Le débat “qualification ou compétences" est relancé
Par Claire Padych - Le 15 décembre 2013.
La formation doit-elle être “diplômante"
ou... répondre aux besoins de l'entreprise ?
Question posée lors d'une table ronde à
laquelle étaient invités les partenaires
sociaux, à l'occasion du colloque de la
Conférence des présidents d'Université, le
28 novembre dernier. Pour Antoine Foucher,
directeur des relations sociales, de l'éducation
et de la formation du Medef, “la
formation professionnelle et l'apprentissage
souffrent d'être perçus seulement
comme un financement, au lieu de répondre
aux intérêts des principaux acteurs, c'està-
dire les salariés, les entreprises et les
demandeurs d'emploi".
Ainsi, “l'apprentissage est un système
où l'usager n'est pas au centre. Ce sont
les Régions et l'Éducation nationale qui
sont décisionnaires. Or, ces
acteurs ne sont pas les plus
intéressés par le système
qu'ils gèrent. Les partenaires
sociaux sont ensuite, au
mieux, consultés, mais ne sont
pas décideurs (…). Alors, pour
compenser les inconvénients du
système, on donne de l'argent
aux entreprises". En élargissant
la question à l'ensemble de la
formation professionnelle,
le représentant du Medef a
dénoncé un système davantage
“construit pour les gestionnaires
que pour les usagers".
Quels dispositifs
pour quels publics ?
Christian Janin, responsable du
service emploi et sécurisation
des parcours professionnels de
la CFDT, s'est déclaré d'accord avec lui sur
ce point, interrogeant : “Quels dispositifs sont
pertinents et avec quels publics derrière ?"
Mais pas Francine Pierre, en charge de la
formation professionnelle à la fédération
CGT de la métallurgie : “Ne réduisons pas
les finalités aux enjeux des entreprises ! Il
faut surtout corriger les accès inégaux à la
formation professionnelle et participer au
développement économique des territoires."
Pour sa part, Jean-Michel Pottier (président
de la commission nationale éducation et
formation à la CGPME) a insisté sur la
formation en alternance, dispositif qui met
en relief le rôle de “deux formatrices, l'Université
et l'entreprise". Mais Hubert Raguin,
secrétaire général de la Fédération FO de
l'enseignement, n'a laissé aucune alternative :
“Pour nous, l'apprentissage doit être conçu
comme une filière complète aboutissant à des
diplômes nationaux, avec un vrai emploi et un
vrai salaire."
Positions antagonistes...
“Est-ce que le CPF [compte personnel de
formation] doit obligatoirement mener à
une formation diplômante ?, a repris Antoine
Foucher. Partons des besoins du public et des
entreprises. Ils ont besoin de compétences.
La seule question qui vaille est : est-ce que
cette formation permet de trouver un emploi
et d'être employé ? Savoir que la formation
est inscrite au RNCP [Répertoire national des
certifications professionnelles], on s'en fiche !
Est-ce qu'une formation a une valeur sur le
marché du travail est la seule question qui
se pose."
Décidemment en désaccord, Hubert Raguin a
insisté : “Un diplôme national avec une qualification
reconnue, c'est autour de ces préoccupations
qu'il faut débattre, et seulement dans
le cadre de l'Université."
... et synthèse du ministre
Le lendemain, 29 novembre, Michel Sapin est
intervenu en clôture du colloque. Le ministre
du Travail a souligné : “Nous voilà à la frontière
des formations initiale et professionnelle,
comme à celle entre l'entreprise et l'Université,
qui doivent désormais fonctionner en écosystèmes."
Il a donné sa propre définition du
rapport entre CPF et Université, une synthèse
entre les préconisations du Medef et de FO :
“Les Universités me semblent particulièrement
bien placées pour jouer un rôle dans ce développement
de la formation tout au long de la
vie par le compte personnel de formation (…)
parce qu'il a une visée qualifiante (…). Les
Universités doivent devenir demain les opératrices
d'une sécurisation dynamique des
parcours professionnels."
Il a conclu que “l'implication des Universités
est indispensable pour que notre pays,
ses jeunes, ses salariés, ses demandeurs
d'emploi, montent en compétence et
deviennent des professionnels aussi efficaces
qu'éclairés dans une économie compétitive et
inventive..."