Discriminations - CV anonyme : “insuffisant, mais nécessaire"

Par - Le 01 janvier 2011.

“Au-delà des accords collectifs, les organisations syndicales peuvent faire prévaloir des principes et allumer des contre-feux pour éviter un certain nombre de dérives", a déclaré Jean-François Amadieu, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne et directeur de l'Observatoire des discriminations, en préambule de son intervention lors d'une table ronde sur le thème “Agir contre les discriminations et promouvoir la diversité dans le monde du travail", organisée par l'Unsa le 15 décembre.

Première arme antidiscrimination à l'embauche : le CV anonyme. Défenseur de cette initiative, Jean-François Amadieu estime inutile l'expérimentation en cours. “Il est absolument certain, sans aucune contestation possible, que si vous mettez sur un document, quel qu'il soit, un patronyme, une photo, le genre d'une personne, le nombre de ses enfants ou toute autre information, cette seule information fausse l'appréciation et conduit à une discrimination", a-t-il martelé. Supprimer cette information au stade du tri des CV permet de supprimer ce “biais". Mais cela ne suffit pas, pour Jean-François Amadieu. Si l'entreprise maintient les entretiens subjectifs, au lieu de mises en situation ou de tests, cela ne changera rien au final. D'ailleurs, le CV contient d'autres informations – les libellés précis des diplômes, les expériences et les stages – qui dévoilent le candidat. Alors, s'il est impossible de se prémunir de toute dimension subjective lors d'un recrutement, faut-il pour autant s'affranchir de tout contrôle ? “Au regard d'un objectif de promotion de la diversité, il est difficile d'abandonner toute référence objective." Prenant comme exemple les classifications, Jean-François Amadieu a ajouté : “Le fait que l'employeur soit contraint par un minimum de données objectives, qui freinent sa latitude à recruter ou à verser tel ou tel salaire en toute subjectivité, est plutôt un progrès social..."
B. D.

De la mesure

Alors que le Comité Héran pour la mesure et l'évaluation des discriminations et de la diversité [Présidé par François Héran, directeur de l'[Institut national des études démographiques[/footnote]. prépare une étude sur les pratiques des entreprises en la matière pour ce début d'année 2011, Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations, s'est inquiété des résultats, lors de la table ronde organisée par l'Unsa le 15 décembre. “Si les entreprises mesurent la discrimination, c'est très bien. En réalité, je n'ai pas l'impression que nous allions dans cette direction", a-t-il déclaré, rappelant que le “label diversité" n'impose aucune mesure contraignante. “Je crains que nous soient proposés des bilans qui consisteront à mesurer des compositions de la population, des proportions : ce serait une mesure de la diversité, et pas de la discrimination. Or, ce sont deux choses complètement différentes. Même une faible proportion de minorités visibles ou de femmes ne prouve pas une discrimination", a-t-il affirmé.