CFA Stephenson : trois décennies, six filières, dix-huit formations

Par - Le 16 avril 2013.

1983-2013. Le centre de formation professionnelle par l'alternance Stephenson a 30 ans, et a célébré cet anniversaire en mars dernier. Mettant l'accent sur ses valeurs humanistes, et le taux de réussite des jeunes formés (huit sur dix sortent diplômés). Avec également à l'esprit quelques considérations sur le financement de l'apprentissage...

L'établissement, situé rue Stephenson, à Paris 18e − d'où son nom −, sous la tutelle de la congrégation des Soeurs de la charité de Saint Vincent de Paul, s'est fixé pour objectif de promouvoir les jeunes de tous horizons par l'insertion dans la vie professionnelle et sociale. Il est géré par l'Association pour le développement de la formation dans les professions du commerce (ADFC), soutenu par le Conseil régional d'Île-de-France à hauteur de 20 % de son budget (7 millions d'euros). _ Le reste de ses ressources est issu de la taxe d'apprentissage collectée auprès des entreprises (60 %) et de prestations délivrées à d'autres CFA (20 %).

Le “lien numérique de l'alternance"

Le CFA Stephenson dispose d'un parc de 700 ordinateurs équipés de logiciels professionnels, d'un espace multimédia de 50 postes connectés à internet et d'un réseau wifi accessible à toutes les personnes présentes dans le centre. Avec le dispositif “LN@" (lien numérique de l'alternance), l'ensemble des ressources nécessaires à la formation est accessible à distance et permet aux jeunes, aux entreprises et au CFA d'être reliés.

L'organisme se positionne par une offre allant du préapprentissage à l'enseignement supérieur. Il assure la formation de jeunes préparant CAP, bac professionnel, BTS, licence professionnelle et master. Mais depuis 1996, une autre structure accompagne le CFA : le CPRO Stephenson. Destiné à un autre public, ce dernier propose des cycles de professionnalisation aux entreprises et aux demandeurs d'emploi par les différents dispositifs mis à sa disposition : contrats de professionnalisation, préparation opérationnelle à l'emploi (POE), actions de validation des acquis de l'expérience (VAE), formation des tuteurs, etc.

Au total, dix-huit formations sont proposées dans six filières (commerce, vente, hôtellerie, tourisme, service et relation client, banque) et 30 000 personnes y ont reçu une formation en trente ans.

“Fertilisation croisée des compétences "

Une démarche reconnue et comme validée par la présence et les propos, le 19 mars dernier, du ministre de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage Thierry Repentin, qui prononçait alors − nul ne le savait − son dernier discours es-qualité : “Le fait de former des publics aux profils et aux âges différents qui se côtoient en un même lieu permet une fertilisation croisée des compétences. Le principe des filières est également important pour des jeunes qui ne se sentent pas condamnés aux seuls premiers niveaux de qualification. Ils savent qu'ils ne sont pas sur une voie de garage", déclarait-il.

“Bienveillance, excellence"

Éric Bonsch, président du CFA Stephenson, a rappelé que l'établissement était “l'héritier d'un patrimoine légué par Vincent de Paul [ 1 ]Prêtre catholique français, aumônier des galères et précepteur, fondateur de deux congrégations (1581-1660)., voici près de quatre siècles !Notre mission reste fidèle à la vocation première du CFA : promouvoir l'insertion de jeunes de tous horizons".

Des valeurs partagées par Denis Bouchard, président de l'École de la deuxième chance de Paris, avec laquelle le CFA Stephenson collabore pour que les jeunes
en décrochage puissent trouver d'autres pistes pour leur avenir : “L'apprentissage est aussi un outil d'insertion et pas seulement de réussite aux niveaux supérieurs. Pour preuve : le dispositif Passerelle du Conseil régional d'Île-de-France, qui permet de financer la formation
d'un jeune en attente d'un contrat d'apprentissage." Avec cette proximité entre les dispositifs, la devise du CFA Stephenson semble respectée : “Accueillir avec bienveillance et accompagner vers l'excellence."

Claire Padych

TROIS QUESTIONS À JEAN-MARC CERF, DIRECTEUR DU CFA STEPHENSON

“L'apprentissage ne peut exister que si, en face, un réseau existe"

Quel bilan faites-vous de ces trente ans d'alternance ?

Le bilan est très satisfaisant. L'alternance donne à des jeunes, par nature peu “scolaires", la possibilité d'aller très loin, grâce à cette répartition entre entreprises et cours. Nous constatons que 60 % des
bac pro sont dans les classes de BTS, et les résultats sont excellents. Le mode d'apprentissage est adapté à des intelligences plus concrètes et, pour celles-ci, l'ascenseur social fonctionne. Les jeunes n'ont pas toujours la même réussite à l'Université. Nous sommes
convaincus que l'apprentissage ne peut exister que si en face un réseau existe et propose une offre. La dimension économique est évidemment très importante dans ce dispositif et la Région joue aussi un rôle essentiel.

Le taux de réussite est-il important ?

Le décrochage au niveau national pose un vrai problème, car il concerne environ 25 % des jeunes. Chez nous, il est de 8 %, alors qu'il était de 15 % voici encore cinq ans. C'est encore trop, mais il est en nette diminution. Nous travaillons beaucoup en amont pour limiter les ruptures.
Ensuite, le dispositif comprend des suivis, du tutorat pour que
l'accompagnement soit efficace. Le taux de réussite aux examens
des jeunes en alternance est de 83 %, en moyenne. En aval de ses
formations, le CFA assiste les jeunes dans leur orientation,
selon la filière choisie. Pour ceux qui décrochent, en amont ou
pendant leur formation, nous sommes soucieux de leur conseiller
les Écoles de la deuxième chance. Nous travaillons beaucoup avec
ces Écoles qui peuvent les accueillir à nouveau, leur proposer d'autres
axes de réflexion…

Qu'aimeriez-vous améliorer dans le dispositif ?

Les ressources ! C'est le côté très usant du métier. Nous recrutons vers les mois de mai-juin, la rentrée commence en septembre et nous devons attendre le mois de juillet de l'année suivante pour avoir les sommes correspondant à notre engagement. Cette année de décalage nécessite un an de trésorerie, cela nous cause de plus en plus de souci. Aujourd'hui, l'assiette de prélèvement sur les entreprises est de 0,5 %, mais nous savons aussi que la masse
salariale sur laquelle repose la taxe d'apprentissage diminue. _

Comment va-t-elle être compensée ? Par qui ? À quelle hauteur ?

Pour l'heure, la seule certitude que nous ayons est que nous sommes dans un contexte de crise économique.

Comme d'autres CFA, nous attendons les réponses chiffrées du gouvernement, avant d'envisager une réorganisation de notre établissement.

Propos recueillis par Claire Padych

UN APPRENTI FRANÇAIS SUR QUATRE EST FRANCILIEN

170 CFA en Île-de-France, 100 000 jeunes dans les centres de formation, et 50 % d'entre eux dans l'enseignement supérieur (pour une moyenne de 30 % sur le territoire français). C'est le panorama qu'a dressé Delphine Pelade, directrice de l'apprentissage à la Région Île-de-France, à l'occasion de la table ronde organisée dans le cadre des 30 ans du CFA Stephenson. “Ces dernières années, ce sont surtout cursus de niveau III (bac) qui se sont développés. Les niveaux V, quant à eux, ont un peu diminué", a-t-elle observé. 25 % des apprentis français sont employés dans la région francilienne, qui a franchi le cap de 100 000.

L'objectif fixé par le contrat d'objectifs et de moyens apprentissage (signé en 2011 avec Nadine Morano) est d'atteindre les 118 000 apprentis en 2015. Delphine Pelade a souligné que, selon une enquête menée par la Région, 80 % des apprentis réussissaient leur examen et 73 % des apprentis diplômés trouvaient un emploi, dont les deux tiers en CDI. “Le budget régional représente 400 millions d'euros par an, 9 % du budget total : 250 millions pour l'accompagnement de l'apprentissage et pour soutenir
les CFA, 115 millions en primes régionales pour les employeurs et les apprentis, et 37 millions pour l'investissement et la rénovation dans les CFA." Aujourd'hui, “nous sommes la seule région où l'apprentissage progresse d'année en année", a, de son côté, déclaré Jean-Paul Huchon, le président du Conseil régional.

Aurélie Gerlach

Notes   [ + ]

1. Prêtre catholique français, aumônier des galères et précepteur, fondateur de deux congrégations (1581-1660).