Le Fongecif Aquitaine tourne la page de l'affaire Ansaldo
Par David Garcia - Le 01 octobre 2013.
La récente condamnation de Thierry Ansaldo, l'ancien directeur du Fongecif Aquitaine, reconnu
coupable d'avoir détourné 1,65 millions d'euros destinés à la formation des salariés, a projeté son
ombre sur la célébration du 30e anniversaire de l'organisme.
De l'affaire, pas un mot n'a été
soufflé. Alors que le Fongecif
Aquitaine célébrait à son
tour [ 1 ]Cf. L'Inffo n° 838, pp. 30 à 33., le 19 septembre, son
30e anniversaire, ce sont ses
perspectives d'avenir au regard de la
grande réforme de la formation professionnelle
en préparation qui ont largement
été discutées. Pourtant, la découverte
d'un important détournement de
fonds par son ancien directeur en 2012,
puis la condamnation de ce dernier en
juin 2013 ont durement frappé l'organisme.
À une époque où il est de bon
ton de fustiger la gestion paritaire des
fonds de la formation professionnelle,
les organismes collecteurs des fonds de
la formation professionnelle se passeraient
bien de ce type de publicité.
Deux ans de prison ferme,
pour l'ancien directeur
Usage frauduleux de fonds collectés
destinés à la formation professionnelle
pour des faits commis du 1er janvier
2007 au 31 mars 2012 à Bordeaux ;
altération frauduleuse de la vérité dans
des écrits entre mars 2009 et mars
2012. Tels sont les chefs d'accusation
pour lesquels Thierry Ansaldo a comparu
devant le tribunal de grande instance
de Bordeaux, le 27 mai dernier.
L'ancien directeur du Fongecif Aquitaine
a été condamné à quatre ans de
détention, dont deux ferme. À titre
complémentaire, le TGI de Bordeaux a
frappé l'ancien patron opérationnel de
l'organisme collecteur d'une interdiction
d'exercer un métier en rapport avec
la comptabilité. Ainsi que d'exercer une
profession commerciale ou industrielle,
de diriger, administrer, gérer ou contrôler
une entreprise ou une société. Le
tout pour une durée de dix ans.
À titre complémentaire encore, le
tribunal a condamné Thierry Ansaldo
à payer au Fongecif Aquitaine, qui
s'était porté partie civile, la somme de
1 658 604,40 euros au titre de dommages
et intérêts.
Soit la somme détournée par Thierry
Ansaldo via une société civile immobilière,
Les Chaix d'Alexandre. Laquelle
a servi de paravent pour investir dans
plusieurs biens immobiliers.
Falsification d'écritures
comptables
Entre janvier 2007 et mars 2012, le
directeur du Fongecif de l'époque a
en effet “frauduleusement utilisé les
fonds collectés dans des conditions non
conformes aux dispositions légales régissant
l'utilisation légale de ces fonds, et
notamment en effectuant des virements
bancaires à concurrence de 378 803,99
euros sur ses comptes bancaires personnels
et à concurrence de 1 279 800, 59 euros
sur le compte bancaire de la SARL ADL
13 dont il était le gérant, le montant total
du préjudice étant évalué à la somme de
1 658 604,40 euros", selon les attendus
du jugement, que L'Inffo s'est procuré.
Parallèlement, entre mars 2009 et mars
2012, Thierry Ansaldo a “altéré frauduleusement
la vérité d'écrits destinés à faire
la preuve d'un droit ou d'un fait ayant
des conséquences juridiques en créant
notamment une fausse entreprise PQRLCL
et des dossiers fictifs de formation au
nom des salariés de la SARL ADL 13 et
en falsifiant les écritures comptables du
Fongecif Aquitaine pour dissimuler ses
détournements", selon le TGI toujours.
Outre les condamnations précitées, le
tribunal a ordonné la confiscation des
biens immobiliers acquis par la SCI
Les Chaix d'Alexandre, dont Thierry
Ansaldo était le gérant. À savoir, une
propriété achetée sur la commune de
Foirac (Gironde) le 26 août 2009,
au prix de 215 000 euros. Mais aussi
un ensemble immobilier comprenant
quatre bâtiments collectifs verticaux à
usage d'habitation, situé sur la commune
de Bordeaux,
acheté 244 200 euros. Et
enfin, un appartement
avec garage à Saint-
Lary-Soulan, dans le
département des Hautes-
Pyrénées.
Ces différents biens ont
été confisqués au profit
de l'Agence de gestion
et de recouvrement des
avoirs saisis et confisqués
(Agrasc). Un établissement
public et administratif
placé sous la double
tutelle des ministères de
la Justice et du Budget.
Le jugement du TGI
de Bordeaux du 13 juin
2013 est définitif, le prévenu
et la partie civile
n'ayant pas interjeté
appel.
David Garcia
“NOUS AVONS INTENSIFIÉ LES CONTRÔLES"
“Cette affaire a été jugée et le coupable a été
condamné", explique à L'Inffo Jacky Bachelier,
président (CFTC) du Fongecif Aquitaine. “Il est
important de noter qu'aucun autre salarié du
Fongecif n'a été impliqué dans cette affaire.
Il s'agissait d'un méfait commis par une personne
seule. La somme détournée par Thierry
Ansaldo était importante, mais cela n'a pas affecté
le fonctionnement du Fongecif. Malheureusement,
ceux qui en ont le plus souffert sont
avant tout les salariés en demande de financements",
regrette-t-il. Selon Jacky Bachelier,
l'organisme a subi un redressement de la part
de l'État. Le Fongecif Aquitaine a été redressé
à hauteur de 600 000 euros, dans la mesure
où “l'argent volé n'a pas servi sa destination
finale, à savoir la formation professionnelle".
Mais comment un tel détournement a-t-il
été rendu possible ? D'après le président du
Fongecif Aquitaine, Thierry Ansaldo a opéré
progressivement. “Pendant des années, il a
été le comptable de notre structure. Il avait
toutes les clés du système. Cependant,
il ne faut pas oublier qu'il a fini par être
découvert !", dit-il. Pour Jacky Bachelier,
cependant, ce type de détournement est
“classique" : “Ce n'est pas symptomatique
du système de formation continue en France.
Cela se produit dans d'autres secteurs !" Et de
citer de récentes affaires bordelaises,
dont le scandale du
Grand Théâtre, dont la régisseuse
a été accusée en 2012
d'avoir détourné près d'un
million d'euros de deniers
publics.
Des mesures pour
éviter que cela ne
se reproduise
Toutefois, le président de
l'organisme indique que des
mesures ont été prises, tant
au niveau du Fongecif qu'au
niveau national, pour éviter
que la situation ne se répète.
“Pour commencer, les fonctions
qu'occupaient Thierry
Ansaldo sont désormais réparties entre deux
personnes : nous avons désormais une directrice
[Pénélope Lucas] et une directrice adjointe
[Karine Guérin]. Ensuite, nous avons intensifié
les contrôles que nous faisons effectuer à
notre expert-comptable. Enfin, nous nous
sommes mis en contact avec un cabinet de
conseil pour mettre en place des procédures
plus sûres", dit-il.
Au niveau national, le FPSPP (Fonds paritaire
de sécurisation des parcours professionnels)
a également souhaité agir,
en mettant en place des formations
à destination des trésoriers des différents
Fongecif. “Nous avons pu
constater une véritable cohésion
sur le sujet au sein du réseau pour
s'assurer que ce type d'incident ne
se reproduise pas ailleurs", se félicite
Jacky Bachelier.
Le CPF aux Fongecif
Ainsi, le Fongecif Aquitaine prend le
parti de sa focaliser sur l'avenir. “Une
nouvelle réforme de la formation
s'annonce et ne pourra se faire sans
le réseau des Fongecif", a déclaré le
président en introduction à la journée
de célébration, tenue en banlieue de
Bordeaux. Au cours d'une table ronde
avec les représentants des organisations
syndicales et patronales du
conseil d'administration, c'est une
marge de manoeuvre accrue pour les
Fongecif qui a été réclamée.
Tous les partenaires sociaux sont
d'accord : le réseau est le plus à
même de mettre en oeuvre le futur
CPF (compte personnel de formation). “Nous
sommes déjà positionnés pour être des acteurs
majeurs du nouveau système, notamment
parce que nous jouons un important rôle
d'accompagnement des individus. Or, la tendance
est à l'individualisation, nous sommes
donc particulièrement bien placés !", déclare
Dominique Bisson (Medef). “Les Fongecif sont
déjà dotés de toutes les structures nécessaires,
qui ne demandent qu'à fonctionner.
Ce serait beaucoup trop long pour les Régions
d'en mettre en place de semblables !", confie
Jacky Bachelier en marge de l'événement.
La demande est à plus d'autonomie pour
les Fongecif, surtout dans l'optique du futur
acte III de la décentralisation. “Lorsque les
Conseils régionaux délèguent à la Caf (Caisse
d'allocations familiales) le soin de gérer le
RSA, ils ne viennent pas s'ingérer dans leur
activité. Ce devrait être le cas également pour
nous", déclare Jacky Bachelier. Mais l'État
n'est pas non plus épargné : “L'État est en difficulté
financière et vient chercher de l'argent
de notre côté. L'ennui, c'est qu'il se sert de
dispositifs créés par les partenaires sociaux
pour cofinancer ce qui devrait relever de sa
responsabilité et notamment les politiques de
l'emploi. Avec tout cela, le risque, c'est qu'il ne
reste plus assez d'argent pour les salariés. Et
pour prendre l'argent des partenaires sociaux,
quoi de plus simple que de dire qu'il est mal
géré ! Pourtant, le Fongecif Aquitaine ne dépense
pas un seul euro qui ne soit justifié",
déclare le trésorier, Bertrand Pommier.
Aurélie Gerlach
Notes
1. | ↑ | Cf. L'Inffo n° 838, pp. 30 à 33. |