Le 11 mars 2025 aux Initiales du BTP à Paris-La Défense, table ronde « L’apprentissage : une définition à revoir ? » De g. à dr. : Fabien Claire, directeur de la rédaction News Tank RH, Stéphane Remy, sous-directeur des politiques de contrôle à la DGEFP ; Antoine Amiel, président Learn Assembly et Jacques-Olivier Hénon, directeur des politiques de formation et de l’innovation pédagogique au CCCA-BTP.

L'apprentissage en quête d'une nouvelle définition

La définition actuelle de l'apprentissage est-elle encore adaptée aux réalités du terrain ? C'était le thème d'une conférence organisée par le CCCA-BTP, réunissant des experts du secteur. Entre évolution des pratiques et enjeux de qualité, la formation en alternance cherche à se réinventer.

Par - Le 14 mars 2025.

Puisqu'il est ici question de réinterroger la définition historique de l'apprentissage telle que posée par le Code du travail, d'abord un rappel de l'article L6211-1 : « L'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la Nation. Il contribue à l'insertion professionnelle. Il a pour objet de donner à des travailleurs, ayant satisfait à l'obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. La formation est gratuite pour l'apprenti et pour son représentant légal. »

Continuum

Pour Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de contrôle à la DGEFP, il faut remarquer « que la réforme de 2018 a permis de dépasser la distinction historique entre formation initiale et formation continue. » C'est bien le plaidoyer du concept de formation tout au long de la vie en faveur « d'un continuum, d'un trait d'union, qui a été favorisé par la réforme. » Ce qu'il faudrait ré-interroger aujourd'hui ? Certainement la question de la pédagogie de l'alternance entre théorie et pratique, « que l'on maîtrise moins bien du côté de la formation des adultes », estime-t-il. Mais plutôt que de tout ré-écrire, il s'agit d'abord pour lui de bien relire – pour mieux les appliquer-, les textes qui placent « l'accompagnement » au cœur de la relation d'alternance.

Pédagogie de l'alternance

Jacques-Olivier Hénon, directeur des politiques de formation et de l'innovation pédagogique au CCCA-BTP, insiste lui aussi sur l'importance de cette pédagogie de l'alternance : « On ne peut pas avoir une formation en alternance si on ne prend pas en compte une approche holistique de la formation, à savoir l'apprenant qui passe du temps en centre de formation et en entreprise. » À rebours de certaines interprétations qui associe la formation théorique au CFA et la formation pratique à l'entreprise, Jacques-Olivier Hénon plaide pour une « montée en savoir-faire et compétences » en tout lieu. Ce qui importe, c'est d'embarquer l'apprenti dans une « démarche réflexive sur son métier », qui lui permette de conscientiser la dimension professionnalisante de l'activité de travail. En écho aux travaux du CCCA-BTP sur la formation d'apprentis citoyens (notre article), et alors que les limites d'âge de l'alternance sont repoussées par le contrat de professionnalisation, Jacques-Olivier Hénon défend aussi l'importance de « l'accompagnement socio-éducatif » pour l'ensemble des publics.

Repenser l'articulation théorie-pratique

En tant qu'entrepreneur, Antoine Amiel, président de Learn Assembly, pointe du doigt certaines dérives d'approches selon lui trop théoriques, qui finissent par « pénaliser l'apprentissage et sa crédibilité auprès des entreprises. » Il en est convaincu, le trop faible accent mis sur les compétences pratiques questionne « l'impact et l'utilité » de l'apprentissage par les employeurs. D'autant plus dommage qu'il faudrait selon lui élargir la pédagogie de l'alternance à toutes les pratiques de formation. Si redéfinition de l'apprentissage il y a, il plaide pour une formule « hybride entre la VAE et l'alternance. » À la condition d'un environnement pédagogique centré sur la réalité du travail, l'apprentissage devrait être « le levier de formation continue tout au long de la vie, y compris sur des blocs de compétences courts », estime-t-il.

Chantier qualité Qualiopi

La qualité de l'apprentissage est au cœur des préoccupations, notamment à travers le référentiel Qualiopi. Alors que ce dernier est challengé, Stéphane Rémy rappelle que cet « ordonnancement juridique » de la dimension qualité a été co-construit avec l'ensemble des acteurs et voit une « chance » dans l'existence de ce référentiel. Estimant par ailleurs « naturel que les choses ne soient pas figées dans le marbre », il admet des marges de progrès en matière d'apprentissage. Pour Antoine Amiel, la façon dont les CFA s'emparent de Qualiopi est très variable et il leur revient aussi d'en faire un levier de transformation. De même pour les entreprises, qui seraient trop enclines à attendre que le monde de l'enseignement et de la formation leur livre une main d'œuvre clé-en-mains immédiatement opérationnelle. « Quand les entreprises ne prennent pas leur part en formant des tuteurs, en finançant des plateaux techniques, en pratiquant la coloration de diplôme ou ne formant pas à la prise de poste, il y a une forme de désengagement », estime-t-il. Et de suggérer : « pourquoi pas demain un Qualiopi des maîtres d'apprentissage ? » Au-delà de la seule alternance, il y aurait là matière à une « plus grande appropriation de l'acte de formation dans l'entreprise. »

Former tout au long de la vie

L'apprentissage est à un tournant de son histoire. Entre adaptation aux nouvelles réalités du monde du travail et préservation de ses fondamentaux, le défi est de taille. Comme le résume Jacques-Olivier Hénon : « La qualité n'est réellement atteinte que si et seulement si on travaille conjointement autour de l'individu. » Une redéfinition de l'apprentissage devra prendre en compte cette dimension collaborative pour répondre aux enjeux de demain.