Agefos-PME : quarante ans d'histoire, racontées par Joël Ruiz

Par - Le 16 mars 2013.

Voici quarante ans, le 24 janvier 1973, était publié au Journal officiel l'arrêté d'agrément du Faf, devenu depuis le premier des Opca en volume de collecte. Pour L'Inffo, le directeur général d'Agefos-­PME a accepté de
revenir sur ces quatre décennies.

Deux ans après l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970, acte de naissance du système français de la formation professionnelle
continue, la CGPME et les cinq confédérations syndicales représentatives des salariés créent l'Afos-PME, fonds d'assurance formation (Faf, dont les Opca seront les successeurs en 1993) interprofessionnel et national dédié aux PME-PMI.

Dès sa création, l'organisme fait le choix du paritarisme. En effet, les Faf, créés par la loi Delors, cohabitent à l'époque avec un système de formation professionnelle préexistant articulé autour de structures
patronales, les Asfo (Associations pour la formation), à la fois
collectrices et formatrices. “C'était un système issu des pratiques toujours en vigueur de collecte de la taxe d'apprentissage, remarque le directeur d'Agefos-PME. Or, le modèle des Faf était par essence favorable aux PME, moins souvent portées par des branches fortes qui engageaient des politiques de formation ambitieuses pour leur adhérents."

La collecte du Faf est alors administrée par des associations régionales (les Agefos-PME) chapeautées par une structure sommitale (l'Afos-PME). Ce n'est qu'en 1992 que le nom sera harmonisé. “La formation est l'un des derniers secteurs touché par le système paritaire.

Cette évolution repose alors sur une grande idée : face aux aléas de la vie qui peuvent toucher chacun, il est nécessaire de mettre en place un système d'assurance collective reposant sur un système de mutualisation plutôt que de laisser l'initiative à l'assurance privée", ajoute Joël Ruiz.

Des valeurs fondatrices “très actuelles"

“Les valeurs fondatrices qui gouvernent notre action depuis la création de l'Agefos-PME sont toujours très actuelles, explique-t-il avec
satisfaction. Elles reposent sur la liberté de l'entreprise ou de la branche de choisir d'adhérer ou non à Agefos, sur une garantie d'égal accès aux ressources entre petites et grandes entreprises, et sur une mise en commun des fonds. Cela correspond symétriquement à trois instruments juridiques bien précis : un contrat individuel d'adhésion, un suivi individualisé pour chaque entreprise, et la mécanique de mutualisation."

De même, “Agefos-PME s'est toujours inscrit dans la proximité, pour la simple raison que nous avons toujours considéré que les administrateurs devaient être au plus près du terrain pour être en phase avec les besoins des entreprises", déclare le directeur général. Ainsi, dès 1972, cinq sections régionales sont créés et en quinze ans, l'intégralité du territoire est couvert (la dernière – celle de la région Auvergne – est ouverte en 1986). Les années 1990 voient le lancement de ce que l'on appelle à l'époque les “programmes intégrés territoriaux". “Ce sont les ancêtres de la GPEC territoriale !", déclare Joël Ruiz.

Élargissement des missions

La création des Fongecif, par la loi du 24 février 1984 portant réforme
de la formation professionnelle est un coup dur pour l'Afos-PME, car il occasionne la perte, pour l'organisme, de la gestion des fonds du Cif (congé individuel de formation). “Dans le même temps, tempère Joël Ruiz, les Asfo comme les Faf sont dopés par une nouvelle responsabilité : la formation professionnelle en alternance. Ceci va avoir pour conséquence d'élargir le périmètre d'action des organismes, mais également de nous installer durablement dans le lien emploi-formation." L'occasion également pour le niveau national,
chargé de gérer un organe de péréquation central, de voir son rôle prendre de l'importance.

La loi quinquennale de 1993 sonne le glas des Asfo et crée les Opca. Dans les années 1990, s'ouvre alors une nouvelle période pour Agefos-PME : l'adhésion, par le biais d'accords collectifs, de branches (les trois premières arrivantes étant l'immobilier, le froid et connexes et les industries nautiques) “intéressées par la politique nationale unifiée de l'Opca". “Nous avons créé en notre sein des sections professionnelles paritaires. Une idée reprise par l'administration suite au vote de la loi du 24 novembre 2009", sourit Joël Ruiz.

Pour lui, l'Ani du 5 décembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 relative à la
formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
marquent un nouveau tournant : “La réforme rompt le principe de
gestion des fonds par les Opca, selon lequel un dispositif correspond à une section comptable. Auparavant, soit les salariés étaient en formation au titre du plan, soit ils étaient en alternance. En créant de nouveaux dispositifs, tels que le Dif (droit individuel à la formation), la période de professionnalisation ou le tutorat, qui peuvent être financés sur l'une ou l'autre des sections, la loi de 2004
remet tout en cause… Mais crée par là une capacité de pilotage plus grande pour les Opca !"

Renforcement du lien emploi-formation

À partir de cette période, le lien entre emploi et formation se renforce. Avec la création du contrat de professionnalisation, les logiques de formation rejoignent celle de sécurisation des parcours.

“Nous rencontrons une étape importante en 2006, quand Agefos-PME devient partenaire des pouvoirs publics sur le CTP (contrat de transition professionnelle). Nous sommes, au démarrage, le seul Opca à avoir répondu", explique Joël Ruiz.

La réforme de 2009, en instaurant la signature de Com (conventions
d'objectifs et de moyens) entre l'État et les Opca, marque une nouvelle étape dans un processus de fond. Pour le directeur d'Agefos-
PME, depuis les années 1990, les pouvoirs publics ont en effet commencé à intervenir dans le périmètre des organismes de gestion paritaire. “L'impératif d'efficience et l'obligation d'atteindre une taille
critique était un processus amorcé depuis longtemps dans d'autres secteurs.

Il ne s'agit pas uniquement d'opportunisme, mais bel et bien d'améliorer le service rendu !"

De nouveaux défis

Avec les rapprochements occasionnés par la loi de 2009, Agefos-PME est passé, en dix-huit mois, de 303 000 à plus de 400 000 adhérents. “Nous gérons beaucoup de petites contributions, assorties d'une forte demande de services. C'est un enjeu important !", explique Joël Ruiz. Gestion des outils davantage partagée avec les Régions,
montée en puissance de l'alternance, mais aussi la volonté de lier toujours plus la formation aux politiques de l'emploi (avec des dispositifs tels que la préparation opérationnelle à l'emploi, par exemple)… Pour son directeur général, Agefos-PME peut s'appuyer sur son histoire pour être “au rendez-vous des réformes".

Aurélie Gerlach

ENTRETIEN AVEC SERGE GÉRI, DIRECTEUR D'AGEFOS-PME RHÔNE-ALPES
“Le souci de toujours prendre en compte
la dimension territoriale"

Comment sont nés les programmes intégrés territoriaux développés par Agefos-PME à partir des années 1990 ?

Le souci d'Agefos-PME de prendre en compte la dimension territoriale relève de la nature intrinsèque de l'Opca, qui est organisée en délégations territoriales. Cela correspond aux besoins de TPE-PME,
qui ne peuvent pas chercher à 500 km les compétences dont elles ont besoin, et ont rarement en interne des services RH et formation.

Dès 1995, le CA national d'Agefos-PME a engagé une
politique volontariste de conception, expérimentation et essaimage de programmes de type GPEC territoriale. On appelait cela “programmes intégrés territoriaux de développement de l'emploi et de la formation dans les PME". C'est à cette époque que j'ai accepté de piloter la mission “Action territoriale et financements publics", mise en place au niveau national. Il s'agissait de construire les outils, d'impulser le
mouvement et de capitaliser les expériences !

En quoi ces programmes consistaient-ils ?

Ils avaient quatre objectifs : prendre en compte les problèmes de
formation et d'emploi que pouvaient rencontrer les PME selon les caractéristiques de leur territoire, favoriser les synergies
interentreprises, mais également entre les entreprises et les acteurs
locaux, renforcer la solidarité entre les entreprises, et rompre
l'isolement des TPE-PME.

Comment cela s'est-il mis en place dans votre région ?

Entre 1997 et 2004, Agefos-PME Rhône-Alpes a développé
10 programmes, avec les acteurs locaux et les territoires concernés. Je
me souviens notamment d'un programme mis en place à Villefranchesur-Saône (69), en périphérie lyonnaise. L'attractivité de Lyon drainait toutes les compétences ! Il s'agissait d'élever globalement les niveaux de compétences de la main-d'oeuvre locale afin de fixer les emplois et favoriser le dynamisme économique des TPE-PME ! Pour cela, des groupements d'employeurs ont été mis en place, et des partenariats noués au plan local.

Quel regard portez-vous sur ces programmes intégrés territoriaux
aujourd'hui ?


Agefos-PME a été précurseur. Quand je discute aujourd'hui avec les
Régions, elles me disent qu'elles se sont beaucoup inspirées de ce que
nous avons fait pour leurs programmes de GPEC territoriale.

Propos recueillis par A. G.

AGEFOS-PME EN QUELQUES CHIFFRES…

Selon les derniers chiffres officiels, sur 2011, la collecte globale d'Agefos-PME s'élevait à 905 millions d'euros (+ 11,3 % par rapport à 2010), ce qui en fait le plus gros Opca de France. 57 % de cette collecte est allée au plan de formation des entreprises de 10 salariés et plus, 12 % au plan de formation des entreprises de moins de 10 salariés et 31 % à la professionnalisation. L'Opca compte 40 branches adhérentes et 370 000 entreprises (dont 88 % de TPE).

Avec 980 millions d'euros d'engagements en 2011, Agefos-PME se flatte d'avoir consacré 432 d'euros à la professionnalisation (+ 8,7 % en un an), qui ont notamment permis la mise en œuvre de 37 000 contrats de professionnalisation. Cela représenterait 21 % des contrats de professionnalisation financés en France.

On compte également 16 400 conventions de reclassement personnalisé et 4 000 contrats de transition professionnelle (les deux dispositifs ayant été remplacés par le contrat de sécurisation
professionnelle en 2012), 1 300 POE et 92 000 Dif.