L'apprentissage à l'aube d'une nouvelle ère ?

Alors que s'ouvre la 19éme édition de l'Université d'hiver de la formation professionnelle, le monde de la formation retient son souffle. Dans un contexte de diète budgétaire, le ministère du Travail poursuit deux grands chantiers pour réguler le marché de l'apprentissage. La concertation sur les modalités de fixation des niveaux de prise en charge vient de reprendre ainsi que les travaux du groupe de travail relatif à la qualité.

Par - Le 22 janvier 2025.

Victime d'une instabilité politique inédite en France, le budget de l'Etat 2025 reste en suspens. Et laisse les acteurs de la formation dans l'incertitude. Les travaux parlementaires repris le 15 janvier dernier au Sénat pour une adoption prévue mi-février, reprennent le texte discuté sous le précédent gouvernement de Michel Barnier. Certains amendements toutefois créent la surprise comme celui qui prévoit de ponctionner 9% des crédits du plan France 2030. En cours d'examen, le projet de décret actant la baisse des aides à l'embauche d'apprentis devrait être publié à la fin du mois de janvier, avec à la clé, pour le ministère du Travail, une économie d'1,2 milliard d'euros.  Difficile dans ces conditions de se projeter. Seule constante des futures politiques publiques, un budget au régime sec et une meilleure allocation des dépenses. Porté par un volontarisme politique toujours intact, l'apprentissage n'échappe pas à ces nouvelles exigences. Où en est-on dans les pistes de régulation d'un marché qui a connu en quelques années un essor sans précédent ? Comment les CFA et les entreprises s'adapteront aux nouvelles règles et à la fin du « quoiqu'il en coûte » ?

Une régulation par les modalités de fixation des niveaux de prise en charge

Talon d'Achille de la réforme de 2018, la régulation de marchés libéralisés et désintermédiés a, jusqu'à présent, essentiellement porté sur le CPF. Celle de l'apprentissage s'est à ce jour limitée aux trois campagnes de révision des niveaux de prise en charge (NPEC) sur la base de l'analyse des coûts des CFA. Aujourd'hui, les pouvoirs publics veulent aller plus loin en modifiant leurs modalités de fixation.  La concertation lancée fin novembre puis interrompue par la chute du gouvernement Barnier vient de reprendre début janvier. Un récent rapport de l'Igas propose plusieurs scénarios. Dans son cadrage des discussions, le ministère du Travail retient l'idée de laisser les branches professionnelles arbitrer au sein de leur portefeuille de certifications mais dans une enveloppe contrainte. Elles pourront ainsi faire varier leur NPEC en fonction de leurs priorités stratégiques selon des règles à préciser lors de la concertation. Cette nouvelle approche devrait simplifier le process en évitant les allers-retours avec l'instance de régulation et favoriser le financement des formations aux métiers en tension, au détriment probable de celui portant sur des compétences transversales.

Une régulation liée à la gestion des opérateurs

Bousculés par les nouvelles règles d'un marché libéralisé et concurrentiel, les modèles économiques des CFA se cherchent encore. Ces dernières années, l'observation des coûts réalisée par France compétences interroge certaines de leurs pratiques de gestion. La régulation à venir corrigera des effets de bord. Les dépenses de communication de certains CFA grimpent en flèche pouvant atteindre, dans certains cas, 600 euros par contrat. Il est question de les plafonner. Autre mesure pouvant impacter le modèle économique des CFA, la question de minorer la prise en charge des formations à distance se pose et devra être tranchée.  Certaines pratiques, en revanche, seront encouragées. Les NPEC pourraient ainsi intégrer les investissements de plus de trois ans réalisés par les établissements. Dans les départements et régions d'outre-mer, la prise en charge pourrait être majorée.  La concertation réunissant les différentes parties prenantes, réseaux de CFA, branches professionnelles ainsi que France compétences et la DGEFP se poursuivra jusqu'à la fin du mois de février pour des arbitrages prévus au printemps.

Une régulation par la qualité encore attendue

Le deuxième axe de la régulation de l'apprentissage concerne la qualité de ses parcours. Ces dernières années, les dérives observées au sein de certains établissements et l'augmentation significative des taux de rupture imposent une contre-offensive du régulateur. Le système de contrôle a montré ses failles. Un premier train de mesures a renforcé les prérogatives des Opérateurs de compétences (Opco) au printemps dernier. Les premières campagnes de contrôle ne se déploient sur le terrain que depuis novembre dernier. Revisité, le référentiel de contrôle commun construit par le GIE D2OF regroupant les 11 Opco cherche davantage à mesurer la qualité pédagogique. Mais l'exécutif compte surtout sur un plus grand partage d'informations entre les financeurs. Ces informations, accessibles sur une plateforme type Agora, permettraient non seulement d'identifier plus facilement les pratiques douteuses ou insatisfaisantes mais aussi d'éviter la dispersion des moyens de contrôle. Difficulté, ce nouveau système poussé par le gouvernement, se heurte au droit de la communication et exige donc une loi pour pouvoir être mis en place. On le comprend, le marché de l'apprentissage dont certains observateurs considèrent qu'il a atteint en plateau va se tendre pour les CFA. Ils sont nombreux à avoir anticipé cette nouvelle donne. Ils témoigneront des évolutions de leurs stratégies lors d'une table ronde à l'Université d'hiver de la formation professionnelle (UHFP), le jeudi 23 janvier à 11h.

La 19ème UHFP se déroule du mercredi 22 janvier au vendredi 24 janvier au Palais des festivals à Cannes.