Coup d'envoi de la négociation interprofessionnelle de réforme de la formation

Par - Le 01 octobre 2013.

À chaque quinquennat
sa grande réforme
de la formation ?
Ce 24 septembre aura,
quoi qu'il arrive, marqué
le lancement d'une
nouvelle négociation
interprofessionnelle,
traditionnel prélude aux
travaux parlementaires.
“Les entreprises attendent
impatiemment cette
réforme !", assure Florence
Poivey, chef de file pour
le Medef. Les syndicats
cachent moins leur manque
d'enthousiasme.

Quarante minutes. C'est à peu
de choses près le temps qu'aura
duré la première séance de
négociation entre partenaires
sociaux relative à la réforme de
la formation professionnelle, tenue au
siège du Medef le 24 septembre. Juste
le temps d'établir un calendrier des
futures rencontres entre acteurs syndicaux
et patronaux, puisque ces derniers
n'ont pas souhaité faire de déclaration
d'intention lors de ce premier tour
de table. C'est donc sur la base d'une
rencontre toutes les quinzaines que devraient
avancer les discussions, prévues
pour s'achever − par un accord ou non
− le 12 décembre prochain.
“Il n'était pas écrit d'avance que nous parviendrons
aussi vite à nous accorder sur le
calendrier des discussions, c'est de bon augure
pour la suite de la négociation", s'est
félicitée Florence Poivey, présidente de
la commission éducation, formation,
insertion du Medef, et chef de file de la
principale délégation patronale durant
les débats à venir. “Une telle unanimité
démontre que les syndicats souhaitent
très rapidement rentrer dans le vif du
sujet, car les entreprises, pour leur part,
attendent impatiemment cette réforme !"

Un signe : pas de “déclaration préalable"

Côté syndical, toutefois, si l'on apprécie
l'accord général sur le timing des
rencontres, on regrette d'avoir dû sacrifier
cette première journée sans rentrer
dans le fond, ni évoquer les questions
de méthode. “Le patronat n'avait même
pas préparé de déclaration préalable,
c'est à se demander s'ils souhaitent réellement
négocier", s'est étonné Jean-Pierre
Therry, leader de la délégation CFTC,
à qui la légèreté avec laquelle les représentants
des employeurs ont entamé
ce premier round laisse imaginer que
la partie patronale pourrait “jouer la
montre". “Pour l'instant, la partie patronale
ne semble pas vouloir répondre à la
volonté gouvernementale de légiférer début
2014…", a regretté le syndicaliste.
Des soupçons partagés par la CGT qui,
dans un communiqué publié au cours
de la journée, a déploré “que le patronat
ait déclaré ne pas être prêt à négocier,
alors que les organisations syndicales,
elles, l'étaient".

Le “0,9 %" dans toutes les têtes

Car ce qu'attendaient une partie des
représentants syndicaux, c'est une annonce
claire du patronat concernant
ses positions sur le “0,9 %" de la collecte
obligatoire des entreprises dont
tout ou partie pourrait se voir flécher
vers l'abondement du compte personnel
de formation. Un fléchage sur
lequel la CFTC – signataire de l'Ani
du 11 janvier 2013 et donc favorable
à la création du compte – s'est affirmée
prête à négocier, mais “à la marge et à
condition que ces fonds soient consacrés
en priorité à la formation des salariés de
PME et TPE", comme l'a rappelé Jean-
Pierre Therry.

Mais son organisation n'est pas l'unique
signataire de l'Ani qui se montrera vigilante
quant au contenu exact du futur
CPF puisque, côté cadres, la CFECGC
a également signifié sa volonté
de ne pas accoucher d'un dispositif à
l'usage exclusif des demandeurs d'emploi
ou des entreprises, qui pourraient
être tentées de le fondre dans leur plan
de formation. “Nous ne sommes pas
venus déglinguer les dispositifs existants,
mais bien jeter les bases de nouveaux
outils adaptés à un monde du travail
qui n'est plus celui de 1971 !", a souligné
Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale
de la centrale de l'encadrement.

Financer le compte personnel de formation

Un monde où, selon elle, la compétitivité
des entreprises passe par le maintien
d'une formation de qualité pour
les cadres, tant par la promotion de
l'alternance dans l'enseignement supérieur
que par la création d'un compte
personnel dont les personnels d'encadrement
ne se verraient pas exclus au
nom de leur formation initiale, présumée
meilleure que celle des autres
salariés. “Le CPF, d'accord, mais uniquement
s'il devient un droit opposable
à l'entreprise", a résumé la présidente de
l'Apec.

D'ici au 10 octobre – date de la prochaine
séance de négociation – les
quelques bilatérales n'ayant pas encore
eu lieu se seront tenues. Reste à savoir
si la partie patronale aura adopté ce
que Jean-Pierre Therry qualifiait d'“état
d'esprit propre à la négociation" .

Benjamin d'Alguerre

VIGILANCE MAXIMALE DES SYNDICATS, SUR LA QUESTION DE L'OBLIGATION LÉGALE

“Les dispositifs actuels [de formation
professionnelle] sont inefficaces, et
conduisent au chômage et au mécontentement
des entreprises quant à la satisfaction
de leurs besoins." Ce sont les mots de Pierre
Gattaz, président du Medef. Il s'exprimait le
17 septembre dernier, lors de sa conférence
de presse mensuelle. “Il faut aller vers une
simplification, aussi bien pour les salariés
que pour les entreprises." Regrettant que
“seulement 25 % des chômeurs bénéficient
de la formation professionnelle". Et
concluant : il ne faut pas “une réformette, il
faut une grosse réforme".

Michel Sapin a récemment levé le tabou [ 1 ]Cf. L'Inffo n° 840, p. 5 sur une possible remise en cause de l'obligation
fiscale au titre du plan de formation − le 0,9 %. À ce sujet Pierre Gattaz est
resté évasif, estimant que c'était “une piste
intéressante, qui pouvait aussi poser certains
problèmes". Concluant : “En matière
de formation professionnelle, comme dans
d'autres domaines, je propose l'expérimentation
dans les territoires. Il faut se fixer des
objectifs à cinq ans, réfléchir à l'organisation
idéale, et ensuite, s'y diriger peu à peu
en menant des projets pilotes."
La mise en cause de l'obligation légale
de financement de la formation des entreprises
(“ce fameux 0,9 %"), est pourtant une
revendication de longue date du Medef. Et
les syndicats promettent d'être plus que
vigilants sur la question.
“Une rupture idéologique !"
“Ce n'est pas un secret, à la CGT nous
sommes opposés à la fin de l'obligation
légale, rappelle Catherine Perret, secrétaire
confédérale CGT en charge de la formation
professionnelle. Nous savions que c'était
dans les tuyaux, car plusieurs ballons d'essai
avaient été envoyés par le Medef, qui
présente cela de façon positive. Mais ce qui
nous surprend, c'est qu'un ministre du Travail
se soit exprimé sur le sujet à la veille de
l'ouverture de la négociation, alors que ce
n'était pas dans la lettre de cadrage."
La responsable confédérale n'est pas hostile
à un débat sur le financement de la
formation professionnelle, sur un niveau
de contribution ou une répartition. Mais
pas question de toucher au principe d'une
contribution légale : “C'est un incontournable.
Aujourd'hui, le Medef souhaite revoir
le financement du plan de formation de
façon conjoncturelle, pour qu'il puisse être
adapté au gré de la situation de l'entreprise.
C'est la même logique que l'on trouve dans
l'Ani du 11 janvier 2013, ils veulent pouvoir
moduler d'année en année, former sur ce
qui les intéresse. L'obligation légale est un
cadre plancher. Sa remise en cause est une
rupture idéologique !", s'insurge-t-elle.

Pas de “hold-up" !

Même tonalité à la CFE-CGC. “Pas un
hold-up franc et massif, mais presque…",
déclare à L'Inffo Marie-Françoise Leflon,
secrétaire générale de la centrale des
cadres. Elle craint que la réduction – voire
la suppression – de l'obligation légale ne
s'accompagne d'une baisse du niveau de
compétences et donc d'employabilité des
personnels d'encadrement. “Que les politiques
de formation tiennent compte des
besoins des salariés les moins formés, la
CFE-CGC l'accepte parfaitement au nom de
la solidarité, mais arrêtons de croire que
les cadres n'ont pas besoin de bénéficier
d'actions de formation aussi ambitieuses
que les non-cadres. Aujourd'hui, ce qu'on
accorde aux cadres, c'est le droit de s'autoformer
en e-learning, et c'est tout !"

“Trop complexe pour être réformé de fond en comble"

Pour sa part, Stéphane Lardy, secrétaire
confédéral FO chargé de l'emploi et de la
formation professionnelle, s'est dit surpris
“que le ministre se cale sur une revendication
patronale". Pour lui, dans cette négociation,
“les objectifs globaux ne changent
pas. Il faut discuter des moyens que nous
mettrons sur la table pour améliorer la qualification,
notamment dans les TPE-PME".
Définir clairement les financements, redéfinir
la gouvernance du système de la formation
professionnelle, le rôle du FPSPP (Fonds
paritaire de sécurisation des parcours professionnels)…

“Je ne crois plus aux grandes réformes,
le système est trop complexe pour être
revu et réformé de fond en comble",
ajoute-t-il. Mais “le temps de la négociation
démarre. C'est un temps de silence
pour les pouvoirs publics. Il faut
laisser les partenaires sociaux négocier."

François Picard, Béatrice Delamer, Aurélie Gerlach et Benjamin d'Alguerre

Notes   [ + ]

1. Cf. L'Inffo n° 840, p. 5