Orientation et formation professionnelle : ce que la loi va changer
Par Béatrice Delamer - Le 01 décembre 2009.
“Avant même la publication de la loi au Journal officiel, le Centre Inffo se devait de proposer aux professionnels de la formation, une grande manifestation qui leur permettent d'entendre les points de vue des différents acteurs de la réforme de la formation professionnelle", a expliqué le directeur du Centre Inffo, Patrick Kessel, en ouverture de la journée d'actualité sur la réforme de la formation, organisée par le Centre Inffo le 5 novembre.
Tout au long du processus de la réforme, le Centre Inffo a proposé des réunions d'actualité, mais Patrick Kessel a observé qu'“au fur et à mesure de nos programmations, le chiffre des participants n'a pas cessé d'augmenter". Signe d'un intérêt grandissant la réforme, entrée dans sa phase opérationnelle, “aujourd'hui, les entreprises et les prestataires de formation sont les plus présents. Ils représentent les trois quarts des participants". Le directeur du Centre Inffo a noté également “une forte présence de représentants des Opca et du réseau Pôle emploi".
La table ronde consacrée à la gouvernance de la formation et de l'orientation professionnelle était animée par Patricia Gautier-Moulin, rédactrice en chef de L'Inffo et du Quotidien de la formation.
Françoise Guégot, députée UMP de Seine Maritime, a jugé que la loi apportait une nouvelle lisibilité en matière de repérage des différents réseaux et s'est félicitée qu'un pilote du système ait été désigné : “Il y aura une coordination grâce au nouveau délégué à l'information et à l'orientation." Selon elle, “pour une meilleure répartition à l'échelle du territoire, c'est bien la Région qui est la plus pertinente, mais l'État doit insuffler une véritable politique publique". Son nouveau rapport (voir encadré) va aider à la rédaction des décrets en préparation, notamment sur l'entrée unique en matière de plateforme.
“Les deux maillons d'une bonne formation, c'est une bonne information et une bonne orientation", a déclaré Jean-Claude Carle, sénateur UMP de Haute-Savoie. Ce qui passe par une bonne coordination des acteurs, et c'est pourquoi a été proposé la création d'un service public de l'orientation et de la formation. Mais il faut “s'appuyer sur ce qui existe. Il ne pas tout fusionner, au contraire il faut respecter les différentes cultures, celle de Centre Inffo, celle de l'Onisep, du CIDJ". Ce qui a été signifié en rattachant le DIO au Premier ministre.
Pour les Conseils régionaux, Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Île-de-France et secrétaire de la commission formation de l'Assemblée des Régions de France (ARF), s'est également félicitée de voir affirmé ce droit à l'orientation tout au long de la vie et à l'accompagnement. Mais “un droit n'existe que si on a les moyens de le mettre en œuvre : moyens financiers, moyens de contenus et moyens d'accompagnement et de leur organisation territoriale". Une territorialisation qu'elle estime devoir être “cohérente avec les autres outils d'accompagnement, d'information et d'orientation, en particulier pour les demandeurs d'emploi, que sont les Missions locales, les agences de Pôle emploi, les Maisons de l'emploi, les Plie, etc." Elle a appelé de ses vœux des partenariats avec l'État qui s'inscrivent dans la durée et la cohérence.
Elle a également insisté sur un point de démocratie territoriale : les nouveaux contrats de plan régionaux de développement des formations (CPRDF) ne seront signés par les présidents de Conseils régionaux qu'avec l'approbation des conseillers. Ajoutant : “Nous avons été élus pour porter nos propres projets, et non pas pour exécuter ceux de l'État. La démocratie parlementaire existe, la démocratie sociale existe et la démocratie territoriale existe." Regrettant au passage que n'ait pas été prévu pour les CPRDF de “véritable validation avec les partenaires sociaux".
Alain Druelles, chef du service formation du Medef, a insisté sur le mode d'élaboration des CPRDF, occasion de créer de la confiance entre les acteurs. “Car ensuite, quel que soit le cadre, il faut de la réactivité et il faut que les acteurs soient en capacité de se parler et de pouvoir réagir. Le CPRDF est l'occasion de créer cela."
Isabelle Eynaud-Chevalier, chef du service des politiques de l'emploi et de la formation à la DGEFP, a pointé que le système français était “caractérisé par une pluralité de pilotes" - or, “l'imbrication des responsabilités ne favorise pas la convergence et la cohérence des initiatives". La loi donne au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) des compétences élargies pour être “le lieu de cette instance de concertation et d'amélioration de la complémentarité des acteurs". Isabelle Eynaud-Chevalier a souligné l'importance de la mission d'évaluation qui a été conférée au CNFPTLV, qui devient “le vecteur de la mise sous tension du système qui doit permettre de garantir qu'il y ait un service pertinent rendu au plus près des besoins des entreprises et des territoires." Approbation par Jean-Claude Carle : le système précédent était “défaillant au niveau de l'évaluation".
S'il s'est également félicité que le CNFPTLV, où siègent tous les acteurs, soit le lieu adéquat de l'évaluation, Stéphane Lardy s'est déclaré dans l'attente de savoir qui allait réellement définir la “stratégie nationale coordonnée". Citant à titre d'exemple la récente fusion ANPE-Assedic : “On voit qui décide la stratégie, qui exerce la coordination : c'est l'État. (…) Quant vous rentrez dans des systèmes de tripartisme, quadripartisme, c'est toujours l'État qui reprend la main." Il a revendiqué plus de moyens pour l'instance et demandé que soit éclaircie cette notion de “stratégie nationale coordonnée", au-delà même de ce qu'établiront les décrets.
Questionnée sur l'articulation des politiques de l'État, des Régions et des partenaires sociaux, Isabelle Eynaud-Chevalier a prévenu : il ne faut “pas dissocier les opérations de péréquation de celles du subventionnement d'actions de formation, parce qu'elles ont toutes le même objet". Elle abordait la question de la convention-cadre qui doit être signée entre le FPSPP et l'État, pour laquelle elle estime qu'il ne faut pas avoir de la défiance, mais une “nécessaire vigilance pour que le fonds remplisse ses objectifs et fonctionne de manière tout à fait transparente et satisfaisante". “Autant ne pas signer de convention du tout", a plaidé Stéphane Lardy, rappelant que dans l'Ani du 7 janvier 2007, il y avait des conventionnements avec l'État. “Ce n'est plus du contrat : on ne peut activer les financements du fonds paritaire que s'il y a une convention-cadre." C'est ce qui a provoqué la méfiance des partenaires sociaux. Et si transparence il doit y avoir, “c'est sans doute qu'il n'y en avait pas", et que cette convention-cadre a pour objet de “contrôler les partenaires sociaux dans l'affectation des financements". Dans le cadre d'un conventionnement, “les partenaires sociaux veulent être respectés".
Mais Jean-Claude Carle a toute confiance dans le contrat. “Cet argent n'est pas celui des partenaires sociaux, ce n'est pas celui des Régions, ce n'est pas celui de l'État : c'est celui des Français, et il doit aller vers ceux qui en ont le plus besoin." Ajoutant que les excédents ne seront absorbés par Bercy, mais bien “reconduits sur l'année suivante".