La troisième séance de négociation sur la formation jugée constructive

Par - Le 01 novembre 2013.

Le compte personnel de formation a focalisé l'attention des délégations patronales et syndicales lors
de la troisième séance de négociation nationale interprofessionnelle, le 23 octobre. Sa mise en oeuvre
renvoie en effet aux grands thèmes récurrents : l'initiative du salarié, la responsabilité de l'employeur,
et... le financement de la formation.

La séance de négociation n'avait
pas commencé sous les meilleurs
auspices. La première mouture du
projet d'accord national interprofessionnel
relatif à la formation professionnelle
(voir ci-contre), transmis par
le Medef aux autres organisations négociatrices
− proposant le remaniement du
système de financement de la formation
en exonérant les entreprises de plus de
10 salariés de verser une contribution
“plan" −, avait été reçu comme “une
provocation", comme nous le déclarait
Catherine Perret, secrétaire confédérale
CGT. D'ailleurs, la CGT et FO avaient
élaboré chacune un texte alternatif,
et, chose encore plus inhabituelle, la
CGPME également, rompant de fait
l'unité de la délégation patronale lors de
ces négociations.

Alors, réunion orageuse ? Quelques
heures plus tard, belle unanimité de
sourires. “Nous sommes réellement entrés
dans la négociation", indique Marie-
Andrée Seguin, secrétaire nationale
CFDT en charge de la formation et
des petites entreprises. Stéphane Lardy,
secrétaire confédéral FO chargé de
l'emploi et de la formation professionnelle,
affirme avoir une “vision positive"
de cette matinée qui a permis aux partenaires
sociaux “d'avancer". Jean-Pierre
Therry, secrétaire confédéral CFTC en
charge de la formation, confirme que “la
réunion s'est bien passée". Idem côté CGT !
“Nous sommes assez contents de la manière
dont cela s'est déroulé", déclare la secrétaire
confédérale Catherine Perret. Alors, que
s'est-il passé ?

Les négociateurs se sont accordés sur
deux points clés : l'objet du CPF (compte
personnel de formation) sera “l'élévation
des qualifications" − comme les syndicats
le demandaient −, et un projet de “reconnaissance
dans l'entreprise de l'effort de
formation du salarié" s'est ouvert.

Définir le CPF

Certes, les syndicats souhaitent creuser
davantage les contours et le fonctionnement
du CPF, et pour Marie-Andrée
Seguin, le projet d'Ani dans son état
actuel est “encore loin des objectifs de
la CFDT en termes de sécurisation des
parcours et d'élévation des qualifications".
Elle considère qu'un approfondissement
est nécessaire sur “ce que l'on attend du
CPF". “Il faut définir comment seront
reconnues et validées les nouvelles compétences
des salariés au sein de l'entreprise
et après une formation", ajoute Thierry
Cadart (CFDT).

“Outre la nécessité de discuter les moyens
de la reconnaissance en entreprise, l'une des
question centrales porte sur la nécessité d'une
régulation collective du compte personnel.
C'est bien de souhaiter que le compte soit
un droit personnel et opposable, encore
faut-il que les heures ne soient pas activées
n'importe comment et pour n'importe quoi",
indique Stéphane Lardy. Il se déclare en
faveur d'un système fondé sur la négociation
de branche. “Les branches professionnelles
ont un rôle à jouer", affirme
également Jean-Pierre Therry, “elles ont
des besoins propres en matière de formation
des salariés". Il se distingue néanmoins
en appelant de ses voeux un CPF “qui
pourrait, selon des modalités définies, être
utilisé pendant la retraite".

La CGT s'est élevée contre le titre I du
projet d'accord, selon lequel “l'évolution
et la promotion professionnelles relèvent
de la responsabilité du salarié". “Nous ne
voulons pas que tout repose sur les épaules
du salarié", prévient Catherine Perret.
Réponse de Florence Poivey, la chef de
file Medef : “Cela ne veut pas dire, bien
sûr, que l'employeur doive se désintéresser de
l'évolution et la promotion des salariés : au
contraire ! Nous poussons au dialogue, aux
convergences entre salariés et employeurs
sur ce sujet, notamment par le mécanisme
d'abondement du CPF."

Le point épineux du financement

La proposition du Medef de supprimer
la cotisation “plan de formation" pour
les entreprises de plus de 10 salariés a
touché les interlocuteurs au vif. “La
mutualisation n'est pas une fin en soi,
mais une technique de gestion, indique
Stéphane Lardy. L'objet étant un principe
de solidarité entre grands et petits. Cela
fonctionne dans le cadre de la professionnalisation.
Supprimer l'obligation « plan
de formation » pour les entreprises de plus
de 10 salariés, c'est risquer l'effondrement
des efforts de formation dans les petites
entreprises. En effet, chez les employeurs
de moins de 10 salariés, la cotisation
au titre du plan est faible, de l'ordre de
345 euros en moyenne. C'est pourquoi
il faut conserver la mutualisation, et
renforcer l'obligation pour les TPE-PME",
argumente-t-il.

La CGT exige que demeure l'obligation
légale “à 1,6 % de la masse salariale pour
toutes les entreprises, sans exception". “Peu
importe la création ou non d'une nouvelle
tranche pour la prise en charge du CPF. Ce
qui nous importe, c'est que le financement
reste a minima constant", indique Jean-
Philippe Maréchal. La CGT réitère par
ailleurs son souhait de voir la contribution
Cif passer de 0,2 % à 0,3 % de la
masse salariale, par transmutation d'une
partie du plan.
Dominique Jeuffrault (CFE-CGC),
quant à elle, se dit favorable à la proposition
du Medef selon laquelle le salarié
pourrait abonder ses formations au titre
du CPF en “monétarisant" son compte
épargne temps et ses RTT. Elle souhaiterait
également creuser une idée qui lui
est remontée du terrain : la possibilité
de dons d'heures de CPF entre salariés,
le tout étant géré dans le cadre d'une
fondation.

Rendez-vous le 5 novembre

Les partenaires sociaux ont prévu de se
retrouver le 5 novembre prochain. Les
syndicats de salariés se disent attentifs
aux évolutions apportées dans le cadre
du nouveau projet d'Ani que le Medef
doit également leur transmettre. La
CGT promet d'ores et déjà un nouveau
texte répondant aux questions relatives
au financement du CPF et du système
de formation.

CGPME : LE “PRINCIPE DE CONVERGENCE"

“Nous insistons sur le fait que la réforme doit concourir au développement économique des
entreprises petites et moyennes, explique Jean-Michel Pottier, président de la commission
formation-éducation de la CGPME. Pour que la formation professionnelle dans les TPE-PME
progresse, il faut développer la mutualisation. Il est également nécessaire de mettre en
place un véritable conseil et accompagnement de proximité pour les petites structures,
car celles-ci ne disposent pas de service RH. Pour réaliser cela, nous avons besoin d'une
contribution obligatoire." Au-delà, le représentant CGPME rappelle que son organisation
défend un “principe de convergence" entre les besoins économiques de l'entreprise et les
besoins de développement des qualifications et des compétences des salariés. “À partir
d'un dialogue mené en entreprise dans le cadre d'un entretien professionnel, entre le chef
d'entreprise et chacun de ses salariés, peut se mettre en place un vrai projet de formation
partagé et mis en oeuvre dans le cadre du CPF", dit-il.

LE PREMIER PROJET D'ACCORD TRANSMIS PAR LE MEDEF

Dans cette version datée du 23 octobre, le
Medef a proposé de remanier totalement le
système de financement de la formation par
les entreprises. Ainsi, la contribution versée par
les employeurs au titre du plan de formation ne
serait plus dû que par les petites entreprises
seulement. Celles employant 10 salariés et
plus verseraient à leur Opca une contribution
minimale équivalant à 0,8 % de la masse
salariale, se décomposant ainsi : 0,2 % pour
le Cif, 0,45 %, pour la professionnalisation,
0,15 % au titre des ressources du FPSPP. La
contribution des moins de dix salariés serait
quant à elle de 0,4 % de la masse salariale,
destinée, donc, au financement du plan de
formation.

Le CPF : 120 heures maximum
pour des formations prioritaires


Attaché à la personne, le compte conduirait
nécessairement à une “qualification correspondant
aux besoins de l'économie […] ou
à l'acquisition d'un socle de compétences".
À partir du 1er janvier 2015, chaque personne
en disposerait, “dès son entrée sur le marché
du travail et jusqu'à son départ en retraite".
Comptabilisé en heures, il serait mobilisable
par la personne qui accèderait à une formation
à titre individuel, “qu'elle soit salariée ou
demandeuse d'emploi, indemnisée ou non".
Les heures portées au crédit du compte
personnel de formation le demeureraient en
cas de démission, de rupture conventionnelle
ou de licenciement, mais pas en cas de faute
lourde. En outre, les heures acquises au titre
du Dif (droit individuel à la formation) et non
utilisées seraient portées au crédit du CPF.

Tout comme c'est le cas aujourd'hui pour le Dif,
chaque salarié à temps plein bénéficierait de
20 heures créditées sur son CPF, dans la limite
de 120 heures. Le salarié pourrait mobiliser
ces heures pour accéder à des formations
figurant sur des listes élaborées par les partenaires
sociaux. Hors temps de travail, il
utiliserait librement son compte. En revanche,
sur le temps de travail, il devrait formuler sa
demande auprès de son employeur deux mois
avant le début de sa formation. De leur côté,
les demandeurs d'emploi seraient contraints
de choisir leur formation sur une liste élaborée
par les partenaires sociaux représentatifs, au
niveau national ou au niveau de leur région.

Une prise en charge par le
Fongecif et Pôle emploi


Le CPF pourrait être abondé par l'employeur,
lorsque la personne est salariée, et par la
personne elle-même. En outre, un accord
d'entreprise pourrait déterminer les modalités
et les conditions d'abondement du compte
par l'employeur, de même qu'un accord de
branche ou, à défaut, un accord conclu par
les organisations syndicales de salariés et
d'employeurs signataires de l'accord constitutif
d'un Opca interprofessionnel. Le coût de la
formation au titre du CPF serait pris en charge
par le Fongecif si le bénéficiaire est salarié, et
Pôle emploi s'il est demandeur d'emploi. Le
coût acquitté par l'un ou l'autre de ces acteurs
ferait l'objet d'un versement par le FPSPP d'une
dotation financière équivalente, dans la limite
d'un coût horaire maximal fixé par le CPNFPE
(Comité paritaire national pour la formation
professionnelle et l'emploi).

Toujours aux termes du projet du Medef,
le FPSPP disposerait d'une contribution
équivalant à 0,15 % du de la masse salariale
des entreprises de plus de 10 salariés, reversé
par les Opca. En outre, le Fonds récupèrerait
aussi les sommes dont disposent les Opca au
titre de la professionnalisation et du Cif au
31 décembre de chaque année “excédant le
tiers de leurs charges comptabilisées au cours
du dernier exercice clos selon les règles du plan
comptable applicable aux Opca".

Le projet du Medef prévoit aussi de revoir
les dispositifs pris en charge par la contribution
“professionnalisation". Sans oublier un
chapitre sur les instances de gouvernance
paritaires nationale et régionales en matière
de formation professionnelle et d'emploi.