Vingt ans des Geiq : un accompagnement reconnu, mais insuffisamment financé

Par - Le 01 novembre 2011.

Les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification fêtent leurs vingt ans. Une date clé qui est surtout l'occasion de faire le point sur leur fonctionnement, leurs atouts, mais aussi les difficultés qu'ils rencontrent. Sujets qui ont occupé la rencontre nationale des Geiq organisée par le CNCE-Geiq le 21 octobre dernier, dans les locaux du Medef, à Paris. Bien évidemment, le grand atout des Geiq étant l'accompagnement proposé aux personnes éloignées de l'emploi, il a été question de la mise en œuvre et du financement de cet accompagnement.

[(LES GEIQ EN CHIFFRES

Depuis vingt ans :

 130 Geiq labellisés ;

 185 sites d'implantations dans 21 régions de France ;

 4 300 entreprises adhérentes ;

 45 000 emplois créés ;

 24 000 contrats de professionnalisation signés ;

 16 secteurs d'activité ;

 150 métiers ;

Par an :

 4500 embauches ;

 69 % de sorties positives vers l'emploi ;

 1,2 millions d'heures de formation ;

 84 % d'obtention de qualification. )]

Corinne Le Bellour, directrice du Geiq Propreté Nantes 44, a souligné quant à elle un problème de prescription. Les jeunes envoyés étant souvent trop éloignés de l'emploi, son Geiq a évolué peu à peu vers un public plus adulte. De fait, deux personnes accueillies sur trois sont des jeunes. Un public “plus volatile, ayant moins de conscience professionnelle", et dont l'accompagnement est plus difficile. Sur dix ruptures, huit concernent des jeunes. Alors, pour améliorer la situation, elle a créé voici trois ans un projet de prestation d'accompagnement psychosocial, qui permettait à ces jeunes de travailler sur l'image d'eux-mêmes et d'acquérir progressivement une “conscience professionnelle".

Des crédits insuffisants

Laurent Gonthier, directeur du Geiq 24, a connu les mêmes difficultés. Pour lui, l'accompagnement doit être structuré en amont, ce qu'il a eu la possibilité de faire avec le Conseil régional d'Aquitaine, qui a mis en place des périodes de pré-qualification. En 2003, Laurent Gonthier a créé un poste d'accompagnement social pour s'occuper des problèmes de logement ou de surendettement, mais cela n'était pas suffisant. En effet, ce qu'il note, “c'est la nécessité d'accompagner l'entreprise".

Mais comment accompagner correctement avec les 686 euros (par an) versés par l'État ? Laurent Gonthier estime que l'aide de l'État devrait être doublée, le rôle des entreprises n'étant pas de financer cet accompagnement. Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT est du même avis. “Les idées nous les avons, mais l'État ne fait pas le choix de les financer. D'autant que le public accueilli connaît des périodes de chômage de plus en plus longues." Une demande réitérée par Jacques Vinet, président du CNCE-Geiq dans la conclusion de la journée, à laquelle Gabrielle Hoppé, sous-directrice insertion et cohésion sociale de la DGEFP, a répondu par la négative : “Au regard du contexte financier actuel, une revalorisation des crédits alloués aux Geiq n'est pas envisageable, une reconduction des crédits pour 2012 étant déjà un signal fort de l'État."

[(VINGT ANS D'ÉVOLUTION : LES DATES CLÉS DES GEIQ

 1991 : assemblée constitutive du Geiq 24, premier d'une longue liste ;

 1994 : naissance du comité national fondé par la Fnars et le Fafca ;

 1996 : adoption d'une charte nationale ;

 1999 : création du premier collectif régional de Geiq ;

 2003 : un décret évoque les Geiq dans le Code du travail ;

 2008 : le label Geiq reconnu par l'État. )]

Pourtant, au regard de l'étude réalisée de juin à septembre 2011 par la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) présentée par Pascal Duprez, président de la Fnars Centre, les Geiq en auraient grand besoin. Sur 12 600 jeunes de 18 à 25 ans issus de 229 structures d'insertion, 66 % sont sans emploi (40 % n'étant pas inscrit à Pôle emploi), 16 % sont en emploi et 12,5% en formation. “Or, pour bénéficier du RSA, il faut justifier de deux ans d'inscription à Pôle emploi." De même, la plupart des jeunes se voient proposer des contrats aidés de 20 à 26 heures et sont toujours en dessous du seuil de pauvreté, avec l'impossibilité de s'installer et donc de trouver une certaine stabilité. “Il est trop souvent occulté que l'accompagnement est quelque chose de lourd, et qu'il prend du temps."

La seule option envisageable pour le moment est “de renforcer la mise en place de formation pour les tuteurs en entreprise", souligne Laurent Gonthier, pour qui l'accompagnement “pendant et après sont le cœur de métier des Geiq", ce dernier rappelant la violence du monde de l'entreprise. “Les Geiq sont en quelque sorte un service après-vente, car le plus dur est la maintien des jeunes dans l'emploi." Et en effet, pour ceux qui en douteraient, les Geiq ont fait leurs preuves, rappelle Corinne Le Bellour : “Nous travaillons sur un projet de vie, sur la place des jeunes dans la société, et quand ils trouvent un emploi, c'est un travail qui leur correspond." Mais pour cela, “il faut percevoir l'accompagnement et son coût comme un investissement", affirme finalement Pascal Duprez.

Les entreprises et les Geiq : fibre sociale ou question de pratique ?

4 300 entreprises sont adhérentes des Geiq, et au premier abord, cette adhésion va de pair avec un engagement sociétal. C'est l'exemple de Jean-Jacques Planes, directeur de la Serrurerie du Vallespir et président de la FFB 66. Issu de l'apprentissage, ce chef d'entreprise reconnaît avoir “une culture de l'apprentissage", très présente dans le secteur du bâtiment. Pour lui, le Geiq représente “une nouvelle manière de recruter avec une véritable personnalisation de la formation". Il estime devoir “rendre ce qu'on nous a donné" et considère son action comme étant “une école de la troisième chance !"

Volvic recrute tous ses apprentis par le Geiq, soit 5 % de ses effectifs, ce qui représente 44 jeunes. “Le taux de réussite est de 80 %, et notre taux de rupture ne va pas au-delà de 2 à 3 %, pourquoi n'utiliserions-nous pas cet outil ?", interroge Michel Blache, chargé des actions sociétales au sein de l'entreprise qui appartient au groupe Danone. Et Michel Blache de rappeler la présence du Geiq lors de la rédaction des fiches de poste, le choix du centre de formation, sa présence lors du premier jour de l'arrivée des jeunes dans l'entreprise, le suivi régulier, l'aide apportée aux tuteurs ou encore le lien fait par le Geiq entre l'entreprise et le centre de formation.

Christian Renard, directeur du CMP Dunkerque, a une toute autre approche. C'est par la voix de son directeur qu'il s'est tourné vers le Geiq, et pour lui, c'est surtout “un outil qui permet de faire ce que nos RH n'ont pas le temps de faire". Mais au-delà, Christian Renard s'est vite rendu compte des autres atouts du Geiq, comme la rencontre avec d'autres acteurs du secteur et la révélation de talents cachés.