Table ronde 1.
L'orientation des citoyens européens face aux mutations du marché du travail (réseau international des Cités des métiers)
Comment l'orientation et la formation des citoyens européens permet-elle de faire face aux mutations du marché du travail ? S'interrogeaient à ce propos les intervenants de la table ronde de la Spring School 2021 organisée par le réseau européen des Cités des métiers jeudi 3 juin.
Par Sarah Nafti - Le 08 juin 2021.
« On ne peut plus compter sur la croissance pour résorber le chômage de masse, estime le député européen Pierre Larrouturou, promoteur historique de la semaine de quatre jours. La principale raison des destructions d'emplois ces trente dernières années, ce sont les gains de productivité. La question de la réduction du temps de travail est donc fondamentale. » Pour le député européen, cette solution permettrait de créer de nouveaux emplois et de bénéficier davantage de la formation sur le temps ainsi libéré.
« La pandémie a révélé les faiblesses structurelles des systèmes de formation dans les pays, même développés, constate Pedro Moreno Da Fonseca de l'OIT (Organisation internationale du travail). Beaucoup de gens n'ont pas eu accès aux services, et particulièrement ceux qui en avaient le plus besoin, comme les personnes sans qualification ou les ouvriers. » L'enjeu est pourtant crucial au vu du marché de l'emploi marqué par de nombreuses restructurations. « Les salariés doivent monter en compétences, parfois changer d'emploi, ils ont besoin d'aide à laquelle ils n'ont pas forcément accès. » Les jeunes adultes sont particulièrement touchés par le chômage. « Il faut orienter la formation pour naviguer dans un monde nouveau », affirme-t-il.
Besoin constant de nouvelles compétences
Grégoire Evequoz, consultant en prospective professionnelle et président d'honneur du réseau international des Cités des métiers parle « d'une accélération » liée au numérique et aggravée par la crise sanitaire, qui a des conséquences sur les compétences : « En 1980, les compétences techniques acquises avaient une durée de vie de trente ans, de nos jours, c'est douze à dix-huit mois, et en informatique, à peine six mois. » L'impact est énorme pour les salariés, qui doivent s'adapter constamment à des situations de travail changeantes. La formation doit répondre à ces besoins.
Michel Guisembert, président de Worldskills Lyon 2024, et grand avocat du travail manuel, rappelle l'importance de la qualité de vie et de la relation humaine dans ses choix d'orientation : « On trompe les jeunes en leur faisant croire que la voie ''normale'' implique des études longues. » L'apprentissage, le perfectionnement d'un métier, la remise en question, doivent permettre « de réussir dans la vie et réussir sa vie ».
Meilleure coopération entre les acteurs
« Il est nécessaire de repenser le système de formation, avec plus de flexibilité, affirme Cynthia Harrison-Villalba, du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop). Les voies traditionnelles de formation ne suffisent plus à répondre aux changements continus. » Il faut dès lors « investir dans le personnel » pour répondre aux attentes d'un service d'orientation et de formation « plus personnalisé ». La transformation des systèmes de formation en Europe passera aussi par une meilleure coopération entre les acteurs, complète Pedro Moreno Da Fonseca. « Les partenaires sociaux ainsi que la société civile doivent être inclus, il faut intensifier les liens entre les écoles et le monde du travail et mieux utiliser les nouvelles technologies, comme l'intelligence artificielle. » Les citoyens ont besoin d'informations, à jour, sur le marché de l'emploi.
Les Cités des métiers peuvent contribuer à améliorer le service d'orientation et de formation, car elles reposent sur trois axes fondamentaux : la personnalisation, l'accessibilité territoriale et temporelle, selon Grégoire Evequoz, qui imagine « des cités des métiers numériques » pour renforcer encore le maillage. « Les Cités des métiers sont des organisations apprenantes, au sein desquels les conseillers ont une approche personnalisée et connaissent l'évolution du travail. Ils doivent avoir la capacité d'envisager un avenir que personne ne connaît.