L'Ordre des architectes veut développer la formation tout au long de la vie

Par - Le 01 juin 2013.

À l'heure où la profession traverse une passe difficile du fait
de la crise, et où le “développement durable" bouleverse
les habitudes de travail, les architectes se mobilisent autour d'une
série de propositions visant à adapter les formations − initiales et
continues − aux besoins de leur nouvel environnement.

Développer et valoriser la formation tout au long de la vie en partenariat avec des organismes dont les formations sont agréées par la profession" et “impliquer les écoles dans la formation continue aux côtés de la profession pour contribuer à la mise en place d'une offre accessible pour tous les architectes sur l'ensemble du territoire". Ce sont deux des propositions formulées par l'Ordre des architectes, qui ont été présentées à la presse le 16 mai dernier. En effet, l'Ordre a souhaité donner les parole à des acteurs de la vie civile (directeurs d'écoles, professionnels, etc.) et politique (fédérations professionnelles, représentants de Conseils régionaux, etc.) pour aboutir à la coproduction d'un document qu'il destine aux pouvoirs publics. Ces propositions ont été élaborées lors de deux “matinales" tenues les 14 février et 4 avril, dans le but de répondre à la question suivante : “Comment former les architectes pour répondre aux besoins de demain ?" De premières matinales avaient été organisées fin 2012 sur le thème du logement et de l'urbanisme. D'autres devraient suivre, et seront consacrées à l'aménagement du territoire et à la gouvernance. Si les deux tiers des propositions font référence à la formation initiale, “la formation continue est un volet essentiel, car une fois que les compétences sont acquises, il est nécessaire aux architectes de les maintenir pour continuer à répondre aux exigences", indique le président de l'Ordre, Lionel Carli. Il s'agit, entre autres, de répondre à des enjeux tels que celui de la performance énergétique. Ont-ils été soutenus par l'Opca PL (professions libérales) dans cette démarche ? “Oui, nous avons été aidés par les Opca, mais pas uniquement", tempère Lionel Carli. “Il y a des pôles de formation dans chaque région, au sein desquels réfléchissent des centres de formation ou encore des conseillers régionaux"… Autre proposition des architectes : développer la validation des acquis de l'expérience.

Un fort impact de la crise sur la profession

La formation professionnelle apparaît, à ce jour, être un sujet clé pour les architectes, d'autant que la crise économique pèse beaucoup sur l'activité de la profession. En effet, le conseil national de l'Ordre a fait réaliser, l'été dernier, une enquête auprès des architectes français pour en appréhender l'impact. 57 % des professionnels interrogés confirmaient une réduction globale de leur activité et 25 % des architectes employeurs indiquaient avoir l'intention de se séparer d'un ou plusieurs salariés. Par ailleurs, dans un panorama effectué sur l'année 2011, l'Observatoire de la profession d'architecte a noté que la
proportion d'architectes et salariés de cabinets ayant eu accès à une formation au cours des douze derniers mois avait fortement baissé entre 2011 (25 %) et 2008 (35 %). “Parmi les architectes employant des salariés dans leur agence, un peu moins de la moitié (45 %) déclarent avoir eu au moins un salarié en formation au cours des douze derniers mois. À titre de comparaison, ils étaient près
des deux tiers en 2008 (65 %). En moyenne, le nombre de salariés ayant suivi une formation [dans l'année] est passé de 1,3 à 1,2 salarié par agence", écrit également l'Observatoire. Jean-Michel Dresse, administrateur Unsfa (Union nationale des syndicats français d'architectes) à l'Opca PL écrit dans Passion architecture (la revue syndicale des architectes) que pour l'année 2012, l'organisme a pris en charge la formation de 8 900 salariés professionnels de l'architecture, pour un engagement financier d'environ 10,5 millions d'euros. “Cela ne représente que 24 % des 36 000 salariés", déplore-t-il. La formation des chefs d'entreprise non salariés, quant à elle, est prise en charge par le Fif-PL.

La monté en charge des formations “vertes"

L'Observatoire de la profession d'architecte montre également que les formations en développement durable et qualité environnementale sont non seulement les plus populaires, mais aussi celles qui ont récemment connu la plus forte croissante. Ainsi, parmi les architectes formés dans les douze derniers mois, 59 % ont suivi une formation de cette nature (38 % en 2008). Continuent également de recevoir bon accueil celles en informatique (22 % en 2011, 29 % en 2008), concernant l'accessibilité (22 % en 2011, 30 % en 2008), les formations ayant trait aux matériaux (12 % en 2011, 9 % en 2008) et celles qui concernent les contrats et le droit des marchés (12 % en 2011). “En termes de tendances, le développement de formations liées à l'environnement apparaît spectaculaire et s'effectue surtout au dépend des formations en informatique ou celles sur l'accessibilité. Les autres formations ont peu évolué depuis 2008", est-il souligné.
Dans ce contexte de montée en puissance des formations vertes, la profession se réjouit de la reconduction du dispositif FeeBat (Formation aux économies d'énergies des entreprises et artisans du bâtiment) lancé en 2007, et qui a fait l'objet d'une convention signée en 2010 avec le gouvernement. Pour rappel, celui-ci vise à aider les professionnels du bâtiment à atteindre les objectifs fixés à long terme : réduire la consommation énergétique des bâtiments
de 30 % d'ici 2020 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Concocté par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie), la FFB (Fédération française du bâtiment), la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), la FNScop (Fédération nationale des Scop du BTP), EDF et l'Atée (Association technique énergie environnement), le dispositif a été ouvert en 2012 aux professionnels de la maîtrise d'œuvre (architectes libéraux, économistes, ingénieurs, bureaux d'études
techniques et maîtres d'œuvre). Les premières actions de formation à destination de ce public devant cibler prioritairement les problématiques de réhabilitation énergétique du parc existant. Ainsi, selon l'Ordre des architectes, les professionnels de la maitrise
d'œuvre ont pu suivre quatre modules de formations (de deux jours chacun) entre septembre et décembre. Sur ces quatre mois, 1 200 stagiaires se sont formés, parmi lesquels plus de 700 architectes.

L'alternance attendra

Aménager le temps d'études pour permettre aux étudiants d'associer à l'enseignement théorique des séquences de mise en situation professionnelle “d'une durée suffisante" : voici une autre proposition issue des matinales des architectes et présentée ce 16 mai. “Il faut permettre aux étudiants de faire des césures d'un minimum de douze mois pendant le parcours de formation initiale, ce qui n'est pas possible aujourd'hui", insiste Lionel Carli. En effet, c'est une expérience salariée au court de la scolarité que souhaite défendre la profession, plutôt qu'un développement des formations
alternées.

Rarement plus de trois salariés

“Je ne suis pas sûr que l'alternance soit un système très adapté au secteur de l'architecture", déclare Jean-Mathieu Collard (conseiller pour l'Ordre des architectes et président du conseil de l'Ordre des architectes d'Alsace), également présent lors de la manifestation.
“Les agences d'architectes n'emploient souvent pas plus de trois salariés, or, un alternant prend énormément de temps. D'autre part, il n'est pas simple de gérer quelqu'un qui ne peut pas suivre les dossiers, car il est la moitié du temps en formation. Nous considérons qu'un jeune ne peut pas entrer dans le métier par des « sauts de puce » !", dit-il. “Il est plus adapté d'embaucher un jeune pour une durée d'un an", renchérit Lionel Carli. Le développement de l'alternance, appelé de ses voeux par le gouvernement qui table sur 500 000 apprentis d'ici 2017, ne devrait donc pas passer par les architectes…

RECONDUCTION DE LA FEEBAT

Depuis sa création, la Formation aux économies d'énergies des entreprises et artisans du bâtiment a bénéficié à 52 000 professionnels. La FeeBat semble donner toute satisfaction au secteur et aux pouvoirs publics, tant et si bien que Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du Logement, et Delphine Batho, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, ont signé ce 14 mai une convention avec les professionnels du bâtiment et EDF pour la proroger.

Les deux ministères stigmatisent le bâtiment comme le secteur économique le plus “énergivore" (44 % de la consommation d'énergie du pays) : il générerait 123 millions de tonnes de CO2 par an, près du quart des émissions nationales de gaz à effet de serre.