ils puissent apporter partout cette solution de formation de publics à besoins particuliers.
Revoir les référentiels de formation
« Il convient d'aller dans le détail, et de faire évoluer les référentiels de formation », souligne Laurent Pottier, chargé de mission à l'Agefiph. Par exemple pour permettre la présence d'interprètes lors des évaluations au cours du passage de diplômes et donc, conséquemment, pour une personne sourde, de parfois retirer le chronométrage d'un exercice pour ne pas la pénaliser.