Le gouvernement prévoit d'adosser pour partie les ressources des Régions à la taxe d'apprentissage
Par David Garcia - Le 16 novembre 2013.
Fusion de la CDA
(contribution au
développement de
l'apprentissage) et de la taxe
d'apprentissage, diminution
de la partie “barème",
régionalisation de la taxe,
système de collecte basé sur
vingt-six Octa (organismes
collecteurs de la taxe
d'apprentissage) régionaux
et vingt “Opca-Octa"…
Ce sont quelques-unes des
propositions transmises par
le ministère du Travail, le
23 octobre, aux différentes
parties concernées par la
réforme de l'apprentissage
Ces propositions
doivent être
discutées dans
le cadre d'un
nouveau cycle de
concertations. “Celles
qui seront finalement
retenues trouveront
pour certaines leur place
dans le volet apprentissage
du projet de loi
relatif à la formation
professionnelle [attendu
pour fin 2013-début
2014] tandis que
d'autres, d'ordre fiscal,
relèveront de la loi de finances rectificative
pour 2014", indique le gouvernement.
Ajoutant que les évolutions relatives à
la taxe d'apprentissage prendront effet
au 1er janvier 2015 et s'appliqueront à
la collecte de la taxe réalisée au titre de
la masse salariale 2014.
Alors que les questions touchant au
système de formation professionnelle
continue et à son financement, notamment
dans le cadre de la mise en
place du CPF (compte personnel de
formation) sont en ce moment discutées
dans le cadre d'une négociation
paritaire nationale et interprofessionnelle,
et d'une concertation “quadripartite"
(État-Régions-organisations
patronales et syndicales), la refonte de
l'apprentissage et de son financement
a déjà fait l'objet d'une concertation,
dans le courant des mois de septembre
et octobre derniers, sous forme de réunions
bilatérales entre le ministère du
Le gouvernement prévoit d'adosser
pour partie les ressources des
Régions à la taxe d'apprentissage
Fusion de la CDA
(contribution au
développement de
l'apprentissage) et de la taxe
d'apprentissage, diminution
de la partie “barème",
régionalisation de la taxe,
système de collecte basé sur
vingt-six Octa (organismes
collecteurs de la taxe
d'apprentissage) régionaux
et vingt “Opca-Octa"…
Ce sont quelques-unes des
propositions transmises par
le ministère du Travail, le
23 octobre, aux différentes
parties concernées par la
réforme de l'apprentissage.
Retrouvez l'actualité de la formation
au quotidien
www.actualite-de-la-formation.fr
Travail et les organisations intéressées
au sujet, au premier rang desquelles les
syndicats de salariés et d'employeurs,
les réseaux consulaires et les Régions.
0,68 % de la masse salariale...
Pour simplifier le système de financement,
le gouvernement affirme qu'il
“convient d'abord de prendre une première
mesure de simplification" en fusionnant
la taxe d'apprentissage et la
CDA (contribution au développement
de l'apprentissage) [ 1 ]La CDA représente 0,18 % de la
masse salariale. Collectée par les Octa
(organismes collecteurs de la taxe
d'apprentissage) en même temps que la
TA, elle est reversée en intégralité au
Trésor public. Son montant est ensuite
réparti entre les Régions., aboutissant à une
taxe à hauteur de 0,68 % de la masse
salariale.
Autre souhait, flécher davantage la taxe
vers l'apprentissage lui-même. Cela
passe, selon le ministère du Travail,
par la garantie d'un financement
“équitable" des CFA (centres de formation
d'apprentis) sur leur territoire,
via un renforcement des moyens des
Régions. “Dans ce but, une part de la
taxe d'apprentissage sera régionalisée et
son produit réparti selon des règles nationales
favorables au développement de
l'apprentissage."
... et contribution supplémentaire
Simultanément, l'État souhaite que
les moyens directement affectés aux
CFA augmentent par cumul de la part
dite “quota" de la taxe (voir encadré) et
du montant de la CSA (contribution
supplémentaire à l'apprentissage) dû
par les entreprises [ 2 ]Les entreprises de plus de 250 salariés
doivent employer au minimum 4 %
(5 % à partir de 2015) d'alternants, faute
de quoi elles doivent s'acquitter d'une
CSA (contribution supplémentaire à
l'apprentissage) plus ou moins importante
selon leur éloignement par rapport à
l'objectif. Si les 4 % sont dépassés, au
contraire, elles peuvent recevoir des
fonds supplémentaires, ce que l'on
désigne sous le terme de “bonus".
. “Le bonus auquel
pourrait prétendre une entreprise viendra
en déduction du montant de la taxe
d'apprentissage à acquitter." La part
de la taxe dite “barème" sera réduite
d'environ 50 millions d'euros en 2015
par rapport à son évolution à la baisse
déjà engagée depuis 2011. Cette part
devant être dédiée au financement des
formations hors contrats d'apprentissage,
même si elle pourra néanmoins
“venir abonder les concours financiers
obligatoires des employeurs au titre de la
formation de leurs propres apprentis dans
les cas où la part quota de la taxe s'avérera
insuffisante".
Redéfinition des formations
éligibles
Les formations et structures éligibles au
barème, qui sont aujourd'hui enregistrées
sur des listes préfectorales “selon
des modalités d'instruction très inégales"
seront désormais soumises sur le territoire
à un avis des partenaires sociaux
au niveau interprofessionnel, tandis
que “le rôle des Régions sera renforcé dans
leur établissement". D'autre part, les
formations potentiellement éligibles
seront redéfinies en “prenant en compte
divers critères tels que la reconnaissance
par l'État, le contrôle pédagogique des
établissements ou des formations, ou encore
leur dimension non lucrative".
“Réguler les coûts par apprenti"
Les catégories du barème devraient
également être redéfinies. Aux trois
catégories actuelles (A, B, C) “qui se
révèlent relativement inopérantes du fait
des cumuls possibles entre catégories voisines",
le gouvernement juge judicieux
de substituer deux catégories seulement
: niveaux V, IV et III d'une part,
et niveaux II et I d'autre part, sans que
ces catégories puissent s'additionner.
Une nouvelle répartition qui devrait
être assortie d'une démarche visant à
“réguler nationalement et /ou régionalement
les coûts par apprenti" (des travaux
sont engagés sur ce point par le
CNFPTLV) .
La “libre affectation"
“Dans ce nouveau schéma, le principe de
la libre affectation par les entreprises est
préservé, aussi bien dans le quota que dans
le barème" [ 3 ]Les entreprises peuvent choisir de
flécher leur taxe d'apprentissage
(le “barème" et la partie du quota non
fléchée vers le CAS FNDMA) vers un
organisme de formation de leur choix.
Si elles ne le font pas, les Octa s'en
chargent, et on parle alors de “fonds
libres".. Il est précisé dans le document
que les nouvelles règles de répartition
de la taxe d'apprentissage feront
l'objet d'un suivi et d'une évaluation au
niveau national comme régional.
Vingt-six Octa régionaux
Pour réduire le nombre de collecteurs, il
est prévu d'établir un Octa (organisme
collecteur de la taxe d'apprentissage)
pour chaque région. La gouvernance de
ceux-ci sera interconsulaire, la Région
étant “associée au processus de décision
relatif à la répartition des fonds libres",
de même que les partenaires sociaux
régionaux.
Vingt Octa-Opca
La voie privilégiée par le ministère du
Travail est d'aboutir à un réseau de
vingt collecteurs en dotant les seuls
Opca d'un agrément d'Octa. Pour que
cette évolution ne génère pas de “collecte
captive", les entreprises seront libres de
verser leur taxe soit à l'Octa régional,
soit à un Octa national. L'agrément
par le ministère du Travail devra passer
systématiquement par l'élaboration
de conventions de coopération avec les
ministères certificateurs (Éducation
nationale, Enseignement supérieur et
Agriculture, en particulier).
Tant au niveau régional qu'au niveau
national, le gouvernement souhaite
que soient organisées les modalités
d'une concertation Octa-Régions sur
la répartition des fonds libres, pour
favoriser la mise en place de politiques
de branche. De même pour l'élaboration
de la carte des formations professionnelles
initiales qui doit également
mieux intégrer les partenaires sociaux.
La transparence de la collecte de la taxe
devrait également être renforcée.
Développeurs de
l'apprentissage
Pour atteindre l'objectif de 500 000 apprentis
en 2017, que vise le gouvernement,
il est notamment proposé
d'exploiter le “gisement" des trois fonctions
publiques, notamment la fonction
publique territoriale. “Une réflexion
sera menée avec le ministère en charge de
la Fonction publique […] pour lever les
freins."
Par ailleurs, le gouvernement veut associer
les professionnels et les réseaux
consulaires au service public de l'orientation
qui va se mettre en place sous
la responsabilité des Régions (dans le
cadre de l'acte III de la décentralisation).
Le ministère soulève également
l'enjeu de la “mixité" des métiers, qui
doit être “mieux pris en compte" dans les
processus d'orientation.
Autre réflexion à engager,
celle concernant l'action des
“développeurs de l'apprentissage
et de l'alternance" (qui ont de
multiples financeurs). “Dans
l'attente de cet aménagement du
système, le dispositif actuellement
cofinancé par l'État sera reconduit
pour l'année 2014."
Formation des maîtres
d'apprentissage
Le gouvernement souhaite que
les missions des CFA soient
renforcées, notamment sur la
consolidation du projet de formation
et l'appui aux jeunes
pour la recherche d'employeurs
en lien avec le service public de
l'emploi.
Pour lutter contre les ruptures,
un dispositif national de suivi
statistique “plus performant"
sera mis en place et un travail
interministériel engagé dans le
but d'identifier les apprentis en
situation de décrochage.
Est aussi proposée la généralisation
de la formation des
maîtres d'apprentissage en lien
avec les branches, leur rôle
devant être davantage reconnu
par ces dernières et par les
entreprises.
Le ministère souhaite faire
évoluer les modalités de la
délivrance aux CFA de l'habilitation
leur permettant de
pratiquer le contrôle en cours
de formation (CCF) [ 4 ]Il s'agit d'une modalité de passation
d'examen qui implique qu'une partie des
épreuves professionnelles se déroule
en entreprise. Le but est d'alléger ou de
supprimer l'examen final.
, pour
qu'elle ne soit pas à renouveler
chaque année.
Et enfin, il apparaît “souhaitable
d'ouvrir la possibilité de
conclure un contrat d'apprentissage
en CDI, sur la base du seul
volontariat des entreprises".
Aurélie Gerlach
QUOTA, BARÈME...
La taxe d'apprentissage se divise en deux fractions :
- le quota, obligatoirement consacré à l'apprentissage, représentait 52 % de la taxe ;
- le hors-quota ou barème est la fraction de la taxe d'apprentissage non affectée au quota.
Il bénéficie aux premières formations technologiques et professionnelles prévues à l'article
1er de la loi du 16 juillet 1971, dont l'apprentissage. Il représentait 48 % de la taxe. Le
quota doit passer progressivement à 59 % d'ici 2015, en vertu de la loi de finances rectificative
du 29 juillet 2011.
LE MEDEF S'INQUIÈTE DE LA REGIONALISATION
“Nous regrettons le souhait du gouvernement
d'affecter une plus grande
part de la taxe d'apprentissage aux
Régions, alors que l'on sait aujourd'hui
que dans une dizaine d'entre elles, cet
argent n'est pas injecté en totalité dans
l'apprentissage. Une telle disposition
serait fragilisante pour le développement
de cette voie de formation,
que nous considérons comme une
voie d'excellence." C'est la réaction
de Florence Poivey, présidente de la
commission “éducation, formation et
insertion" du Medef. Dans le même
ordre d'idées, elle fustige “la remise
en cause de la libre affectation de la
taxe d'apprentissage", faisant ainsi
référence au souhait du gouvernement
de diminuer encore la proportion de la
TA affectée au barème.
En revanche, certains points sont jugés
positifs par la représentante du Medef :
“Il y a des choses intéressantes, dont
un certain nombre figurait dans nos
propositions. Je pense notamment au
développement du CCF (contrôle en cours
de formation), à la fusion entre la taxe
d'apprentissage et la CDA (contribution
au développement de l'apprentissage),
à la rationalisation de la collecte via la
diminution du nombre de collecteurs, à la
codécision entre Régions et partenaires
sociaux sur l'élaboration de la carte des
formations, au fait de flécher la CSA
(contribution supplémentaire à l'apprentissage)
due par les entreprises vers
l'apprentissage…"
Aurélie Gerlach
LES CHAMBRES DE MÉTIERS VEULENT DES GARANTIES
L'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat
(APCMA) réclame des garanties quant à la sécurisation financière du
dispositif. “Le système de fléchage complexe proposé, qui ne cite ni les
entreprises artisanales ni les premiers niveaux de formation, ne permet
aucune certitude quant à l'amélioration du financement des CFA de l'artisanat",
regrette l'APCMA. Alors que, souligne-t-elle, “l'artisanat forme
30 % des apprentis avec 3 % de la taxe d'apprentissage". Au-delà du
volet financier, l'APCMA salue en revanche la participation des réseaux
consulaires et des organisations professionnelles au futur service public
régional de l'orientation, de même qu'elle se déclare favorable à la
“reconduction pour 2014 du dispositif des développeurs de l'apprentissage
tout en préparant un meilleur aménagement du système".
Nicolas Deguerry
LES RÉGIONS DEMANDENT DAVANTAGE
“Les Régions regrettent l'absence
de véritables ressources fiscales
supplémentaires garanties les
concernant. Elles alertent le gouvernement
sur cette situation qui
les empêchera d'accompagner au
mieux la réforme et d'atteindre
l'objectif des 500 000 apprentis
en 2017." C'est ce qu'a indiqué
l'ARF (Association des Régions de
France), le 31 octobre dernier.
Elle réagissait à la diffusion des
propositions du ministère du Travail
concernant la réforme de l'apprentissage.
Si l'ARF salue la volonté du gouvernement
de rationaliser la collecte,
de simplifier les circuits de financement
et d'adosser pour partie les
ressources des Régions à la taxe
d'apprentissage, cela ne lui suffit
pas : “Les Régions demandent à assurer
la responsabilité de la répartition
des fonds libres du quota de la
taxe d'apprentissage entre les CFA
après avis du CCREFP (Comité de
coordination régional de l'emploi et
de la formation professionnelle)."
Le gouvernement, lui, prévoit une
concertation entre Régions et
Octa. Or, pour Jean-Paul Denanot,
président de la commission formation
professionnelle de l'ARF, et
président de la Région Limousin,
“les Régions seules ont la capacité
d'apprécier les besoins en financement
de l'ensemble des CFA en lien
avec les besoins économiques des
bassins d'emploi".
En outre, elles “réitèrent leur
demande d'une totale transparence
des flux financiers relatifs
à l'apprentissage" et adhèrent au
principe de limitation à un seul
organisme de collecte de la taxe
d'apprentissage par région, “tout
en rappelant leur souhait initial de
voir confier aux Urssaf la collecte
de cette taxe".
Enfin, elles insistent sur la nécessité
de développer l'apprentissage
dans les trois fonctions publiques,
“grâce à un type de financement
adapté" : “Il s'agit d'une mesure
indispensable pour atteindre les
objectifs chiffrés de croissance de
l'apprentissage, et apporter des
solutions à des jeunes de faible niveau
de qualification tout en luttant
contre les discriminations."
Aurélie Gerlach
LES CCI PROTESTENT VIVEMENT_ Le projet du gouvernement de diminuer de 50 millions d'euros de la
part de la taxe dite “barème" mécontente les Chambre de commerce
et d'industrie, qui ont exprimé leur vive protestation. Les CCI affirment
avoir pris “bonne note de la volonté de l'État de préserver le principe de
libre affectation de la taxe d'apprentissage par les entreprises". Tout en
assurant qu'elles resteront “attentives aux conditions dans lesquelles
l'État entend attribuer aux Conseils régionaux une part de la taxe
d'apprentissage – en contradiction avec une réelle liberté d'affectation
des entreprises". Elles seront “également vigilantes quant à l'organisation
de la concertation entre les Régions et les OCTA sur la répartition
des fonds libres". Par ailleurs, les CCI jugent “anormale l'autorisation
de collecter la taxe d'apprentissage accordée d'emblée aux Opca", l'une
des mesures phare de la réforme proposée par le gouvernement. Au
motif que selon les CCI, cette fusion des agréments “Opca-Octa" serait
“source de confusion quant aux missions de ces structures et pourrait,
à terme, conduire à ne plus distinguer l'apprentissage, véritable voie de
formation initiale de la formations professionnelle continue".
David Garcia
Notes
1. | ↑ | La CDA représente 0,18 % de la masse salariale. Collectée par les Octa (organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage) en même temps que la TA, elle est reversée en intégralité au Trésor public. Son montant est ensuite réparti entre les Régions., about |
2. | ↑ | Les entreprises de plus de 250 salariés doivent employer au minimum 4 % (5 % à partir de 2015) d'alternants, faute de quoi elles doivent s'acquitter d'une CSA (contribution supplémentaire à l'apprentissage) plus ou moins importante selon leur éloignement par rapport à l'objectif. Si les 4 % sont dépassés, au contraire, elles peuvent recevoir des fonds supplémentaires, ce que l'on désigne sous le terme de “bonus". . |
3. | ↑ | Les entreprises peuvent choisir de flécher leur taxe d'apprentissage (le “barème" et la partie du quota non fléchée vers le CAS FNDMA) vers un organisme de formation de leur choix. Si elles ne le font pas, les Octa s'en chargent, et on parle alors de “fonds libres".. Il est |
4. | ↑ | Il s'agit d'une modalité de passation d'examen qui implique qu'une partie des épreuves professionnelles se déroule en entreprise. Le but est d'alléger ou de supprimer l'examen final. |