Rencontre nationale Agefos-Afdet :{ “Une double ambition : la sécurisation des parcours, mais aussi la performance économique" }

Par - Le 01 février 2012.

La première rencontre nationale organisée par Agefos-PME et l'Afdet (Association française pour le développement de l'enseignement technique) les 17 et 18 janvier derniers avait pour thème “Quelles ambitions pour la formation des adultes au XXIe siècle".

“Les statistiques sont là, le compte n'y est pas : le retour en formation des salariés tous niveaux confondus n'est pas à la hauteur espérée, même si c'est un peu moins vrai pour les qualifications supérieures." Christian Forestier, administrateur général du Cnam, a rappelé le “portrait robot" de la personne en formation continue : un homme, jeune, très diplômé, travaillant en grande entreprise et dans certains secteurs, comme la finance. Peu de chances d'accéder à la formation, a contrario, quand on est femme, plutôt âgée, pas qualifiée, en petite entreprise ou au chômage. “Une mauvaise façon d'entrer dans le dossier est de penser que la formation continue a d'abord une fonction réparatrice, a prévenu l'administrateur général. Mais la société française est confrontée à un certain nombre de défis sur lesquels il est urgent d'agir." Parmi ceux-ci, “le problème des sorties à bas niveaux : un Français sur cinq est non diplômé, donc exclu, un bachelier sur cinq qui entre dans l'enseignement supérieur n'aura pas de diplôme. C'est le signe d'un système qui dysfonctionne." Et de plaider pour davantage d'articulation entre formation initiale et formation continue.

“La complexité, nous la gérons"

“Nous ne sommes pas nécessairement à la hauteur des enjeux sur ce que doit faire la formation continue, mais nous savons ce qu'elle ne doit pas faire : les fonds de la formation ne doivent pas servir au traitement social du chômage, ils ne sont pas là pour permettre l'habillage des statistiques", a déclaré Francis Petel, élu CGPME et président de la Commission nationale de formation Agefos-PME.

Revenant sur le témoignage du député Gérard Cherpion, évoquant, au premier jour du colloque, la difficulté de reclasser des salariés licenciés après trente ans sans aucune action de maintien de l'employabilité, Francis Petel a insisté : “L'obligation de maintien dans l'emploi des salariés dans l'entreprise nous paraît être la moindre des choses, à condition d'avoir les moyens de le faire : s'il n'y a plus d'obligation légale, s'il n'y a plus ces facilités que donnaient la mutualisation et la péréquation, les entreprises qui souhaiteront continuer à remplir leurs obligations vont générer des charges et, donc, être moins compétitives."

Autre enjeu soulevé par Francis Petel, la complexité du système français, alors que, comme l'a confirmé le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (voir notre article), la prochaine réforme se profile déjà. “Attention, tout le monde le sait, nous gérons la complexité, mais si les façons de faire sont modifiées tous les trois ans, les équipes les plus motivées finiront par baisser les bras. Il serait plus utile de s'entendre sur des objectifs, des évaluations, des indicateurs. Prenons des engagements que nous sachions pouvoir tenir !"

Comment faire face aux enjeux de demain ? “Nous sommes dans la « customisation » de masse : obligés d'utiliser des outils qui sont des moyens généraux et qu'il s'agit d'adapter à chacun des interlocuteurs. Assembler des services, nous savons le faire, et c'est sans doute la meilleure chose que nous puissions faire."

[(UN EXEMPLE D'“EXTERNALITÉ POSITIVE"

George Asseraf, président de la Commission nationale de certification professionnelle (CNCP), a mis l'accent sur une dimension méconnue de la VAE, créée voici tout juste dix ans. Pour de nombreux acteurs, le seul regret semble tenir à sa lente montée en puissance (tout juste la moitié des 60 000 VAE par an annoncées à l'origine). Mais d'aucuns observent qu'elle est finalement venue renforcer la culture du diplôme. D'où l'argumentation de George Asseraf : “L'Université est désormais beaucoup plus sensible à la notion de compétences. Beaucoup de progrès ont été faits dans la construction même des diplômes, avec davantage de questionnement sur leurs finalités." La culture du diplôme ne sera peut-être jamais vaincue, mais le sens même du diplôme, qui s'envisage désormais “sous l'angle des compétences à acquérir", a, lui, évolué. “Le monde de la formation parle un peu plus au monde des entreprises", a assuré le président de la CNCP. Bel exemple d'“externalité positive", selon l'expression de Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME. )] [(POUR UNE VISION “HOLISTIQUE" DE LA FORMATION...

Interrogé sur les tendances mondiales à l'œuvre en matière de formation, Yves Attou, président du Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie, a noté l'“unanimité des acteurs pour considérer qu'il faut maintenant une vision holistique de la formation, de la petite enfance jusqu'à la fin de vie, qui englobe toutes les opportunités d'apprendre". Scénario... “appliqué nulle part", a-t-il précisé, sauf peut-être en Corée du Sud, en Finlande et au Danemark. Par ailleurs, dans tous les pays de l'OCDE (la France n'est certes pas une exception), ce sont les plus formés qui se forment le plus.

Livrant en conclusion sa vision de “l'architecture des dispositifs à venir", le président du Comité mondial a prédit que “l'ensemble des dispositifs éducatifs et de formation vont devenir hybrides : du présentiel, du e-learning, du tutorat électronique et de l'évaluation en ligne", ceci dans un contexte d'offre “comme celle de l'Université de Pékin qui accueille 1,5 million d'étudiants ou celle de New Delhi qui en accueille 900 000". Que restera-t-il du credo de l'individualisation et de la personnalisation dans un tel paysage ? Rendez-vous aux prochaines rencontres Afdet-Agefos-PME pour le savoir…
)]

Le lien opérationnel avec l'entreprise

Revenant sur les logiques à l'œuvre en matière de formation, Philippe Rosay, vice président d'Agefos-PME, a rappelé l'évolution des ambitions de la formation professionnelle au cours des quatre dernières décennies, avant de pointer l'enjeu essentiel, selon lui : connecter la formation à l'économie. “Nous courons le risque de ne plus répondre à la double ambition de la formation professionnelle : celle de la sécurisation des parcours par l'accès à la qualification professionnelle, mais aussi de la performance économique des entreprises. La formation n'est pas une fin en soi, elle ne peut fonctionner que si l'entreprise et, donc, l'économie fonctionnent." Conclusion de Philippe Rosay : “La question du lien permanent et opérationnel à l'entreprise pour le traitement et l'anticipation des politiques de l'emploi constitue un enjeu crucial de l'évolution du système de formation professionnelle."

La clé du second souffle de la FPC

“Compte tenu de la multiplicité des publics touchés et des parties prenantes, il apparaît clairement que la formation continue est l'affaire de tous, a souligné le président du conseil d'orientation de l'Afdet, Jean-Luc Cénat. Il faudrait donc une gouvernance multiple."

Le contexte ne s'est pas prêté à développer l'ensemble des potentialités offertes par la formation continue. Au delà des difficultés du moment, comment rééquilibrer les finalités, où se situera le point d'équilibre ? Pour Jean-Luc Cénat, “la fonction principale de la formation continue, c'est bien de préparer la main-d'œuvre aux mutations technologiques, économiques, environnementales, etc., qui vont nous affecter profondément". Peut-être la solution se trouve-t-elle dans la meilleure articulation des systèmes de formation initiale et de formation continue. Mais “pour revisiter la formation initiale, il faut d'abord que la formation continue soit garantie". Sans quoi, il restera difficile d'amener parents et jeunes à envisager de plein gré le “pari de l'expérience professionnelle". Il faut trouver les moyens de parvenir à un scénario où quitter tôt le système éducatif pour travailler ne se paierait plus tout au long de la vie, puisque c'est désormais la formation qui se déploierait tout au long de la vie. Qui commence ?