Questions à Daniel Opic, vice-président de la région Poitou-Charentes en charge de la formation, Brigitte Tondusson, présidente de la commission éducation, formation, recherche, enseignement supérieur, et Sylvie Petitjean, directrice générale adjointe du Conseil régional

“Pour améliorer la formation en temps de crise, il faut arrêter de proposer des formations “clés en main" et s'adapter au public"

Par - Le 16 février 2010.

Le thème du 5e Forum régional porte sur “la crise, une opportunité pour un renouveau des pratiques sociales dans l'entreprise". Que fait la Région Poitou-Charentes pour lutter contre la crise ?

Nous avions anticipé la crise car il y avait des signes précurseurs. La Région a donc mis en place la “conférence des financeurs" qui réunit tous ceux qui sont susceptibles de financer la formation, quelque soit le statut de la personne : des Opca, l'État, Pôle emploi. Nous avons également mis en place des contrats d'objectifs territoriaux (COT) avec les branches, ce qui permet à la Région d'avoir une capacité de travail très rapide. Nous avons également dû nous adapter : nous avions par exemple lancé des formations dans le secteur du nautisme, puis la crise est passée, et nous avons lancé des reconversions. Nous avons également signé une charte d'engagement contre la crise avec l'État et les partenaires sociaux, qui nous permet d'être réactifs dans un délai de quinze jours pour proposer des formations aux entreprises en situation difficile. Dans le cas de l'entreprise Fabris, avant même que la liquidation soit réalisée, nous avons débloqué 41 000 euros pour la formation et notamment des VAE, car beaucoup de salariés étaient entrés dans l'entreprise avec peu de qualification.

Selon vous, que faudrait-il pour améliorer la formation en temps de crise ?

Il faudrait améliorer la réponse des organismes de formation. Dans le cadre du SRPF, nous travaillons sur ce sujet pour que les organismes de formation s'adaptent au public, et pas l'inverse. Quand une entreprise est en situation de crise et que se dégage une période vacante au cours de laquelle ses salariés peuvent se former, il faut que l'organisme de formation soit réactif en proposant un module, par exemple. Encore trop d'organismes de formation proposent des formations “clés en main" qui ne prennent pas en compte les demandes des salariés. Nous avons d'ailleurs créé en 2007 le Fonds régional d'innovation pour la formation professionnelle, qui permet aux organismes de formation d'obtenir une aide de 50 000 euros pour se moderniser et s'adapter aux différentes évolutions du monde du travail. Il leur suffit de présenter un projet qui est examiné par un jury pour en bénéficier.

La proposition de loi socialiste sur la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et la transposition de la directive services (voir L'Inffo n° 760, p. 33) a été rejetée le 26 janvier. Vous êtes la première Région de France à avoir mis en place un SRPF avec mandatement, quelle est votre réaction ?

Malheureusement, nous nous y attendions. Or, le SRPF, c'est une demande technique de formation, mais aussi une demande sociale, car la formation doit être un droit pour tous et ne doit pas être dépendante du marché. Il permet aussi la sécurisation des salariés des organismes de formation. Cela nous inquiète, mais ne va pas nous empêcher de poursuivre notre SPRF, il a été mis en place pour cinq ans. Il respecte les principes européens que sont l'égalité, la transparence et le juste prix.

Françoise Guégot a remis le 19 janvier son rapport au Premier ministre. Quels en sont, selon vous, les points forts et ceux avec lesquels vous n'êtes pas d'accord ?

Françoise Guégot évoque la mise en place d'une plateforme de l'orientation, mais elle existe déjà en Poitou-Charentes. L'ancien Carif-Oref, devenu l'ARFTLV, a mis en place dès 2004, la plateforme Horizon, pour approfondir les outils formation disponibles. Nous l'avons d'ailleurs “dopé" en créant en parallèle une plateforme “Crise" en 2007 sur les sites qui en ont besoin, par exemple à Châtellerault pour l'entreprise Fabris. Nous avons aussi mandaté l'organisme de formation Alizée pour qu'il reçoive les personnes et les accompagne. Les rencontres se font en face-à-face. Il ne faut pas oublier de prendre en compte l'humain dans la formation professionnelle. Nous avons aussi créé le “Chapiteau", qui se déplace dans la Région et va à la rencontre des gens pour leur parler de la formation. La professionnalisation des orienteurs, telle que la préconise le rapport, avec la volonté de mettre en place plus de proximité avec l'entreprise, est pour nous positive.

Ce que nous ne comprenons pas, c'est qu'alors que tout le monde affirme que les Régions sont indispensables et constituent le meilleur niveau pour traiter la formation professionnelle, malgré cela, que ce soit dans la loi ou dans les rapports, tout est fait pour nous évincer. Or, il serait logique que la Région soit chef de file dans ce domaine.