Rationalisation des métiers du social : “Comme une lente dérive"...

Par - Le 01 septembre 2010.

Révision générale des politiques publiques oblige, plus aucun secteur n'échappe à la rationalisation. Quelles sont les conséquences pour les métiers de l'humain de “l'installation de la logique marchande dans les professions sociales", c'est ce que la revue internationale Les Politiques sociales se propose d'analyser dans son dernier numéro[ 1 ]“La rationalisation des métiers du social." Les Politiques sociales n° 1 & 2 / 2010, Collège international pour l'étude du changement dans les politiques sociales. Cette revue fondée en 1935 était anciennement appelée Service social dans le monde. www.lespolitiquessociales.org .

“Historiquement inscrits dans le registre du don et de la gratuité", les professionnels du secteur social doivent désormais se focaliser sur leur “« efficience » propre (mesure du temps, rationalité des gestes, économie d'énergie) plutôt que sur la demande de l'usager", estiment les auteurs. Parce que “la montée en force des notions de compétence, d'efficacité, de mobilité, contribue à passer au crible chaque geste professionnel, qui se voit soumis à des évaluations quantifiables", c'est l'identité et le sens même du métier qui s'en trouve affectée : “Contraint à mesurer le non mesurable, le travail social peine à trouver sa légitimité et son identité".

Conséquence de cette rationalisation du travail de proximité, l'apparition d'“impasses" nées de la confrontation entre des formes d'intervention traditionnellement peu régulées et les nouvelles règles de gestion publique. Source d'“injonctions contradictoires" selon les auteurs, ces tensions sont notamment décryptées dans un article de la sociologue suisse Frédérique-Elsa Giulani[ 2 ]www.unige.ch/fapse/people/sse/giuliani.html , consacré à l'analyse de l'instauration du suivi informatisé des parcours d'insertion en Mission locale. Ne pouvant traduire la complexité de l'accompagnement, cette exigence des financeurs génère finalement selon la sociologue une “triple impasse" : d'abord, des outils informatiques qui ne s'intéressent qu'à la “gestion" ; d'où des données qui renseignent peu “sur la réalité des mécanismes d'insertion ou de non insertion" ; enfin, des conseillers qui finissent par renoncer au “travail de proximité et d'accompagnement des populations (coûteux en temps et en énergie)", pour mieux se conformer aux seuls “objectifs quantitatifs" évalués par le logiciel de suivi. Conclusion de la sociologue : il y a là de quoi “invalider la visée première de l'action publique, orientée vers l'accompagnement renforcé des personnes en grande difficulté".

Notes   [ + ]

1. “La rationalisation des métiers du social." Les Politiques sociales n° 1 & 2 / 2010, Collège international pour l'étude du changement dans les politiques sociales. Cette revue fondée en 1935 était anciennement appelée Service social dans le monde. www.lespolitiquessociales.org
2. www.unige.ch/fapse/people/sse/giuliani.html