Les collectivités face à l'illettrisme
Par François Picard - Le 01 novembre 2011.
Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a réalisé une étude qualitative sur les pratiques des collectivités à destination des agents en situation d'illettrisme. Elle a interrogé 31 collectivités s'étant investies de façon significative et innovante dans un dispositif de lutte contre l'illettrisme, en s'appuyant sur les recommandations des délégations régionales du CNFPT.
Les Conseils généraux et régionaux ont été sensibilisés au problème suite au transfert en leur sein des agents des établissements d'enseignement et des routes (personnels de catégorie C, jusque-là employés par l'État). D'une manière générale, les principaux services participant à ces formations sont les services techniques (voirie, bâtiment, espaces verts), la propreté et les déchets, l'entretien des locaux, la vie scolaire et l'enseignement, la petite enfance, les musées et la restauration. En matière d'âge, deux générations ont été identifiées : “Des agents anciens embauchés sur critères sociaux, et de nouvelles générations dont le niveau scolaire présente une insuffisance."
D'après les collectivités, les dispositifs ont connu d'importantes évolutions : alors que les anciennes réponses proches de l'enseignement scolaire périclitent, les formations tendent aujourd'hui à être de plus en plus axées sur les pratiques professionnelles, jusqu'à parfois s'inscrire au sein d'axes stratégiques de gestion des ressources humaines.
Les formations durent entre vingt et trente jours, sur un rythme d'une demi-journée à une journée par semaine. Certains dispositifs se déclinent en modules, permettant une adaptation de la durée en fonction du niveau des agents. La majorité des collectivités rencontrées a choisi de proposer cette offre en intra. Les formateurs sont de plus en plus amenés à s'appuyer sur l'environnement professionnel et les conditions de travail des agents pour élaborer les contenus.
Sensibilisation délicate
Les collectivités n'ont quasiment jamais recours au terme “illettrisme" pour qualifier leurs actions. Les différentes dénominations utilisées peuvent être propres à la collectivité, ou empruntées à l'organisme de formation et au CNFPT, comme par exemple : “compétences de base pour améliorer la vie professionnelle", “formation générale de base", etc.
Globalement, les collectivités témoignent d'une certaine prudence dans la mise en œuvre des actions de lutte contre l'illettrisme. Elles préfèrent proposer le dispositif à un nombre réduit d'agents sans diffuser l'information à l'ensemble de la collectivité. Pour elles, il s'agit à la fois d'éviter d'aborder frontalement une problématique taboue et d'expérimenter.
Pour repérer les agents qui pourraient être concernés par de telles formations, elles sensibilisent l'encadrement, les services de ressources humaines et leurs correspondants dans les directions, mais aussi, des personnes relais en contact avec les agents, telles que les assistantes sociales, les formateurs internes sur l'environnement territorial, la bureautique ou l'hygiène et la sécurité, les médecins et psychologues du travail.
Cependant, l'étude note une faible implication des encadrants, souvent peu convaincus de l'intérêt d'une formation de ce type et peu sensibilisés aux bénéfices du dispositif. Et signale une difficulté particulière à mobiliser les gestionnaires et chefs d'établissement des collèges et lycées. L'appartenance à deux administrations distinctes semble redoubler les difficultés à relayer l'information.
Les collectivités font part également de difficultés à délimiter la fin de la formation. Certaines d'entre elles questionnent les objectifs fixés entre l'organisme de formation et l'agent, qui engagent un renouvellement parfois systématique de la formation. Certains agents peuvent rester jusqu'à cinq ans dans le dispositif.
Les collectivités ont un recours au Dif relativement diversifié concernant les formations aux savoirs de base. Certaines considèrent que c'est un outil totalement inadapté pour ces formations et ne le proposent pas du tout, alors que d'autres l'utilisent en priorité.