19e UHFP, table ronde UHFP sur le CPF et la VAE, le 23 janvier 2025.
VAE : « Passer le dernier cap en 2025 » (Audrey Pérocheau)
Comment les droits individuels de formation (CPF, VAE, CEP), peuvent-ils évoluer pour mieux accompagner les transitions professionnelles ? Et selon quelles modalités, dans un contexte économique contraint ? Ces questions ont été abordées au cours d'une table ronde, le 23 janvier dernier, lors de la 19e édition de l'Université d'hiver de la formation professionnelle.
Par Raphaëlle Pienne - Le 28 janvier 2025.
Elaborés dans le cadre du dialogue social et objet de réformes régulières, les droits individuels de formation ont été réinterrogés lors de cette table ronde qui aura duré presque deux heures. Et il ne fallait pas moins de temps pour évoquer ce sujet porteur d'enjeux tout aussi forts que sensibles.
Une réforme de la VAE sous des vents contraires…
La validation des acquis de l'expérience (VAE) est peut-être le droit individuel qui suscite le plus d'interrogations immédiates. On se souviendra que sa réforme, promulguée en 2022, est encore loin de se déployer totalement alors que son échéance était prévue au 31 décembre 2024. « Depuis 2022, la VAE est ‘'hors la loi''. Dans le sens où elle évolue en droit futur », expose Jacques-Alexandre Habif, fondateur et associé du cabinet Perspective et Rebond.
Celui-ci rappelle que de nombreux arrêtés manquent encore à l'appel. Sans compter que la réforme a aussi fait l'objet de plusieurs reculs : fermeture temporaire de la plateforme France VAE, passage de 217 à 24 certifications couvertes par le parcours, puis fin des financements dédiés en octobre dernier. « On s'est retrouvés d'un seul coup avec des bénéficiaires pas pris en charge. Au mois d'octobre, on estime à 3000 le nombre de personnes sans recours. […] Le problème est que là, on joue avec de vrais gens », s'énerve Jacques-Alexandre Habif.
… mais qui garde le cap
Face à ces motifs de colère, on comprend que la représentante du ministère du Travail se retrouve dans une situation inconfortable. « On tire un peu des bords », reconnait Audrey Pérocheau, conseillère formation et mutations économiques au ministère du Travail. Mais celle-ci rappelle le geste déjà fait par l'Etat d'accorder 85 millions d'euros pour permettre de financer malgré tout, les premiers parcours France VAE.
Surtout, ces « stop and go » ne remettraient selon elle en cause ni l'effectivité ni le déploiement complet de la réforme. « L'objectif est toujours d'élargir le catalogue à toutes les certifications. […] C'est l'enjeu de 2025 de passer le dernier cap, de stabiliser une facilité d'accès aux financements et de continuer à plein les évolutions de simplification que France VAE peut porter », veut rassurer la conseillère ministérielle.
Un CPF qui continue(ra) à évoluer
Le CPF (compte personnel de formation) fait lui figure de droit individuel désormais stable et installé. « Et son succès vient de sa simplicité. C'est ‘'je clique et je me forme'' », souligne Christopher Sullivan, président des Acteurs de la compétence. Pour autant, il n'est pas à l'abri d'évoluer encore dans un contexte économique contraint. Autour de la table ronde, Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT, et Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO (en charge de la formation professionnelle), défendent entre autres l'idée de ne plus permettre le financement du permis de conduire avec le CPF. Tandis que pour Max Roche, co-président de la commission éducation-formation-compétences du Medef, « il reste la question de la bonne adéquation des formations choisies par les actifs avec les besoins de l'économie. Pour le Medef, c'est la priorité dans l'évolution du CPF ».
Très récemment, le CPF aura déjà connu une évolution notable avec l'instauration d'un reste à charge de 100 euros (rehaussé à 102,23 euros compte tenu de l'inflation). La mise en place de ce changement, critiqué par de nombreux acteurs, a fait craindre une baisse du recours au CPF chez certains publics. « Nous avons aujourd'hui encore peu de recul. Ce qu'on peut en dire à ce stade, [c'est qu'on constate] une déformation par rapport au nombre de bénéficiaires, avec une proportion plus forte des demandeurs d'emploi. Notamment parce qu'ils sont exonérés de fait de ce ticket modérateur », expose Marianne Kermoal-Berthomé, directrice des politiques sociales au groupe Caisse des Dépôts. « Sur les niveaux de diplômes, les choses ne sont aujourd'hui pas suffisamment sensibles. […] Mais c'est évidemment un sujet de vigilance majeure », ajoute-t-elle.
CEP : le défi de conquérir l'entreprise
Le conseil en évolution professionnelle (CEP) est enfin peut-être, aujourd'hui, celui des droits individuels le moins susceptible de faire l'objet de réformes. Ce « vaisseau amiral de la formation professionnelle », selon Yvan Ricordeau, semble avoir rencontré son public avec 3,2 millions de personnes ayant commencé un CEP en 2023. Mais parmi ses utilisateurs, les actifs occupés n'étaient que 190 000 en 2024. Et si ce chiffre est en augmentation depuis 2020, où ils étaient 100 000, c'est sans doute pour ce public que réside un des défis du CEP pour l'avenir.
« Il y a un chiffre qui ne bouge pas depuis 2020, c'est que les personnes qui arrivent au CEP et disent avoir connu celui-ci par leur employeur ne se situe qu'autour de 5 %. Ce qui interroge », note Véronique Dessen Torres, directrice territoires et partenariats chez France compétences. Celle-ci y voit un « enjeu de dialectique », pour faire comprendre aux employeurs l'intérêt de promouvoir ce droit individuel auprès de leurs salariés.