Entretien avec Benoît Bringer, journaliste à “Cash investigation"

Par - Le 01 novembre 2013.

“Le scandale vient du fait que les dysfonctionnements sont connus !"

“Hold-up sur la formation professionnelle."
Une enquête exclusivement à charge ?


Commencée en août 2012, notre enquête n'avait pas
vocation à décrypter le fonctionnement de la formation
professionnelle. L'angle choisi porte sur les détournements
des fonds de la formation, la gabegie, le manque de
transparence du système. Nous n'avions pas l'intention de
révéler un scandale caché, car rien n'est caché. Le scandale
vient du fait que les dysfonctionnements sont connus, mais
les pouvoirs publics ne font rien, de peur notamment de
remettre en cause le lien entre paritarisme et formation
professionnelle.

Que vient faire la formation des élus politiques dans
un sujet sur la formation professionnelle ?


C'est vrai qu'on aurait pu titrer dans un sens plus large,
“la formation, le grand détournement". Car si la formation
des élus ne dépend pas de la même cagnotte que celle de
la formation professionnelle, le principe est le même. Pour
l'une comme pour l'autre, une simple signature suffit pour
obtenir de l'argent.

Vous mettez en scène la création d'un organisme
de formation au journalisme, et exhibez devant le
ministre du Travail un chèque de l'Afdas [ 1 ]L'Opca des journalistes et des intermittents du spectacle, le statut de
nombreux réalisateurs de télévision et journalistes reporters d'image.
d'un montant
de 1 000 euros. Combien de stagiaires ont été pris en
charge par cet Opca ?


Nous avons créé un organisme de formation sous forme
d'auto-entreprise. Avant de demander la prise en charge
financière pour un seul stagiaire. L'important était de
montrer à quel point il est facile d'obtenir l'argent de
la formation professionnelle sans contrôle. Il suffit de
se mettre de mèche avec une entreprise. Peu importe
le nombre de stagiaires, pour répondre à Michel Sapin,
qui, dans le film, nous demandait si nous avions des
“clients". Le vrai problème, ce sont les détournements
de certains organismes de formation, qui se mettent
d'accord avec des entreprises pour dispenser des
formations bidons.

Votre émission martèle que les fonds collectés par
les Opca sont de l'“argent public". Ce n'est l'avis ni du
ministre du Travail ni de la DGEFP...


On détourne le débat sur une question sémantique. C'est
trop facile de dire que c'est de l'argent privé. L'obligation
de former des entreprises est définie dans le Code
général des impôts, dans un chapitre intitulé “Impôts et
taxes diverses". Chaque employeur doit concourir à la
formation professionnelle en faveur de son personnel
ou des demandeurs d'emploi. C'est donc le levier d'une
politique publique. D'ailleurs, en cas de redressement
d'un organisme de formation ou d'une entreprise, l'argent
doit être rendu au Trésor public − et non aux Opca.

“Argent public" ou “argent privé" ?

Pour le ministère du Travail et la DGEFP, les fonds
collectés par les Opca sont de l'“argent privé". Selon la
déléguée générale, Emmanuelle Wargon, “la collecte
se fait auprès des entreprises, par l'intermédiaire d'un
organisme privé, l'Opca. Le principe de la collecte est
posé par l'obligation dans un texte législatif. Ce n'est
pas de l'argent public, néanmoins, cela s'inscrit dans
un système d'obligations publiques. Une des questions
posées par l'actuelle négociation interprofessionnelle sur
la formation professionnelle est le maintien ou non de
cette obligation"...

Déclaration d'activité : mode d'emploi

Toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue dépose auprès de l'administration
une déclaration d'activité dès la conclusion de la première convention de formation ou du premier contrat de formation
professionnelle. Cette déclaration est effectuée auprès du service régional de contrôle de la Direccte. Elle est accompagnée
de pièces permettant l'identification du prestataire de formation, de ses dirigeants, des titres et qualités des formateurs,
ainsi que de la première convention conclue ou du premier contrat de formation et du programme de la formation.
L'administration procède à l'instruction de la demande et attribue, si la demande est conforme aux exigences du Code du
travail, un numéro de déclaration d'activité en qualité d'organisme de formation. Cette déclaration ne vaut pas agrément de
l'État. L'organisme de formation ainsi déclaré peut faire l'objet d'un contrôle des services de l'État visant à s'assurer de la
réalisation des actions de formation – hors qualités pédagogiques –, de la réalité et du bien-fondé des dépenses.

Source : DGEFP

Notes   [ + ]

1. L'Opca des journalistes et des intermittents du spectacle, le statut de
nombreux réalisateurs de télévision et journalistes reporters d'image.