UHFP 2025, table ronde sur la régulation, le 23 janvier 2025.

L'apprentissage face à des choix structurants (UHFP 2025)

A quoi ressemblera l'apprentissage demain ? C'est la question que pose la raréfaction des investissements publics. La nécessaire régulation du marché tâtonne. Lors de la table ronde organisée par Centre Inffo jeudi à l'Université d'hiver de la formation professionnelle, les pistes discutées ouvrent un débat de fond sur la qualité et les objectifs visés.

Par - Le 24 janvier 2025.

Les premiers arbitrages sur les aides à l'embauche des apprentis font grincer des dents. Le réseau CMA (Chambre des métiers et de l'artisanat) France appelle à revenir sur l'objectif d'insertion professionnelle porté par l'apprentissage en concentrant les forces des politiques publiques sur les niveaux de certifications les plus faibles et les plus petites entreprises. Là où le besoin d'accompagnement est le plus fort. « Le sujet est de prioriser l'allocation d'un argent public devenu rare », déclare son directeur général, Julien Gondard. Invités à débattre sur la future régulation du marché lors d'une table ronde organisée par Centre Inffo jeudi à l'UHFP (Université d'hiver de la formation professionnelle), des représentants de CFA (centres de formation d'apprentis) rappellent les enjeux. « L'aide à l'embauche qui vise à accompagner l'entreprise dans la prise en charge des apprentis ne doit pas devenir une prime à l'embauche », rappelle Patrick Chemin, Les Compagnons du Devoir. Dans le viseur du secrétaire général, une disposition du projet de décret qui limite l'aide à un seul contrat et restreint ainsi la poursuite de la formation. Les objections suscitées par ce premier coup de rabot traduisent bien la difficulté pour le système né en 2018 de s'adapter à la diète budgétaire et trouver la bonne martingale en matière de régulation. S'ajoute en 2025, la refonte des modalités de fixation des niveaux de prise en charge (NPEC).

Une régulation par la qualité introuvable ?

La régulation par les NPEC s'est jusqu'à présent limitée aux trois campagnes de révision. Ces trois baisses successives n'ont pas été indolores. Au sein du réseau CMA, des apprentis sont financés à perte. « A la rentrée 2025, nous serons obligés de fermer des sessions », confirme Julien Gondard. De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une régulation par la qualité. Certains, comme les Compagnons du Devoir avancent leurs investissements réalisés depuis 5 ans dans des projets visant à une démarche d'amélioration continue et la mise en place de modèles pédagogiques liés à leurs métiers. « Dans une formation de charpentier, le nombre d'apprentis doit être limité pour faire de la qualité », note Patrick Chemin. Si tous admettent que la remontée des coûts a amélioré la prise en charge, reste à trouver le moyen d'embarquer des critères qualité. France compétences tempère. « Je ne suis pas sûr que le NPEC soit le bon vecteur. Ou alors il faut passer de la maille de la certification professionnelle à la maille du CFA », précise Stéphane Lardy, son directeur général. Les yeux se tournent alors vers les financeurs et leurs actions de contrôle. Cette question reste ouverte. Pour Thierry Teboul, directeur général de l'Afdas [ 1 ]Opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications., une initiative pourrait changer la donne.  « Je crois beaucoup à l'utilité d'une conférence des financeurs dans les territoires ». Le groupe de travail qualité a été relancé et devrait avancer sur ces sujets.

 

La fin du « quoiqu'il en coûte » sans boussole 

Sur le plateau de l'UHFP, le reflux des dépenses publiques se fait sentir. A la morosité ambiante s'ajoute l'incertitude politique. « Nous sommes un peu inquiets même si la ministre du Travail nous a garanti que le montant des Plan régionaux d'investissement dans les compétences se maintiendrait au niveau », déclare Jean-Patrick Gille, vice-président du Conseil régional du Centre-Val-de-Loire en charge de la formation professionnelle, et administrateur de Centre Inffo. Une nouvelle baisse tendrait le marché des demandeurs d'emploi et fragiliserait un écosystème déjà affaibli par le retrait du Pic (Plan d'investissement dans les compétences). Du côté de France compétences, on reste prudent. Le budget 2025 adopté fin novembre traduit les premiers efforts de régulation et intègre une dotation de l'Etat légèrement en baisse à un peu moins de 2 milliards d'euros. Mais, rien n'est encore joué à la veille de nouveaux arbitrages politiques au Parlement. « Nous ne sommes pas à l'abri d'un budget rectificatif », confirme Stéphane Lardy, directeur général de France compétences. Face à des politiques publiques désorientées, les partenaires sociaux revendiquent leur rôle historique de régulateur.

 

Notes   [ + ]

1. Opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications.