Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine.

Apprentissage : « L'argent public capté par des organismes en pleine expansion » (Alain Rousset)

Alors que le projet de loi de finances 2025 prévoit des coupes substantielles dans les aides à l'alternance, Alain Rousset, le président PS (Parti socialiste) de la Région Nouvelle-Aquitaine, dénonce les effets de la libéralisation du marché de l'apprentissage. Laquelle aurait entraîné selon lui la captation de fonds publics par des organismes de formation « créés opportunément ou en pleine expansion ». Entretien.

 

Par - Le 06 février 2025.

Le Quotidien de la formation. En cette année 2025, la région va devoir composer avec la baisse de l'enveloppe allouée par l'État pour soutenir les formations par apprentissage. Cette baisse peut-elle être compensée ?

 

Alain Rousset. Non, c'est une très mauvaise nouvelle qui arrive après celle de la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage les années précédentes. En Nouvelle-Aquitaine, nous bénéficiions de 14 millions de la part de l'État pour le fonctionnement des formations. Désormais, c'est 8,9 millions. C'est nettement insuffisant. En 2024, par exemple, les organismes de formation nous avaient adressé 800 demandes représentant un budget total de 24 millions. Il y a besoin de moderniser en permanence, par exemple, les plateaux techniques ! Or la région n'a pas les moyens de compenser la baisse.

 

QDF. Plus globalement, quel regard portez-vous sur ces évolutions du financement de l'alternance et de l'apprentissage ?

 

AR. Elles sont injustes, c'est à la fois un échec et une erreur. Ce que je constate, c'est que cela aboutit à ce que de l'argent public soit capté par des organismes créés opportunément, ou en pleine expansion grâce — ou à cause- de la volonté gouvernementale. Le meilleur exemple vient de Muriel Pénicaud elle-même, qui en tant que ministre du Travail crée un « big bang de la formation professionnelle », bénéficiant très largement à des groupes de formation privés détenus par des fonds d'investissement. Et une fois sortie du gouvernement, elle rejoint le conseil d'administration de l'un de ces groupes [ 1 ]Galileo Global Éducation, NDLR. Plus généralement, il me paraît évident qu'il y a une pression des grandes entreprises pour freiner le financement solidaire de l'apprentissage, qui ruisselait jusque-là sur les plus petites, et qui permettait également de pérenniser nos CFA (centres de formation d'apprentis) territoriaux, de Bordeaux à Ussel.

 

QDF. Car c'est aussi une question d'aménagement du territoire…

 

AR. Bien sûr. En particulier dans une région aussi vaste que la nôtre. On assiste à une centralisation de l'apprentissage dans les grandes villes, où se trouvent les entreprises majeures. Le menuisier en milieu rural va évidemment bien plus souffrir de la baisse du financement que L'Oréal ou Sanofi ! Ceux qui vont être menacés, parce qu'ils ont besoin d'apprentis, ce sont les petits artisans qui font la vie quotidienne de nos concitoyens, le boulanger, le boucher, le charpentier… Ils bénéficiaient d'une solidarité qu'Emmanuel Macron et Muriel Pénicaud ont effacée d'un trait de plume. C'est une catastrophe budgétaire et territoriale.

 

QDF. Comment en sortir ?

 

AR. En revenant au système antérieur, et en confiant davantage de responsabilités aux régions qui, en concertation permanenter avec les lycées professionnels, les chambres des métiers et consulaires, maillent efficacement le territoire. Car si des CFA disparaissent d'un territoire, c'est une menace grave pour les entreprises qui y sont installées.

 

Notes   [ + ]

1. Galileo Global Éducation, NDLR.