La négociation de la formation, levier d'évolution professionnelle
La loi du 5 septembre 2018 ne crée pas d'obligation de négocier, mais offre une opportunité centrale de coconstruire les parcours professionnels, selon Caroline Scherrmann et Amandine Vetu, avocates du pôle formation professionnelle au cabinet Flichy Grangé Avocats.
Par Christelle Destombes - Le 27 mai 2020.
Elle permet à l'employeur de se positionner comme un acteur proactif en matière de formation professionnelle, et aussi d'éviter de potentiels litiges de la part de salariés qui se jugeraient peu formés.
Lors d'un webinaire consacré à « l'impact de la réforme de la formation professionnelle sur les RH en matière de dialogue social » le 26 mai, les deux avocates ont rappelé l'autonomie nouvelle laissée aux partenaires sociaux de créer une adéquation entre les besoins de l'employeur et les intérêts du salarié, avec les trois champs ouverts en matière de « négociation volontaire » : le CPF, le plan de développement des compétences (PDC) et les entretiens professionnels.
Définir des publics et des formations prioritaires
Si l'employeur peut décider d'abonder le CPF et doit autoriser l'absence du salarié qui compte se former pendant ses heures de travail, il peut également négocier avec les partenaires sociaux sur les conditions de mobilisation du CPF pendant ce temps de travail, et les modalités d'abondement, en définissant des publics et des formations « prioritaires », utiles à l'entreprise, qui doivent être éligibles au CPF. Pour les avocates, il s'agit d'un levier pour « orienter la formation », coconstruire des parcours dans un intérêt mutuel bien compris.
Faire sauter le verrou horaire
Le PDC distingue les actions de formations obligatoires à l'exercice d'une activité ou d'une fonction, et les non obligatoires qui peuvent par accord, se dérouler hors temps de travail dans une limite de 30 heures par an et par salarié. L'intérêt de la négociation est là, de faire sauter le verrou horaire, en se référant aux anciennes limites légales (80h/an), de définir des formations éligibles, définies comme prioritaires au sein de l'entreprise au regard des besoins en compétences et d'en déterminer les modalités (Afest, FOAD, etc.). Certes, soulignent les avocates, les partenaires sociaux seront tentés de prévoir des contreparties ; comme une prise en charge des frais de gardes d'enfant, de frais annexes, des primes ou des évolutions de poste. Mais « la loi laisse une marge de manœuvre dans l'appréciation des moyens, y compris pour le hors temps de travail », relèvent-elles.
S'agissant des entretiens professionnels, pour lesquels la sanction financière guette les + 50 salariés, la négociation peut porter sur le rythme des entretiens d'étape, et les critères d'appréciation des parcours. Ceux-ci (suivi d'au moins une action de formation, acquisition d'éléments de certification, progression salariale ou professionnelle) peuvent ainsi être précisés, réduits ou augmentés.
Adapter la formation à la reprise
Dans ce contexte post-crise du Covid, les deux avocates ont souligné l'intérêt d'adapter la formation à la reprise, notamment d'assurer la formation des salariés aux nouveaux modes de télétravail, la période ayant pu révéler des besoins de formation en la matière, et aux règles de sécurité. De surcroît, un accord peut également entériner la gestion de l'entretien professionnel à distance, le Covid ayant bouleversé ses modalités et son calendrier…