« La loi de 2018 est passée à côté des transitions professionnelles » (UHFP)

« La loi du 5 septembre 2018 est passée à côté des transitions professionnelles », a souligné Sabrina Dougados, avocate associée chez Littler France, jeudi 23 janvier, en écho au même constat, dressé la veille par la ministre du travail en ouverture de la 19e Université d'hiver de la formation professionnelle.

Par - Le 27 janvier 2025.

Sabrina Dougados s'exprimait lors d'une table ronde sur le thème : « Compétences en entreprise : les enjeux et défis RH », au lendemain de l'intervention d'Astrid Panosyan, ministre du Travail et de l'Emploi. Laquelle avait acté l'échec des dispositifs de reconversion professionnelle. Transitions collectives (Transco) : seulement « 800 reconversions » par an ; Pro-A, « moins de 10 000 » bénéficiaires.

Du Cif au PTP

« À l'époque du congé individuel de formation, supprimé par la loi Avenir professionnel de 2018, 50 000 personnes se reconvertissaient à leur initiative. Mais le patronat n'en voulait pas, il ne l'a jamais accepté, depuis la promulgation de la loi Delors, première grande loi sur la formation professionnelle [ 1 ]Le congé individuel de formation a été créé sur le principe en 1966 et mis en place de manière effective à partir de 1984. le gouvernement l'a supprimé, arguant que 50 000 dossiers annuels, c'était très faible. Pourtant, les organisations voulaient le garder. Or aujourd'hui,18 000 personnes bénéficient d'un projet de transition professionnelle (PTP). C'est encore plus faible. Ce dispositif issu de la réforme de 2018 est non seulement un échec mais il coûte cher au vu des résultats, comme coûte très cher l'apprentissage, qui a bénéficié d'une manne financière considérable pour un impact sur l'emploi des jeunes à nuancer. Quant à la Pro-A, le gouvernement était contre », affirme Jean-François Foucard, secrétaire national « parcours professionnels » de la CFE-CGC.

Priorité au CPF et à l'apprentissage

« La loi du 5 septembre 2018 est passée à côté des transitions professionnelles », constatait Sabrina Dougados. Dès lors, « comment anticiper les transitions pour qu'elles ne soient pas subies ? ». Question à laquelle la loi « professionnel » n'a pas apporté de réponse à la hauteur, en raison de la priorité accordée à la désintermédiation du compte personnel de formation et à la libéralisation du marché de l'apprentissage. « Le congé individuel de formation a été transformé en projet de transition professionnelle, mais a été mal doté financièrement. La Pro-A a été très compliquée à mettre en œuvre, dès son lancement. Dommage que le gouvernement n'ait pas voulu en faire un enjeu pour accompagner les entreprises et les salariés dans les transitions professionnelles. »

Clause de dédit-formation

Vice-président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) en charge des affaires sociales, Éric Chevée n'a pas répondu à l'interpellation indirecte de Jean-François Foucard sur la responsabilité des organisations d'employeurs quant à la fin du Cif et à ses conséquences aujourd'hui. Il a en revanche mis en avant la difficulté des patrons de petites et moyennes entreprises à investir dans la formation professionnelle. Taraudés par la crainte de financer une montée en compétences à des salariés susceptibles de quitter l'entreprise dans la foulée sans que celle-ci ait eu le temps d'amortir son investissement, nombreux sont ceux qui s'abstiennent de tout effort, par précaution. C'est pourquoi la CPME revendique de longue date l'instauration d'une clause de dédit-formation, permettant à l'employeur d'être indemnisé si un salarié formé à ses frais quitte son poste prématurément.

« La formation est un investissement, mais les comptables ne sont pas d'accord. Le dédit-formation permettrait justement de lever l'obstacle en amortissant les dépenses sur plusieurs années », a fait valoir Éric Chevée.

À ses yeux, il s'agit de garantir un juste retour d'investissement aux entreprises, surtout les plus petites d'entre elles, aux moyens plus limités que les grandes, et généralement dépourvues de services de ressources humaines.

Sceptiques sur la faisabilité pratique du dédit-formation, les organisations syndicales et les gouvernements ont toujours opposé une fin de non-recevoir à la CPME.

Notes   [ + ]

1. Le congé individuel de formation a été créé sur le principe en 1966 et mis en place de manière effective à partir de 1984.