Colas Rail met l'accent sur les formations à la sécurité

Par - Le 01 juin 2013.

À la suite de la remise des propositions GPEC du Comité stratégique
de la filière ferroviaire [ 1 ]Voir L'Inffo n° 831, p. 12., nous sommes allés à la rencontre d'une
entreprise assez peu connue du grand public, mais qui joue un rôle
essentiel sur les réseaux ferrés, en France et ailleurs dans le monde :
Colas Rail. Quid de sa politique formation, de sa stratégie et de ses
projets ? Éléments de réponse.

la formation est une des préoccupations principales de Colas Rail. Deux grandes orientations guident notre politique de formation : la sécurité et le développement de nos techniques métiers", indique Martine Serres, responsable formation de cette filiale du groupe de travaux publics Colas, lui-même appartenant au groupe Bouygues.
8 Sur le premier point, elle précise d'emblée que “les équipes sont confrontées quotidiennement à des risques professionnels. Le ferroviaire est un métier à risques, essentiellement électriques, tant au niveau de la voie que des caténaires. La politique générale de l'entreprise exige le respect des normes de qualité, d'hygiène et de sécurité. L'objectif est clair : c'est zéro accident. C'est un challenge difficile, mais pas impossible".

Savoir travailler dans l'urgence

L'entreprise organise, pour tout nouvel embauché, une session d'intégration de trois jours, destinée à lui faire découvrir ces exigences, au-delà même des différents métiers et activités de l'entreprise. Patrick Guénolé, PDG de cette entreprise spécialisée dans la pose, la maintenance et du renouvellement de voies ferrées, le confirme d'ailleurs : “Il est explicitement demandé à chacun des collaborateurs d'être très attentif aux questions de sécurité sur les chantiers. Chaque ouvrier doit être acteur de sa propre sécurité et de celle de ses coéquipiers." Ce sont des métiers où l'on travaille souvent dans l'urgence : sur les voies, les ouvriers sont soumis à des exigences horaires très strictes. En effet, rappelle la responsable formation, “lorsque la SNCF nous ouvre la voie pour un chantier, nous devons la rendre exploitable pour une heure bien précise, quels que soient les travaux que nous avons à y réaliser. Nous ne sommes pas dans les travaux routiers où il est possible de placer des panneaux de signalisation de travaux et de réglementation de la circulation".

Le regroupement des trois écoles internes

La deuxième priorité de la politique de formation chez Colas Rail est le développement des techniques métiers (concernant la voie, la caténaire, la signalisation et la conduite de projets). Très peu d'écoles forment les salariés des entreprises privées à la technique ferroviaire. Sinon celles de la SNCF. “Jusque voici quelques années, les employés du privé étaient accompagnés par les agents de l'entreprise publique, qui les formaient aux techniques métiers. Aujourd'hui, les entreprises doivent s'approprier ces compétences, car de moins en moins d'agents SNCF sont présents sur nos chantiers. Le transfert des compétences constitue donc l'un des défis des entreprises privées du secteur", indique Martine Serres. Colas Rail s'est doté de trois écoles de formation dédiées à la technique de pose de voies, à la montée de caténaires et à la conduction de locomotives. En moyenne, 200 personnes sont accueillies dans ces formations. Elles sont actuellement en cours de regroupement en un seul centre de formation, avec un plateau technique, implanté à Saint- Quentin Fallavier, dans l'Isère. Il ouvre ce mois de juin.

Gravir les échelons

Patrick Guénolé rappelle sa “préférence pour une formation qui permette aux salariés, même arrivés au sein de son entreprise avec bas niveau de qualification, de gravir rapidement les échelons hiérarchiques et occuper des responsabilités opérationnelles". Donnant l'exemple de ce salarié qui, embauché avec un CAP d'ouvrier carreleur, a été promu en moins de trois années, et grâce à des formations, chef d'équipe, contremaître puis chef de chantier. Ou l'évolution − plutôt impressionnante − d'un autre collaborateur, embauché comme manoeuvre, devenu chef d'équipe puis chef de chantier au bout d'à peine dix mois...

4 % de la masse salariale pour la formation

Est-ce possible ? “Il existe au sein de l'entreprise une réelle volonté d'offrir aux salariés des opportunités d'amélioration des compétences et des évolutions professionnelles", indique Hervé Debeaumont, secrétaire (FO) du comité central d'entreprise (CCE) de Colas Rail. Il reconnaît que son employeur “investit pour la formation largement plus que ne l'exige la législation". Martine Serres donne le chiffre : “Le budget consacré à la formation représente en moyenne 4 % de la masse salariale de Colas Rail." Pour construire le plan de formation de l'entreprise, les salariés sont sollicités en deux étapes. “Dans un premier temps, tous reçoivent un document les invitant à exprimer leurs souhaits, indique-t-elle. Ensuite, le service formation rencontre tous les responsables d'établissement de l'entreprise afin de recueillir leurs besoins effectifs. Le travail de notre service est de rapprocher les souhaits et les besoins exprimés afin de construire une offre qui réponde aux directives de la direction." Une procédure assez classique, donc. Elle précise que les trois-quarts des choix individuels sont en relation avec les besoins de l'établissement, et acceptés.
Elle reconnaît cependant, qu'“il arrive que des salariés ne soient pas satisfaits des réponses données à leurs demandes de formation". Par exemple ? “Une demande de formation aux langues ne sera pas acceptée pour un poseur de caténaires. Sauf si celui-ci est appelé à partir travailler à l'international..." Classique, là encore. Le secrétaire du CCE confirme : “Des plaintes de salariés concernent leurs choix refusés car ils n'avaient aucun lien direct avec leur métier." Lui-même trouverait “normal que les actions de formation arrêtées dans le cadre du plan servent prioritairement aux évolutions professionnelles".

Dialogue social “constructif"

“Toutes les formations réglementaires liées à la sécurité sont obligatoires. Les salariés sont motivés pour les suivre, car ils comprennent l'importance pour eux-mêmes et pour leur coéquipiers de la maîtrise de ces fondamentaux", précise Hervé Debeaumont. Il assure que l'ensemble des organisations syndicales représentées au sein de l'entreprise joue le jeu du dialogue participatif lors de la construction des plans de formation. “Comme dans toute entreprise, rappelle Martine Serres, nous consultons les instances représentatives du personnel dans le cadre de l'élaboration du plan de
formation. Il y a de grands débats légitimes sur les actions de formations obligatoires et non obligatoires. Leurs avis sont évidemment pris en compte." Selon Hervé Debeaumont, “une part importante du budget de formation est consacrée à la mise aux normes sécurité et l'habilitation des salariés, indispensable pour travailler sur les engins ou sur les caténaires. C'est un choix qui réduit les possibilités de financement pour les autres postes de formation. Mais, vu le budget consacré à la formation, les besoins ont souvent satisfaits". Il reconnaît la volonté de la direction et de l'ensemble des organisations syndicales d'instaurer “un dialogue social serein et sérieux". Même si “Colas Rail est une entreprise qui tient compte de ce que lui disent les représentants du personnel sans pour autant faire ce qu'ils lui demandent"... Et qu'“il arrive d'avoir des échanges musclés sur certains choix". Selon le représentant de l'organisation syndicale majoritaire au sein de l'entreprise (environ 60 %, contre 30 % pour la CGT et 10 % pour la CFDT), “le discours des syndicats n'est pas celui du blocage systématique, mais constructif. Nous avons tous la volonté de mettre en place une politique sociale". Entente cordiale ?

Pour les “jeunes en phase d'orientation"

Reste que “notre secteur a une image dégradée auprès des jeunes diplômé, ou non diplômés. Pour beaucoup d'entre eux, nos activités sont presque, voire totalement inconnues", note Martine Serres. Pour atténuer cette désaffection, Colas Rail, à l'instar de la Fédération des industries ferroviaires (Fif ), a entrepris un “important travail afin d'améliorer l'image du ferroviaire auprès des jeunes, qu'ils soient scolaires ou étudiants". L'entreprise a, en effet, développé de nombreux contacts avec des lycées professionnels afin de mettre en œuvre conjointement des cursus de formation complémentaires (bac pro ou BTS avec option voie ferrée, caténaires ou signalisation, etc.). Elle participe également à des événements de présentation de ses métiers dans les IUT auprès des jeunes en phase d'orientation, ainsi qu'à des forums des grandes écoles d'ingénieurs. “Il s'agit pour nous de montrer aux jeunes que notre secteur regorge d'opportunités professionnelles. Et les résultats sont encourageants, puisque nous observons un intérêt de plus en plus croissant de ces jeunes pour
notre entreprise", précise la responsable formation de la filiale ferroviaire de Colas, qui emploie actuellement près de 4 000 personnes.

Développer le “tutorat terrain"

En effet, l'entreprise, recrute “énormément en alternance". Actuellement, “4 % de nos effectifs sont des jeunes en apprentissage et en contrats de professionnalisation. Nous recrutons en général des jeunes diplômés de bac + 2 à bac + 5, des ingénieurs". L'entreprise encourage la démarche d'accompagnement des nouveaux embauchés
par des tuteurs expérimentés dans leur métier. “Nous n'avons pas encore mis en place un système de tutorat formalisé. Nous réfléchissons actuellement sur une formalisation de cette modalité de transfert des connaissances et des compétences qui réponde au mieux aux évolutions des carrières ou d'organisation au sein de l'entreprise. Clairement, nous entendons développer avant tout le « tutorat terrain » en complément du « tutorat d'accueil » (celui qui accompagne l'intégration du nouvel embauché dans l'entreprise)", indique Martine Serres.

Un retraité-tuteur

Elle précise que “l'accompagnement se fait de façon plus ou moins informelle au quotidien". En effet, les collaborateurs expérimentés dans leur métier constituent un “vivier" de tuteurs pour les nouveaux arrivants. C'est le cas par exemple de ce salarié qui, ayant pris sa retraite après une trentaine d'années en qualité de conducteur de train à la SNCF, a choisi de retravailler comme chef de train fret pour Colas Rail. La filiale de Bouygues n'a pas hésité à mettre à profit cette longue expérience, en lui proposant d'intervenir comme “formateur accompagnateur" auprès des conducteurs stagiaires. “La transmission des savoir-faire aux jeunes par les plus anciens, le tutorat, est une pratique qui va s'amplifier et se généraliser au sein de Colas Rail", a annoncé Patrick Guénolé.

Chiffres clés :

3900 salariés, ont plus de 1 600 à l'international ;

656 M€ de CA en 2012

300 chantiers ; 13 métiers ;

30 implantations et agences ;

9 pays (France, Royaume uni, Belgique, Roumanie, Égypte, Algérie, Maroc, Venezuela et Malaisie).

POUR UNE “CHARTE DU TUTORAT" DANS LA FILIÈRE

Le groupe de travail “GPEC CS2F" (Comité stratégique de la filière ferroviaire) consacré à la “Formation et l'image du ferroviaire" et piloté André Thinières, chargé des questions de formation professionnelle et du management des compétences à la Fif, a émis des recommandations, présentées le 27 mars dernier dans le cadre du 8e Salon international de l'industrie ferroviaire (Sifer).

Selon ce groupe de travail, “la formalisation et la promotion de la transmission des savoirs par le tutorat seront favorisées par la rédaction et la publication d'une Charte du tutorat dans la filière ferroviaire", qui serait reprise et adaptée dans chaque entreprise.

COLAS RAIL EN BREF

Issu de la fusion, en janvier 2008, de Seco Rail et Spie Rail, Colas Rail est un des leaders mondiaux de la pose, de la maintenance et du renouvellement de voies ferrées. Filiale du groupe Colas (construction et entretien des routes), l'entreprise est également spécialisée dans l'électrification, la signalisation des voies (caténaires et alimentation électrique), des transports urbains et de grands projets. Parmi les réalisations de cette entreprise du groupe Bouygues, on peut citer :

 la construction de nombreuses lignes à grande vitesse (LGV) : Est-Swandley (Royaume-Uni), Cologne-Francfort (Allemagne), Corée, LGV Est et Méditerranée (France), etc. ;

 la construction ou la réhabilitation de tramways : Angers, Bordeaux, Lyon, Marseille, Strasbourg, Paris, Bruxelles, Bucarest (Roumanie), Athènes, Rabat, Casablanca (Maroc), etc. ;

 la construction ou la maintenance de lignes de métro : Caracas
(Venezuela), Le Caire, Athènes, Londres, Alger, Kuala Lupur (Malaisie), RER E et Éole (Île-de-France) et Marseille (France), etc.

Notes   [ + ]

1. Voir L'Inffo n° 831, p. 12.