Entretien avec Bertrand Martinot, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle
Par Patricia Gautier-Moulin - Le 16 juin 2011.
Êtes-vous satisfait de la mise en œuvre de la réforme des Opca et des regroupements en cours ?
Le gouvernement n'a pas fixé d'objectifs en termes de nombre d'Opca. Nous souhaitons simplement que ces regroupements soient de qualité. La loi pose un certain nombre de principes : parmi ses sept critères, il y a en particulier le relèvement du seuil de collecte à 100 millions d'euros et le rapprochement des branches professionnelles en fonction de critères de cohérence métiers et géographiques. Deuxièmement, la loi précise qu'il doit y avoir mutualisation des fonds dès réception des fonds, du moins pour la collecte plan de formation des entreprises de moins de 50 salariés. L'État fera naturellement respecter ces principes.
Cependant, rien n'empêche une branche professionnelle de rejoindre un Opca interprofessionnel, par ailleurs interbranches. La DGEFP n'a aucune préférence : l'État n'a pas à se féliciter ou à regretter qu'il y ait des rapprochements vers des Opca interprofessionnels ou entre Opca de branche. Il n'appartient pas à l'État d'inciter à tel ou tel mariage. Nous recevons les partenaires sociaux des Opca à leur demande. Notre travail est de les aider, de les conseiller, mais en aucun cas nous ne nous immiscerons dans les négociations. Notre rôle est de trancher les questions de principe. À partir du moment où les conditions légales et réglementaires seront respectées, l'agrément sera donné. Ce que les Opca doivent attendre, c'est une égalité de traitement dans leur dossier. Le “Questions-réponses" que nous avons diffusé est justement là pour rappeler les règles du jeu, qui s'appliquent à tous.
Avez-vous identifié des projets qui ne répondraient pas aux principes posés par la loi ?
Les fusions ne sont pas encore faites, mais nous veillerons à ce que les conditions d'accueil des branches professionnelles dans les nouveaux ensembles se fassent dans des conditions conformes aux textes légaux et réglementaires. Les principes à respecter sont bien connus : prééminence du conseil d'administration de l'Opca, respect de la cohérence du champ professionnel, véritable mutualisation de la collecte, le tout dans le cadre des compétences dévolues aux sections paritaires professionnelles. Il n'y aura donc pas d'“Opca parking" ou d'“Opca par appartement", comme j'entends dire parfois.
La loi fixe une mission de conseil et de service aux entreprises mais leur interdit de la réaliser eux-mêmes. N'est-ce pas contradictoire ?
Il apparaît que les prestations offertes par les Opca sont constitutives d'une activité économique. Dès lors, le risque juridique existe qu'en raison de leur activité et leur connaissance des entreprises, les Opca disposent d'un avantage concurrentiel qui s'apparenterait à une distorsion de concurrence. Ce risque n'est pas du tout théorique, nous avons d'ailleurs été interpellés par des organismes de formation ou de conseil mettant en avant les risques de distorsion de concurrence.
La loi prévoit que les Opca offrent un service personnalisé, dans le respect du droit de la concurrence. Ils peuvent naturellement assurer un premier niveau de conseil, mais le diagnostic et l'accompagnement doivent être confiés à des prestataires externes, dès lors qu'il s'agit de prestations personnalisées. L'un des enjeux de la convention d'objectifs et de moyens (entre l'État et l'Opca) sera de maîtriser les dépensées liées aux frais de collecte, pour dégager des marges pour ces nouvelles missions.
Est-ce que la labellisation d'actions de formation, plutôt que d'organismes, ne va pas alourdir le travail des Opca ?
Il est prévu de labelliser tel organisme de formation pour telle action, et non pour l'organisme en tant que tel. L'organisme de formation ne peut être validé en tant que tel, il doit l'être action par action ou, à tout le moins, pour un ensemble cohérent et identifiable de prestations de formation. La moindre des choses est de savoir pourquoi on recommande telle ou telle action de formation. Pour autant, cela ne veut pas dire que la labellisation se fera CQP par CQP, diplôme par diplôme. Le sujet existe moins pour les petits organismes de formation que pour les grands qu'il ne s'agira pas de labelliser intégralement.
Les 50 principaux organismes de formation en termes de chiffre d'affaires devront être référencés par chaque Opca. Le chiffre de 50 correspond à un seuil qui paraît raisonnable, sinon les listes risquent d'être parfois démesurément longues mais nous restons ouverts à une réflexion sur ce sujet.
Avez-vous envisagé les conséquences des fusions sur le personnel ?
Concernant le personnel des Opca, la règle est l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail. Les questions des sureffectifs éventuels ou de l'intégration des personnels dans les nouveaux Opca seront intégrées aux négociations des Com, ce qui laisse trois ans pour l'appréhender. Mais les collectes seront plus importantes et donneront aux Opca une certaine marge de manœuvre pour trouver la meilleure solution. À noter aussi le précédent des années 1990 où les Opca avaient déjà engagé un vaste mouvement de concentration.
Quelle est la prochaine étape ?
Le dossier d'agrément type sera prochainement communiqué. Nous sommes aussi en attente d'une instruction de la Direction de la législation fiscale (DLF), concernant l'exonération de la TVA sur la collecte. Cette disposition pourrait entrer en application début 2012. Cela correspond à une volonté d'homogénéiser les pratiques. Il revient à la DLF de prendre cette décision.