Le mardi 11 février à Paris, dans les locaux de l’École normale supérieure, table ronde sur les IA au service des apprentissages. De gauche à droite : Orianne Ledroit, déléguée générale Edtech France ; Bertrand Monthubert, coordinateur du programme Atypi-Friendly et président du groupe de travail Data Governance du Partenariat mondial de l’IA ; Erwan Paitel, inspecteur général de l’éducation du sport et de la recherche et rapporteur de la commission sur l’IA ; Christiane Caneva, cheffe du service de la didactique universitaire et des compétences numériques à l’Université de Fribourg ; Aude Guéneau, fondatrice et présidente de Plume, présidente de EdTech France ; Cédric O, ancien ministre chargé du Numérique, membre fondateur de Mistral AI et de The Marshmallow Project ; Lucie Jacquet-Malo, docteure en mathématiques et chercheuse associée au Lefmi à l’université de Picardie Jules-Verne, enseignante à l’Inspe de l’Académie d’Amiens et pilote politique et stratégique du projet DemoES Ap.
L'IA au service des apprentissages : trois livrables clés pour transformer l'enseignement supérieur
Infrastructure IA (intelligence artificielle) dédiée aux établissements d'enseignement supérieur, charte d'encadrement des usages et méthodologie d'évaluation de l'efficacité des IA dans l'apprentissage, tels sont les trois chantiers majeurs de transformation numérique des universités présentés dans les locaux de l'ENS (Ecole normale supérieure) de la rue d'Ulm, à Paris, lors d'une table ronde organisée mardi 11 février par EdTech France et ses partenaires dans le cadre du Sommet international pour l'action sur l'IA.
Par Nicolas Deguerry - Le 13 février 2025.
La table ronde organisée à l'École normale supérieure à a réuni entrepreneurs de l'edtech et experts de l'intelligence artificielle pour discuter des conditions de déploiement de l'innovation technologique dans les apprentissages. Trois axes de travail prioritaires y ont été identifiés pour accompagner le développement de l'intelligence artificielle dans l'enseignement supérieur.
LA FORMATION AU SOMMET INTERNATIONAL POUR L'ACTION SUR L'IA ? De façon assumée par l'Élysée, le Sommet international pour l'action sur l'IA avait une ambition majeure : « changer le narratif » pour faire baisser les craintes suscitées par l'essor des IA génératives. Pendant près d'une semaine, montrer des cas d'usages prometteurs et lever des fonds pour le développement des infrastructures, plutôt que célébrer l'entrée en application des premières mesures coercitives de l'IA Act (notre article). Et si, au sein de cet événement qui s'est efforcé d'auréoler d'enthousiasme les contours d'une nouvelle frontière que se disputent les grands ensembles géopolitiques du XXIe siècle, les questions d'éducation et de formation n'auront pas été au centre, elles n'en ont pas moins été abordées. Souvent en arrière-plan, comme dans le mémo des « actions de Paris pour l'intelligence artificielle » publié par l'Élysée, qui évoque « un élan pour l'innovation et la formation de talents au sein de l'Union européenne » avec 10 milliards d'euros investis dans les « AI Factories », mais aussi de façon plus dédiée. Ainsi de la table ronde organisée par EdTech France et ses partenaires universitaires France 2030 DemoES, avec le soutien du Secrétariat général pour l'investissement, de l'Agence nationale de la recherche et de Mistral AI. |
RAGaRenn
Baptisé RAGaRenn, le premier chantier concerne le déploiement d'une infrastructure RAG, pour « Retrieval Augmented Generation», ou « génération augmentée de récupération », qui permet de sécuriser et fiabiliser le recours à l'IA. Spécifiquement conçu pour répondre aux besoins des universités, « RAGaRenn permet d'associer des sources de données fiables à un modèle de langage, afin d'obtenir des réponses précises et contextualisées », explique Olivier Wong-Hee-Kam, vice-président numérique de l'université de Rennes et l'un des concepteurs du projet[ 1 ]Christophe Batier a consacré un webinaire au RAGaRenn, avec Olivier Wong-Hee-Kam.. En adossant les modèles de langage à des bases de connaissances spécifiques et/ou internes à une organisation, les infrastructures RAG permettent ainsi de déployer des solutions d'IA souveraines qui visent à offrir aux établissements un meilleur contrôle sur les flux de données.
Charte IA
Le deuxième axe de travail porte sur l'élaboration d'une charte de référence pour encadrer l'utilisation des IA génératives par les étudiants et les enseignants. Avec l'objectif de garantir un usage éthique de l'IA, une telle charte à l'avantage de proposer « un cadre qui protège les utilisateurs tout en maximisant les bénéfices pédagogiques de l'IA », souligne Aude Guéneau, présidente d'EdTech France et fondatrice de l'assistant d'écriture intelligent Plume. Cette charte, dont une version développée par l'université de Rennes est consultable ici, devrait également aider à harmoniser les pratiques entre établissements.
Évaluer l'efficacité
Enfin, le troisième chantier vise à développer une méthodologie de mesure d'impact des solutions d'IA sur les apprentissages. « Nous devons être capables de démontrer l'efficacité des IA sur les résultats éducatifs », insiste Bertrand Monthubert, coordinateur du programme Atypie-Firendly [ 2 ]Programme national pour rendre l'enseignement supérieur inclusif pour les personnes avec un trouble du neuro-développement. et président du groupe de travail Data Governance du Partenariat mondial de l'IA. Entrepreneur Edtech fondateur de Lalilo, Laurent Jolie plaide pour une approche progressive qui tienne compte des moyens financiers limités des jeunes entreprises : « aux États-Unis, on distingue trois niveaux de preuve, cela permet aux start-ups de démontrer l'efficacité de leurs solutions de manière graduelle, en fonction de leur maturité. »
Facteurs de succès
Parmi les principaux enjeux d'une IA au service de la réussite éducative évoqués en conclusion, c'est Cédric O, ancien ministre chargé du Numérique, membre fondateur de Mistral AI et de The Marshmallow Project, qui souligne l'importance de développer l'esprit critique chez les utilisateurs pour comprendre les capacités et les limites des outils d'IA. Derrière l'excellence de la forme, « ce n'est que de la statistique », souligne-t-il. Pour Christiane Caneva, cheffe du service de la didactique universitaire et des compétences numériques à l'Université de Fribourg, il importe de « repenser la question de l''évaluation et des compétences à continuer de développer alors que les IA peuvent très bien faire un certain nombre de tâches. »
Avec l'idée que la juste place donnée au numérique n'est pas dans le remplacement mais dans l'outillage et l'assistance, Erwan Paitel, inspecteur général de l'éducation du sport et de la recherche et rapporteur de la commission sur l'IA, pointe lui l'importance de « maintenir un lien humain entre enseignants et jeunes générations : l'IA et le numérique sont à utiliser comme vecteurs pour réhumaniser ce qui se passe dans la classe et non le virtualiser. » Et d'insister : « l'IA ne doit pas être un palliatif à une forme de médiocrité. »
C.Q.F.D. consensuel conclusif : l'avenir de la pédagogie à l'ère de l'IA dépendra de notre capacité à équilibrer innovation technologique et valeurs éducatives fondamentales.
Notes
1. | ↑ | Christophe Batier a consacré un webinaire au RAGaRenn, avec Olivier Wong-Hee-Kam. |
2. | ↑ | Programme national pour rendre l'enseignement supérieur inclusif pour les personnes avec un trouble du neuro-développement. |