Éolien offshore : un nouvel eldorado aux multiples enjeux
Par Sandrine Guédon - Le 01 juillet 2012.
Depuis avril dernier, l'éolien offshore est devenu une réalité en France, après l'attribution de quatre sites à des entreprises réunies en consortium. Cet appel d'offres [Sept ans après un premier appel d'offres qui n'a finalement pas abouti, un seul parc ayant été sélectionné et n'ayant toujours pas été construit.[/footnote] fait partie d'un plan ambitieux de redynamisation industrielle qui s'accompagne de la création de nombreux emplois locaux. Focus sur Areva et [EDF Énergies nouvelles, deux entreprises faisant partie des lauréats à présent engagées dans le développement de ces projets de très haute envergure.
Près de 10 000 emplois pourraient donc être créés d'ici 2020 en France grâce à cet appel d'offres lancé en juillet 2011 [ 1 ]Un deuxième appel d'offres devait être lancé au second semestre 2012. sur le développement de l'éolien au large des côtes normandes et bretonnes. Si les projets sont encore au stade du développement et de la prospective, tous répondent à des enjeux en termes d'emplois et d'insertion.
En effet, l'appel d'offres “pour le développement de capacités de production d'électricité", prévoit un volet emploi [ 2 ] Les entreprises ont été sélectionnées selon trois critères déterminés par le ministère de l'Écologie de l'époque : la qualité projet industriel et sociale, le prix de l'achat d'électricité proposé, le respect de la mer et de ses usages. , exigeant des entreprises candidates de s'engager notamment sur le recrutement de personnes en difficulté. L'État comptait sur un gisement très important d'emplois, comme le soulignait alors Nathalie Kociusko-Morizet, ministre de l'Écologie : “Il s'agit d'une opportunité unique pour le développement des activités portuaires, des chantiers navals et des bassins d'emplois situés sur le littoral."
Construction, montage, entretien des éoliennes : des milliers d'emplois sont en effet concernés. De 1 000 à 1 200 éoliennes pourraient naître au large des côtes d'ici 2018.
Avec EDF Énergies nouvelles
EDF Énergies nouvelles est actif dans le domaine des énergies renouvelables depuis plus de dix ans. Le consortium “Eolien maritime France", initié par l'entreprise, a répondu à l'appel d'offres en partenariat avec Alstom, le fabricant des éoliennes, et a remporté trois projets en Normandie et Pays de la Loire.
Quatre usines Alstom dédiées à la construction des mâts, des pales, des nacelles et des générateurs vont voir le jour à Cherbourg et Saint-Nazaire, avec 5 000 emplois directs et indirects à la clef. Environ 2 000 emplois supplémentaires seront créés par le consortium pour la partie construction des fondations, assemblage des éoliennes, installation en mer et maintenance. La maintenance, c'est-à-dire l'entretien des éoliennes, représente une centaine de postes pérennes pour chacun des trois sites, à 87% des postes de techniciens (techniciens d'interventions et de supervision, pilotes de navettes d'exploitation, mécaniciens), qui vont intervenir en “trois-huit".
“Les formations initiales pour ces postes vont devoir être adaptées pour répondre aux exigences et à la complexité de l'intervention en mer, explique Marielle Parmentier, chargée de mission RH Offshore chez EDF-EN. Mais avant cela, il est nécessaire de connaître les besoins en compétences et de déterminer les adaptations à faire. L'éolien implique des compétences de type BTS électrotechnique ou des BEP génie mécanique. L'enjeu est notamment de permettre à ces personnes d'acquérir la capacité d'intervenir en hauteur et en mer."
Pour le consortium, le volet formation du projet comporte trois thèmes de réflexion : l'adaptation des formations initiales, la formation d'accompagnement aux démarches d'insertion et la formation continue des personnes qui seront recrutées. “Aujourd'hui, nous entrons dans une phase de réflexion sur l'amélioration et l'adaptation des formations initiales existantes. L'Éducation nationale a lancé un groupe de réflexion spécialement dédié auquel nous participons, avec des représentants d'Alstom. Tout un travail va être fait pour définir les besoins du secteur et adapter les contenus des cursus de formation." Il s'agit de procéder à la “maritimisation" des formations.
Autre thème prévu par l'appel d'offres, l'insertion. L'engagement pris par le consortium consiste à ouvrir 5 % des emplois aux personnes dites “en insertion", un pourcentage jugé ambitieux par l'ensemble des partenaires. “Pour le site de Courseulles-sur-Mer, souligne Marielle Parmentier, nous avons signé une convention que nous avons intitulée Défi, destinée à engager tous les acteurs locaux concernés par l'emploi et l'insertion à travailler ensemble pour accompagner ces personnes en difficulté à se former ou se reconvertir aux métiers créés par le projet." Un comité opérationnel et un comité stratégique doivent œuvrer dans ce cadre pour définir les profils et mettre en place les formations adéquates, que ce soit pour la fabrication des éoliennes dans les usines, l'installation logistique portuaire ou l'exploitation-maintenance. “Nous avons un peu de temps devant nous pour effectuer tout ce travail, précise la responsable de formation, la mise en service des projets devant intervenir à horizon 2018-2020."
Le consortium a également anticipé les besoins en formation continue. “Nous étudions actuellement avec Alstom ce que nous pourrions faire ensemble en la matière, énonce Marielle Parmentier. Les contraintes du travail en mer sont importantes et la réglementation est spécifique, ce qui nous oblige à compléter la formation des personnes recrutées." Ajoutant : “La question que nous nous posons aujourd'hui est de savoir si certaines habilitations seront intégrées ou pas dès la formation initiale, charge à l'employeur de suivre leur renouvellement pour ses salariés. Pour cette raison, nous ne pourrons finaliser la construction des besoins de formation continue qu'une fois que l'adaptation des formations initiales sera calée."
Avec Aréva
En Haute-Normandie, le Conseil régional travaille en ce moment avec Areva et Alstom pour “ajuster notre carte de formation aux besoins en recrutement, précise son président, Alain Le Vern. Nous recensons notamment les lycées qui touchent de près ou de loin aux métiers de l'éolien, comme la soudure, la plasturgie, la mécanique, la production électrique. Nous avons donc déjà les formations, il s'agit maintenant de les adapter et surtout de se donner des objectifs en termes de publics pour chaque formation. Sans oublier que nous travaillons également avec les entreprises locales pour connaître leurs besoins de formation". Le offshore a ses spécificités, travail en haute mer mais aussi en hauteur. “Nous travaillons avec l'Éducation nationale pour déterminer quels sont les modules de qualification complémentaires à ajouter aux formations à l'éolien terrestre."
Selon le président du Conseil régional, “la difficulté sera d'attirer les jeunes vers ces métiers industriels qui n'ont pas bonne presse. Nous comptons aussi sur l'insertion pour permettre à des demandeurs d'emploi qui ont des compétences dans ces métiers de se spécialiser grâce à la formation".
Les premières formations pourraient débuter en septembre, pour de premières embauches dès 2013, selon Alain Le Vern. “Areva devrait nous aider sur la prise en charge de ces formations." Pour le président, “l'éolien offshore s'inscrit dans le cadre de la tradition industrielle de la région, qui représente 21 % des emplois industriels en France". C'est la raison pour laquelle le Conseil régional s'est très tôt impliqué dans le développement des énergies renouvelables, “une filière d'excellence, qui allie le domaine industriel et le domaine de la recherche, la région comptant des laboratoires renommés".
Emplois pérennes
Areva, de son côté, devrait construire 100 éoliennes en mer au large de Saint-Brieuc, en partenariat avec l'entreprise espagnole Iberdrola, Eores et Technip ingénierie, avec lesquelles Areva a créé le consortium Ailes marines. Areva fabrique et fournit les éoliennes à ses clients grâce à une usine basée en Allemagne. Elle en construira deux autres au Havre, générant ainsi des centaines d'emplois. Ses deux usines devraient embaucher au total 700 personnes. Au total, environ 2 000 emplois seraient créés pour le site de Saint-Brieuc. “L'éolien demande une technicité et une pratique particulière pour lesquelles nous allons devoir former", explique Maxime Michaut, porte-parole d'Areva, qui évoque, lui, la “marinisation" des compétences existantes. “La mise en place d'un partenariat sur l'emploi et la formation est donc primordial, afin de développer toute une filière industrielle." Areva s'est aussi engagé sur le recrutement des personnes éloignées de l'emploi, comme l'a demandé l'appel d'offres. “Cela concerne 10 % des deux usines du Havre et 5 % des activités de maintenance qui sont des emplois pérennes." Il faut compter pour la maintenance une personne par éolienne ; 100 personnes seront donc embauchées sur ce poste, après avoir été formées pour intervenir.
L'offre peut être une réelle opportunité. “Les emplois concernent des niveaux allant du bac pro au diplôme d'ingénieur", précise Maxime Michaut ajoutant que “les personnes seront formés pendant deux ou trois ans, notamment en Allemagne sur le site de l'usine de fabrication". Il ajoute : “Des accords de méthode ont été passés avec plusieurs organismes de formation et des établissements, y compris l'Afpa, et un accord conclu avec Adecco pour l'insertion. D'autres discussions sont en cours avec Pôle emploi et les conseils régionaux." Une attention particulière est portée aux pêcheurs, pour lesquels des projets de reconversion pourront être proposés, “un réel potentiel", promet le porte-parole d'Areva.
Si l'offre de formation reste à adapter, s'il faut attirer les jeunes, les demandeurs d'emploi et les personnes en grande difficulté, toujours est-il que l'éolien offshore a de beaux jours devant lui. De nombreux parcs devraient voir le jour, entraînant avec eux la création de nombreux emplois.
Questions à Yannick Guilbert, directeur de la Maison de l'emploi et de la formation du Cotentin
“L'anticipation et l'engagement des entreprises sont primordiaux pour la réussite du projet"
Quel est le rôle de la maison de l'emploi dans le partenariat avec le consortium regroupant EDF-EN et Alstom ?
Nous avons signé une convention en novembre 2011 qui prévoit la mise en place d'un dispositif spécifique en termes d'emploi et de formation. La volonté du consortium était de s'inspirer de l'expérience et de l'accompagnement que nous avions mis en place lors du projet de l'EPR de Flamanville, auquel nous avons participé. Nous allons donc mettre en place, comme pour l'EPR, une équipe dédiée qui va travailler spécifiquement sur le volet insertion du projet, le consortium s'étant engagé sur 5 % de recrutement issu de l'insertion.
Quels sont les axes de travail de cette équipe dédiée ?
Son travail va reposer sur cinq grands axes. D'abord, la connaissance et l'information sur les métiers. Nous finalisons actuellement un annuaire répertoriant les 80 métiers issus de la chaîne de l'éolien, de la construction à l'installation et à la maintenance, accompagnés de l'offre de formation régionale. Ensuite, l'adaptation de la formation continue, en collaboration avec la Région. Ce travail va mobiliser beaucoup de gens dans un délai très court. Nous allons nous inspirer là encore de l'expérience de l'EPR, pour lequel nous avions bâti des parcours de formation à partir des besoins des entreprises. Ce partenariat a permis la formation de 700 demandeurs d'emploi, dont 89 % ont été embauchés. Ensuite, l'équipe va mettre en œuvre les actions d'insertion, lancer les recrutements et, dernier axe, solliciter les mobilités professionnelles. Le chantier de l'EPR touchant à sa d'ici deux à trois ans, certains salariés vont se retrouver sur le marché du travail. Nous leur proposerons des postes liés à l'éolien, dans les usines de fabrication et la maintenance notamment, pour des emplois pérennes.
Quelle est l'importance de l'implication du consortium ?
Le dispositif mis en place pour l'EPR a nécessité un engagement fort des entreprises. Nous constatons que le consortium EDF-EN - Alstom a une volonté forte de s'impliquer sur le volet emploi et insertion du projet, notamment parce qu'il privilégie l'emploi local. D'ailleurs, il va missionner une personne dédiée à l'emploi et à la formation qui procédera au recueil des besoins en compétences de ses sous-traitants en région et ils seront nombreux. Si on veut du sur-mesure, il est nécessaire de travailler avec chaque entreprise sur ses besoins, ce que nous avons fait à Flamanville. La réussite du projet tient à l'anticipation des besoins.
Notes
1. | ↑ | Un deuxième appel d'offres devait être lancé au second semestre 2012. |
2. | ↑ | Les entreprises ont été sélectionnées selon trois critères déterminés par le ministère de l'Écologie de l'époque : la qualité projet industriel et sociale, le prix de l'achat d'électricité proposé, le respect de la mer et de ses usages. |