L'“argent des partenaires sociaux" en ligne de mire

Par - Le 01 novembre 2013.

Accusé de manquer de transparence et de favoriser les
détournements, le système de financement du paritarisme
au titre de la formation professionnelle est
pointé du doigt par Cash investigation. Or, celui-ci
doit-être prochainement rénové… Quelles sont les
pistes envisagées ? Le ministre du Travail, Michel
Sapin, l'a annoncé : le futur projet de loi réformant la
formation professionnelle, attendu pour début 2014,
comprendra un volet “rénovant le dialogue social"…
c'est-à-dire le financement du paritarisme.

Une réforme nécessaire ?

Certains partenaires sociaux montent déjà au
créneau : “Le financement du paritarisme dans le
champ de la formation professionnelle est normé, défini
par le Code du travail. Les fonds provenant du Fongefor
sont sous contrôle d'un commissaire aux comptes, comme
le sont les éléments des Opca et Fongecif", explique Paul
Desaigues (conseiller CGT). Jean-Pierre Therry
(conseiller confédéral CFTC) ne dit pas autre chose :
“Nos comptes sont certifiés et mis en ligne. Il n'y a pas de
jetons de présence. On travaille pour le bien commun :
la formation des salariés, des demandeurs d'emploi, tel
que c'est écrit dans nos Ani !" Pour Stéphane Lardy
(secrétaire confédéral FO), les attaques ne viennent
pas par hasard, l'objectif étant de toucher l'opinion
publique : “Vous savez, une réforme, ça se prépare,
lance-t-il. En 2008, avant le vote de la loi portant
rénovation de la démocratie sociale, nous avons eu le
même déferlement « journalistique »."

Déconnecter ces financements de la
collecte ?


“Un mode de financement dédié n'est pas nécessairement
le meilleur système. Même s'il est transparent, il suscite
la suspicion", confie-t-on au ministère du Travail.
L'idée est-elle donc de le déconnecter de la collecte ?
“La question n'est pas tranchée. Elle fera l'objet d'une
discussion" − avec les partenaires sociaux. Les pistes
sont ouvertes : “On peut continuer à calculer un pourcentage
de la collecte ou prélever directement une part de
la masse salariale dédiée au financement du paritarisme.
Cela revient au même en termes de masses financières,
car la collecte est un pourcentage de la masse salariale."
Mais cette idée n'enthousiasme pas grand monde.
“Si on change le thermomètre, est-ce que cela changera
la température ? S'appuyer sur la collecte n'est pas un
système absurde…", dit Paul Desaigues, pour qui la
priorité est plutôt à un renforcement de la mutualisation,
visant à pallier des ressources qu'il juge insuffisantes.
Plus catégoriques encore, Stéphane Lardy
et Jean-Pierre Therry disent simplement non. “Je
ne suis pas pour que l'Urssaf récupère les fonds et les
redistribue. C'est mettre le doigt dans un engrenage :
un jour, l'État pourrait gérer l'ensemble des fonds de la
formation !", s'inquiète le représentant CFTC.

D'autres idées circulent : “Je défends l'idée de deux
blocs de financement : un bloc lié à la représentativité,
où chaque organisation recevrait en fonction du
score obtenu, et un second bloc à durée déterminée : la
puissance publique allouerait une somme, dégressive
dans le temps, pour donner le temps aux organisations
de développer des prestations et augmenter à terme leurs
ressources", indique Pierre Ferracci, le dirigeant du
groupe Alpha.

Le Medef, par la voix de son président, Pierre
Gattaz, a récemment vanté les mérites d'un financement
basé essentiellement sur les cotisations des
adhérents. “Quand un dirigeant d'entreprise adhère à
une organisation patronale, il fait reposer la cotisation
sur le budget de l'entreprise, proteste Paul Desaigues.
Si les conditions étaient les mêmes pour les salariés –
qui, lorsqu'ils souhaitent adhérer à un syndicat, paient
leur cotisation de leur poche – nous ne serions pas à
seulement 8 % des actifs syndiqués !"

Cadrer davantage ?

Une autre question soulevée par Cash investigation
est celle du cadrage des dépenses : il y est suggéré
que des appels d'offres devraient être passés. “Les
organisations syndicales ne sont pas des collectivités !",
répond Paul Desaigues.

La DGEFP (déléguée générale à l'emploi et à la
formation professionnelle) Emmanuelle Wargon
acquiesce : “C'est un principe de la loi de 1905 sur
les associations, qui prévoit l'autonomie de gestion des
organisations patronales et syndicales. Cette séparation
vise à éviter un contrôle de l'État sur ces organisations."