19e UHFP, table ronde Transition écologique dans l’industrie, le 23 janvier 2025.
Transition écologique : la formation toujours pas à la hauteur des enjeux
La transformation des métiers et des modes de production dans le secteur de l'industrie s'impose pour lui permettre de se décarboner. Mais malgré ce constat unanimement dressé lors d'une table ronde sur ce thème à l'Université d'hiver de la formation professionnelle, l'écart reste important entre nécessité et réalité, en matière d'acquisition des compétences.
Par Sophie Massieu - Le 28 janvier 2025.
La formation apparaît toujours peu connectée à la prospective en matière d'emplois et de compétences liée à la transition écologique. C'est le constat sans appel dressé par Cécile de Calan, ingénieure de projet et experte formation continue au sein du cercle de réflexion The Shift Project, en ouverture d'une table ronde intitulée « La transition écologique, quel accompagnement par la formation ? », qui s'est tenue à Cannes, jeudi 23 janvier, dans le cadre de l'Université d'hiver de la formation professionnelle. En cause selon elle : la trop faible part des sujets environnementaux dans le dialogue social, et l'instabilité des financements des dispositifs de formation.
Et pourtant, de l'aveu même du représentant des entreprises dans ce débat, Marcel Ragni, président de l'UIMM (Union des industries métallurgiques et minières) Côte d'Azur, cette transition est « primordiale dans l'industrie : celui qui ne s'y met pas ne pourra plus travailler. » Autrement dit, décrocher des appels d'offre et des marchés.
Modification des compétences métier autant que transverses
Dès lors, nombre d'acteurs se mobilisent pour rapprocher les compétences à acquérir des besoins des entreprises. À l'image du Shift Project, qui va publier en mars prochain un nouveau rapport d'analyse sur ce thème. En avant-première, Cécile de Calan en a partagé quelques grandes lignes.
À commencer par « trois enjeux importants ». Le premier tient au besoin de faire évoluer les compétences pour décarboner, modifier radicalement les façons de produire et de travailler. Les compétences métier doivent donc changer, mais les compétences transverses également, par exemple la capacité à monter des projets complexes. Le deuxième point souligné par le Shift Project s'attache aux « transformations magistrales » des métiers. Avec notamment des secteurs qui perdront nombre d'emplois, comme le transport routier ou les énergies fossiles. « Il faut pouvoir anticiper cela, et permettre aux salariés de se reconvertir vers des emplois plus durables », préconise Cécile de Calan. Ce d'autant, souligne-t-elle, que 90 % des emplois impactés sont ceux d'ouvriers et de techniciens, ceux-là même qui accèdent le moins facilement à la formation habituellement. Enfin, dernier point de vigilance, elle a souligné l'importance de changer de mentalités et de culture sur ce sujet au moyen de la formation, au sein des entreprises et/ou des branches de façon plus large.
Une offre plus segmentée au service de la transition écologique
Sur le terrain, l'Opco 2i, l'opérateur de compétences de l'industrie, s'approprie ces changements en modifiant son offre de services, qui va entrer en vigueur début février. Une offre dédiée à la transition écologique voit ainsi le jour, « plus segmentée », a indiqué Émilie Marchand, sa directrice du développement et de l'offre de services, pour mieux différencier les solutions offertes aux grands comptes ou aux PME. Le principe consiste à proposer un autodiagnostic aux entreprises, suivi d'un affinement du diagnostic avec un conseiller, avant de déployer des actions de formation.
Or, justement, les entreprises, pour certaines, sont enclines à se lancer sur le sujet, pour que leur stratégie de responsabilité sociétale se déploie dans les faits. Ainsi le groupe Sanofi a-t-il développé des Mooc en lien avec les thématiques de sa stratégie de décarbonation, consacrés par exemple à la gestion des déchets, à l'écodesign ou encore au devenir des médicaments dans l'environnement.
Petits pas
Des « initiatives inspirantes », donc, selon les termes de Cécile de Calan, mais qui ne suffisent pas à ce que les formations lui semblent à la hauteur des enjeux. Y compris en listant les cursus à supprimer, pour les métiers bientôt appelés sinon à disparaître, à tout le moins à voir leurs effectifs singulièrement revus à la baisse, les chauffeurs routiers par exemple. Comme si, décidément, les formations demeuraient très à la traîne de la prospective métiers…