Entretien avec Olivier Lepick, nouveau président (Syntec) du Fafiec, et François-Xavier Marquis, directeur délégué

Par - Le 01 juillet 2013.

Le Fafiec, “prêt pour la mise en oeuvre d'une nouvelle réforme"

Quelles sont les spécificités du Fafiec (Opca des métiers de l'informatique, de l'ingénierie, du conseil, des études, foires, salons, congrès et traductions) et de ses entreprises adhérentes ?

Olivier Lepick - Nos branches sont
hétérogènes, mais globalement, on compte
80 à 85 % d'entreprises de moins de
10 salariés, qui représentent 40 % des
emplois. Mais nous avons aussi de grosses
structures adhérentes, comme par exemple
Altran, ou Capgemini… Celles-ci aussi
représentent 40 % de l'emploi. Entre les deux,
nous avons un creux : celui des entreprises
de 50 à 250 salariés, qu'il faut atténuer.
75 % de nos professionnels sont des cadres
et des ingénieurs. La problématique de
formation est capitale, car nos métiers
sont jeunes et connaissent des évolutions
de plus en plus rapides, notamment sur le
secteur numérique… De plus, nous sommes
l'organisme collecteur des formateurs !
Nous nous devons d'être exemplaires.

François-Xavier Marquis - Nous comptons
six antennes en régions et trois antennes
métiers en Île-de-France. Celles-ci emploient
en tout une centaine de collaborateurs.
Autant que la structure centrale. Il faut
également noter que notre collecte augmente
régulièrement. En effet, entre 2001 et
2012, celle-ci est passée de 233 millions à
240 millions. Nous avons particulièrement
augmenté nos prises en charge au titre de
la professionnalisation : l'année dernière,
nous comptions 20 000 stagiaires en période
de professionnalisation et en contrat de
professionnalisation, soit + 77 % par
rapport à l'année précédente.

Un an et demi après le début de la mise en oeuvre de la réforme des Opca, où en êtes-vous sur le plan de l'évolution de votre système de gestion de la collecte ?

F.-X. M. - Rappelons que la réforme de la
formation touche peu à l'enveloppe de fonds
dédiés à la formation, qui reste de gestion
paritaire. Elle a eu un impact surtout par
la création du FPSPP (Fonds paritaire de
sécurisation des parcours professionnels) –
auquel nous avons versé 43 millions d'euros
en 2012 – et par la signature d'une Com
(convention d'objectifs et de moyens) avec
l'État, qui encadre nos frais de gestion,
d'information, d'accompagnement et de
fonctionnement de l'observatoire.
Nous sommes allés au-delà des objectifs
signés, qui sont décroissants sur trois années.
Nos frais de gestion sont de 10 % inférieurs
à ce qui était prévu avec l'État.
Nous nous appuyons notamment sur la refonte
de notre système informatique, ce qui pourrait
nous permettre, en quatre ans, de réduire de
20 % à 30 % nos frais de gestion, sur la partie
gestion administrative.
Nous sommes sans réserve favorables à
cette démarche. La collecte provient de
fonds d'essences fiscales, il est donc normal
de poser des critères de bonne gestion !
Nous avons dû, pour pouvoir la signer, revoir
complètement
les différentes fonctions au sein de l'Opca,
faire converger les nomenclatures pour les
mettre en cohérence avec celles de l'État.
Pour nous, c'est positif car désormais, tout
le monde parle de la même chose et les
échanges sont plus simples.

O. L. - C'est juste, les Com nous poussent à
une optimisation de la collecte en améliorant
l'efficacité de notre gestion !

Le Fafiec a-t-il réussi à mettre en oeuvre ses nouvelles missions d'accompagnement des petites entreprises ?

F.-X. M. - La Com a été bénéfique dans la
mesure où elle nous a fixé un objectif en
termes de rencontre de nouvelles entreprises
ou d'entreprises qui n'avaient pas consommé
de crédits formation depuis longtemps. L'année
dernière, l'objectif était de 400 structures,
mais nous sommes montés à 550 !

O. L. - Nous avions commencé à faire évoluer
l'activité du Fafiec à partir de 2007, à aller
au-delà de la fonction de collecteur pur,
pour développer une activité de services aux
entreprises. Aussi, les nouvelles missions
que la réforme de la formation confie aux
Opca – notamment l'accompagnement des
petites entreprises – ne nous ont pas pris
au dépourvu. La loi du 24 novembre 2009
n'a pas occasionné de rupture, mais plutôt
une accélération des travaux entamés.

Comment vous y prenez-vous ?

F.-X. M. - Nous faisons des efforts pour mener
à bien les nouvelles missions de diagnostic.
En effet, nous traversons une crise
économique, par définition, une période durant
laquelle les petites et moyennes entreprises
ne souhaitent pas forcément être remises en
cause dans leurs pratiques, et ne voient pas
le diagnostic formation comme une priorité.
Une centaine de collaborateurs du Fafi ec
ont pour tâche d'aller à leur rencontre, mais
cela prend un peu plus de temps que nous le
pensions. Il faut jouer sur une présence à long
terme, diffuser l'information, organiser des
séminaires… Mais la proximité ne passe pas
uniquement par la territorialité. En effet, nous
avons trop d'entreprises à rencontrer, et passer
uniquement par les rencontres physiques
n'est pas effi cace. à effectifs constants, nous
ne sommes en mesure de rencontrer une
entreprise que tous les trois ans. Il nous faut
donc trouver d'autres systèmes et apprendre à
nous appuyer plus fortement sur le numérique.

O. L. - Nous avons les moyens d'entretenir les
liens à distance. Nous disposons par exemple
d'une plateforme téléphonique. Nous pouvons
aussi démultiplier les approches groupées…

Avez-vous accentué votre présence en régions, comme cela était prévu par la réforme ?

F.-X. M. - Nous menons de plus en plus
de projets territoriaux avec des partenaires
locaux, comme les Conseils régionaux, ou
nationaux comme le FPSPP. Pour obtenir des
financements du Fonds paritaire, et récupérer
ce que nous lui versons, nous devons trouver,
élaborer des programmes éligibles aux appels
à projets, et donc en cohérence avec la
solidarité nationale.
Avec le FPSPP, nous avons notamment
travaillé sur le CSP (contrat de sécurisation
professionnelle). En effet, la branche était
motivée pour accompagner les personnes
contraintes de quitter leur entreprise.
Les partenaires sociaux ont ainsi sanctuarisé
une enveloppe de 10 millions d'euros pour les
publics en diffi culté, pour fi nancer le CSP,
la POE (préparation opérationnelle à l'emploi),
le chômage partiel… à Toulouse,
en partenariat avec la Région, l'État et avec
le FPSPP, nous avons travaillé à la mise
en place d'une nouvelle pédagogie pour
réactualiser les connaissances de nos
informaticiens. Il nous faut être dynamiques,
aller chercher les cofi nancements et être
présents en régions. Car si l'on n'est pas au
plus près des territoires, on ne voit pas ce
qui s'y passe. En somme, il nous faut
dépoussiérer la logique des Opca !

À cet égard, comment le Fafi ec s'est-il emparé des nouveaux dispositifs créés pour les demandeurs d'emploi, tels que la POE ou le CSP ?

F.-X. M. - Pour l'instant, nous ne nous sommes
placés que sur la POE individuelle. Nous en
avons mis en oeuvre 300 l'année dernière, et
cette année, nous espérons en faire le double.
Nous allons démarrer des actions de POE
collective en Bretagne très prochainement.
Du fait de la haute qualification de nos
professionnels, il nous est plus difficile de
trouver un socle commun de formation.
En Bretagne, il s'agira de former des
techniciens informatiques, car dans cette
région, les besoins sont évalués à 2000
personnes sur cette qualification.
Par ailleurs, nous avons mis en oeuvre
800 CSP l'année dernière, et comptons
en fi nancer 1 000 cette année. C'est un peu
compliqué à mettre en oeuvre avec les Conseils
régionaux. Il y a de vraies économies à faire
sur la logistique. Nous faisons beaucoup trop
de réunions entre partenaires.

Comment voyez-vous l'élaboration d'une nouvelle réforme de la formation professionnelle ?

O. L. - Nous n'avons pas d'angoisses
particulières. Le Fafiec est un organisme
agile qui à l'habitude de se transformer
en interne.
Il ne faut pas confondre la partie technique
– qui est notre job – et la partie politique,
qui est plutôt du ressort de la branche.
Les Opca sont des outils de gestion, qui
doivent faire ce que la loi leur dit de faire.
Le véritable enjeu, c'est de savoir quelle
partie de la collecte va être dédiée aux
salariés, et quelle partie va être dédiée
aux demandeurs d'emploi. Sur ce plan,
on tombe dans le champ de la légitimité
politique, et notre travail sera d'appliquer
les décisions.
F.-X. M. - Nous sommes prêts, nous avons
examiné plusieurs scénarios et sommes en
attente des décisions, qu'il s'agisse de la
loi sur la décentralisation ou de la nouvelle
réforme de la formation.
O. L. - La réforme peut être une opportunité,
mais nous devons nous positionner, être
dynamiques, pour que le Fafiec ne reste
pas simple collecteur. Il nous faut être plus
efficaces, coller le plus possible aux besoins
de la branche.

Propos recueillis par Aurélie Gerlach