Fabien Crespin, artisan du livre

Par - Le 01 mai 2010.

[*“On aura toujours besoin de nous !"*]

“Une filière professionnelle ??? Vous n'y pensez pas, …vous êtes bon élève !". À 35 ans, Fabien Crespin ne paraît toujours pas concevoir qu'il aurait pu s'affranchir de la remarque. Le regrette-t-il ? Mi-ingénu, mi-fataliste, il reste surpris de cette expérience d'orientation mais vous démontre qu'il a fini par l'emporter.

S'il n'a toujours pas l'air d'un cancre, au moins considère-t-il que son métier de secrétaire d'édition le relie à son envie première, l'artisanat. La “peur au ventre de prendre la parole en public" ne l'empêche pas de commencer par envisager successivement le barreau puis l'enseignement. D'abord par l'entremise d'une prépa littéraire à Condorcet, ensuite en Histoire -« une passion"- à Paris IV. « Mais j'échoue : je ne rentre pas à Normale Sup'". Se rappelle alors opportunément à son souvenir l'armée française : “la libération !", plaisante-t-il, “je sors de France, je sors de tout !" Volontaire du service national, il intègre l'état-major libanais en tant que lecteur de français. De ce temps de reconstruction personnelle, Fabien Crespin conserve un solide réseau d'amitié à l'origine de son insertion professionnelle aux Presses de Sciences Po. “J'ai commencé par des vacations, quelques heures par ci par là qui m'ont permis de découvrir le monde de l'édition et de confirmer mon envie d'y travailler. Je me suis rendu disponible, j'aidais tout le monde et je posais beaucoup de questions, mais on me répétait qu'il ne fallait pas que je fonde d'espoir", sourit-il. Sans visibilité mais poursuivant son apprentissage au fil de ses missions, il apparaît tout indiqué lorsque la jambe cassée de la directrice éditoriale nécessite du renfort. Engagé en CDD comme assistant d'édition, il signe trois mois plus tard un CDI pour devenir responsable des revues et secrétaire de rédaction de Vingtième Siècle, celle consacrée à l'histoire. De quoi développer de solides compétences éditoriales et commerciales, avant de bénéficier d'une formation de “chef de fabrication" qui lui “apporte beaucoup, notamment une connaissance très large de la chaîne du livre".

[(1993-1994

Prépa Lettres supérieures (Condorcet)

1997

DEA d'histoire moderne (Paris IV)

2002

Formation de “chef de fabrication" (Asfored) )]

Secrétaire d'édition depuis 2003, Fabien Crespin est désormais en charge de l'ensemble de la fabrication d'un manuscrit, depuis sa sélection par la maison d'édition jusqu'au bon à tirer. “Ce qui inclut la préparation des copies, le nettoyage du manuscrit, son éventuel remaniement en vue du rééquilibrage des parties et de la cohérence de l'ensemble, la réécriture, le suivi du travail jusqu'à la mise en composition, la relecture, la correction des épreuves, toujours en lien avec l'auteur, idem pour la couverture", précise-t-il. Une chaîne qui l'amène à considérer que “la boucle est un peu bouclée". Et d'expliquer, “c'est absolument extraordinaire, je retrouve la dimension artisanale qui me tentait au collège. L'artisanat demande un travail de qualité, de précision, de rigueur, d'attention et de concentration, toutes choses que l'on retrouve dans la fabrication d'un livre. Il faut penser à beaucoup de choses, ne pas les oublier et dans des temps très précis". Avouant “ne jamais ressentir, même dans les petites tâches, de dimension ingrate", il revendique un sens de l'application dont il s'amuse à noter qu'il n'est pas forcément partagé par tous : “j'ai souvent fait les vendanges et j'y ai pris un grand plaisir, les gens ne voulaient pas être en binôme avec moi, je ne parlais jamais !".

Ne comparez cependant surtout pas cet ancien guide d'abbaye à un bénédictin : “ce n'est pas forcément un travail de moine, on n'est pas forcément enfermé, on travaille aussi avec l'équipe de la maison d'édition et, surtout, l'auteur : il faut l'aider, humblement, se mettre au service de son texte, tout en étant rigoureux et ferme car on a un calendrier à tenir. Il faut aussi être diplomate et ça, c'est épuisant, …ce n'est pas anodin d'écrire un livre. Mais être dans les premiers lecteurs rejoint aussi mon goût du service et des relations avec les autres", commente-t-il. “Pour ce métier, qui me plaît et me passionne, il faut aussi être curieux, aimer et connaître la base que l'on travaille, sans oublier le côté littéraire de l'écrit". Sa vision de l'avenir ? “On aura toujours besoin de nous, l'éditing sera toujours le signe de la qualité d'une maison d'édition !"