L'association Itinéraires forme des jeunes de 16 ans qui ont quitté l'école sans diplôme

Par - Le 16 mars 2011.

La mission que s'est donnée Itinéraires, une association fondée en 1991, qui compte 92 salariés et dont le siège est situé dans le quartier de Lille-Moulins (quartier populaire dans le Nord), est loin d'être facile. Son objectif : prévenir l'exclusion sociale et les risques de marginalisation des jeunes âgés de 11 à 25 ans. “Nous allons dans la rue, dans les cages d'escalier, pour chercher les jeunes et ne pas les laisser en déshérence", explique Slimane Kadri, éducateur devenu directeur général de l'association en 2006.

En 1995, celle-ci décide de traiter le problème en amont, et négocie avec l'Éducation nationale trois postes d'éducateurs dans des collèges de Lille. Itinéraires réalise qu'aucune statistique n'existe sur les jeunes qui quittent l'école sans diplôme et mobilise les élus de la ville, le Conseil régional, l'État, les Missions locales pour obtenir ces statistiques. “Depuis 2000, nous comptons environ 300 jeunes qui quittent l'école à 16 ans sans diplôme chaque année, uniquement pour les 7 collèges de Lille. Au niveau national, ils sont 160 000 chaque année, des chiffres que le Haut-commissariat à la jeunesse avait demandés."

“Au lieu d'aller à la Mission locale tout de suite, ce qu'ils ne peuvent pas faire puisqu'il y a un délai de carence d'un an après avoir quitté l'école pour pouvoir s'inscrire dans les Missions locales, les jeunes sont livrés à eux-mêmes et on ne les revoit que vers 21, 22 ou 23 ans. Qu'est-ce qu'ils ont fait pendant tout ce temps ? 50 % d'entre eux ont subi au moins une comparution immédiate", poursuit Slimane Kadri.

Depuis six ans, Itinéraires propose une formation – non rémunérée, insiste-t-il – pour ces jeunes. Chaque année, 24 d'entre eux sont pris en charge de novembre à mai. “C'est une goutte d'eau, mais nous prenons les jeunes les plus en difficulté. Pour les autres, nous négocions avec la Région pour qu'elle ouvre ses formations, et nous arrivons à en placer quelques uns." Ils sont présents à l'association le temps d'un “gros mi-temps" et sont accompagnés pour chercher un contrat d'apprentissage. “Quand ils arrivent, ils disent tous qu'ils veulent travailler. Et puis, ils pensent trouver un contrat d'apprentissage facilement. Nous les laissons essayer, et ensuite nous les aidons quand ils sont prêts à accepter nos conseils."

L'apprentissage du “savoir être"

Au cours de ce dispositif, les jeunes ont la possibilité de faire six semaines de stage, “pour connaître davantage les métiers". Itinéraires travaille avec une cinquantaine d'entreprises : des artisans, des salons de coiffure, des magasins de vêtements “car beaucoup veulent être vendeurs". Ils réapprennent à se lever et, si nécessaire, les éducateurs d'Itinéraires viennent les chercher. “Nous fonctionnons comme avec nos propres enfants. Notre cœur de métier, c'est de leur réapprendre à se comporter en société, leur enseigner le savoir être, mais c'est aussi d'aider les parents à restaurer leur autorité." Cette formation, financée par la ville à hauteur de 36 000 euros par an, comporte aussi de la remise à niveau.

À LA DEMANDE

“Nous fonctionnons à la demande. Si nous imposons des choses aux jeunes, cela ne fonctionne pas." En remise à niveau, le taux de présence des jeunes s'élève à 95 %. La raison ? “Nous les faisons toujours partir de leurs envies, et travailler sur un projet collectif." C'est ainsi qu'un groupe de jeunes dont le rêve était d'assister à un match de l'OM a effectué des lavages de voitures, des ventes de gâteaux pour partir en TGV et passer une nuit à Marseille. Un groupe de filles qui voulait participer à un chantier d'insertion dans le sud prépare actuellement son voyage en mini bus. L'association a déposé un dossier dans le cadre des appels à projets lancés par le Haut Commissariat à la jeunesse et pourrait recevoir 74 000 euros.

LE CONCEPT FONCTIONNE

Sur 24 jeunes suivis chaque année, deux ou trois signent un contrat de professionnalisation. Deux sur trois retournent en lycée professionnel. Les autres construisent leur parcours de formation avec les Missions locales. Souvent, ils commencent par une remise à niveau pour pouvoir accéder à une formation qualifiante. Un an après être passé par Itinéraires, tout le monde travaille ou est en formation. Deux ans après, 80 % sont en emploi ou en formation, et 20 % sont en attente de formation. Deux ou trois sont passés par un établissement spécialisé ou la prison. Trois ans après, 80 % des jeunes sont toujours en parcours. Et les jeunes, qu'en disent-ils ? “Ils repassent nous voir, ils ont du mal à se séparer, mais ils sont tous contents", conclut Slimane Kadri.