Le compte personnel de formation, au programme de la “conférence sociale" 2013

Par - Le 01 juin 2013.

Le compte personnel de formation, inscrit dans l'Ani du 11 janvier, puis dans la loi “sécurisation" votée le 14 mai, est en passe de devenir une réalité. Les modalités restent à négocier, alors que la présidente du Medef a déjà indiqué qu'il “a probablement vocation à remplacer le Dif". L'affaire pourrait être moins consensuelle que prévu.

L'an II" du quinquennat a débuté, et la prochaine “conférence sociale", les 20 et 21 juin, tracera la feuille de route pour 2013- 2014. Les dispositifs formation imaginés et développés au cours de l'année passée, ainsi que la réforme à venir, nourriront une partie des débats. Les travaux préparatoires sont lancés : Jean-Marc Ayrault, accompagné des ministres concernés, a reçu en entretiens bilatéraux les cinq fédérations syndicales de salariés représentatives (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO) et les trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) afin de faire le point sur les attentes et les propositions. Avant qu'une “conférence de méthode", le 22 mai, ne détermine
l'ordre du jour.

L'avis des organisations “non représentatives" n'a pas été écarté, puisque celles-ci ont été également reçues à Matignon, dans un second temps. L'an passé, des syndicats de salariés autonomes (Unsa), de la fonction publique (FSU) ou des organisations patronales du “hors-champ" (Usgeres pour les employeurs de l'économie sociale, FNSEA pour les exploitants agricoles, etc.) s'étaient vu conviés aux tables rondes.

L'approvisionnement du CPF

Avant même l'annonce, le 4 avril dernier, d'une nouvelle réforme de la
formation professionnelle par le chef de l'État, trois dossiers prioritaires en matière de formation professionnelle occupaient déjà l'agenda gouvernemental. En premier lieu, le compte personnel de formation (CPF), inscrit par les partenaires sociaux dans l'Ani du 11 janvier 2013, puis traduit dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi − définitivement votée le 14 mai −, sans que ses mécanismes d'alimentation n'aient été clairement définis. Une concertation tripartite (État, Régions, partenaires sociaux) vient de débuter, afin d'examiner les modalités concrètes de provisionnement de ce compte, notamment, dans un premier temps, en direction de deux publics particulièrement fragiles : les jeunes et les actifs sans qualification.

Remplacer le Dif ?

Et ensuite ? “La suppression du Dif [droit individuel à la formation] est dans l'esprit de l'accord que nous avons signé [le 11 janvier 2013]. Le fonctionnement de ce dispositif est imparfait, aussi le compte personnel de formation a-t-il probablement vocation à le remplacer." C'est ce qu'a déclaré Laurence Parisot, présidente du Medef, lors de sa conférence de presse mensuelle, tenue le 14 mai. La
veille, elle avait dit au Premier ministre qu'“en matière de formation professionnelle, la priorité était la mise en oeuvre d'un des points de l'accord du 11 janvier : le compte personnel de formation. Il nous faut préparer ce chantier tout de suite".

“Nous avons bien noté le rapport existant entre le Dif et le compte personnel de formation", expliquait de son côté Jean-Michel Pottier, en charge de la commission éducation et formation de la CGPME, le 13 mai. Il s'est déclaré “particulièrement attaché" à l'articulation entre ces deux dispositifs. Alors, supprimer le Dif au profit du compte ? “Ce n'est pas forcément nécessaire", a-t-il jugé, même s'il ne faudra “pas
les déconnecter". Quant aux jonctions possibles entre le compte et le Cif, elles devront clairement être étudiées au cours de la négociation.

“Une formation pensée comme un parcours et non au coup par coup"

Pour l'heure, le compte, depuis l'Ani du 11 janvier, fait figure d'Arlésienne. C'est en 2014 que devrait apparaître concrètement un CPF certainement ciblé sur les jeunes et les chômeurs les plus éloignés de l'emploi. “Une première étape réparatrice pour deux populations en souffrance, mais qui constituera le prélude à l'ouverture d'un droit pour tous à l'orientation, la qualification, la mobilité protégée, valable tout au long de la vie professionnelle, de la sortie de l'école à la retraite", jugeait Pascale Gérard, secrétaire nationale du PS à la formation professionnelle et élue régionale de Paca, à l'occasion de la première “Journée de débat sur l'emploi" organisée par le Parti socialiste le 14 mai – le jour même du vote de la loi de sécurisation de l'emploi. Avec, à terme, l'objectif “d'une formation pensée comme un parcours et non au coup par coup", voire d'une “assurance formation calquée sur le modèle de l'assurance chômage", comme l'a dit Jean-Marc Germain, en charge des questions de travail et d'emploi au sein du parti. Pour Michel Sapin, invité de cette journée, le CPF constituera “un dispositif aussi essentiel pour la sécurisation des parcours et la portabilité des droits que le
furent le Cif ou la VAE en leur temps".

Des questions qui appellent des réponses concrètes

“La question du compte personnel de formation peut constituer un point d'entrée de la réforme de la formation que souhaite le gouvernement, même si pour FO, ce n'est pas l'alpha et l'omega", nous a indiqué Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO en charge de l'emploi et de la formation professionnelle. Parce que “l'accord du 11 janvier ne dit pas grand-chose sur le CPF, nous devons créer des bases fortes qui permettent une montée en charge progressive". En apportant, par la négociation, des réponses à trois questions : quels publics seront visés ? Quelles formations seront éligibles ? Comment le financer ? Sans oublier de définir son articulation avec le Cif, le Dif et le plan de formation. Et Stéphane Lardy de poursuivre : “C'est beau de dire que le CPF sera un droit universel, mais qu'est-ce que cela veut dire ? Concernera-t-il les salariés ? Les 28 millions d'actifs ? Faudra-t-il être inscrit à Pôle emploi pour en bénéficier ?" Il faudra s'interroger sur le mode de cumul des heures sur le compte, et de leur déblocage. “Les moyens financiers sont aujourd'hui limités et il ne faudrait pas aboutir à ne faire que de la gestion de file d'attente !", ce qui pourrait rappeler le Cif.

Réagissant aux propos de Laurence Parisot, Stéphane Lardy a pointé : “Il est clair que le Dif va disparaître, mais ce n'est pas en ces termes que la question se pose. Le Medef voulait faire de la transmutation légale, c'est-à-dire appliquer directement au compte personnel de formation les dispositions aujourd'hui applicables au Dif. Là, je dis non. Le but du CPF n'est pas de devenir un Dif +, c'est plus compliqué que cela ! Malheureusement, l'accord refait le Dif, et pour nous, il faut aller plus loin que cela, passer à un stade supérieur."

Benjamin d'Alguerre, Aurélie Gerlach et Claire Padych

VERS UNE NOUVELLE NÉGOCIATION

La délégation de la CFDT reçue à Matignon était conduite par Laurent Berger, secrétaire général. À ses yeux, la réorientation de la formation professionnelle en lien avec l'emploi doit être la prochaine étape dans la sécurisation des parcours, et pourrait se décliner en quatre points : construire l'accès à la “formation pour tous" à partir du nouveau compte personnel de formation (orientation, conseil en
évolution professionnelle, accès à la formation) ; donner la priorité aux salariés et demandeurs d'emploi les moins qualifiés, en renforçant la mutualisation des financements ; orienter la formation sur les “emplois de demain" en lien avec les branches ; et renforcer l'approche “quadripartite" (partenaires sociaux, État et Régions). La CFDT a précisé que sur ces sujets, elle souhaitait “qu'une démarche similaire à la sécurisation de l'emploi soit menée et qu'une négociation interprofessionnelle puisse rapidement être engagée".

PREMIÈRE RÉUNION “MULTIPARTITE"

Le 21 mai se tenait, au ministère du Travail, la première réunion multipartite (partenaires sociaux, Régions et État) sur le compte personnel de formation. La suivante a été fixée au 12 juin. L'objectif étant d'élaborer la “feuille de route" que le gouvernement fournira aux partenaires sociaux à la fin de la conférence sociale. “La réunion s'est bien passée. Nous avons pu noter une vraie convergence entre les acteurs sur les objectifs du compte personnel de formation. D'ici la prochaine réunion, chaque organisation va, de son côté, réfléchir sur les thèmes pour lesquels une position n'a pas encore été arrêtée : quel ciblage de publics, quelles priorités pour le compte, l'éligibilité des formations, l'alimentation du compte, l'accompagnement des salariés…", précise-t-on dans l'entourage du ministre. Cette méthode de concertation multipartite autour du CPF pourrait se poursuivre après la tenue de la conférence sociale, en marge de la négociation.

“LE SYSTÈME ACTUEL FAIT DÉFAUT"

L'Union professionnelle artisanale (UPA), représentée par son président Jean-Pierre Crouzet et ses vice-présidents, a indiqué le 13 mai que la question de la formation initiale et de l'orientation “devra impérativement être examinée dans le cadre de l'atelier formation-emploi" de la conférence sociale : “Force est de constater que le système de formation actuel fait défaut, avec un taux de chômage des
jeunes qui continue d'augmenter et dans le même temps des dizaines de milliers d'offres d'emploi qui ne trouvent pas preneurs."