Les organismes de formation expérimenteront le “CD2i"

Par - Le 16 février 2013.

Selon les termes de l'Ani du 11 janvier 2013, le projet de “contrat de travail intermittent à durée indéterminée" (“CD2i") fera l'objet d'une expérimentation sur deux ans dans la branche des organismes de formation professionnelle continue. Au jour J de la mise en œuvre, les employeurs seront-ils prêts à déployer auprès de leurs salariés ce qui a été présenté comme un moyen de sécuriser l'emploi de ces derniers ? Tour d'horizon.

Au soir du 11 janvier, alors que les partenaires sociaux concluaient la dernière séance de discussions relative à la sécurisation de l'emploi, l'article 22 de l'accord national interprofessionnel qui devait être signé quelques jours plus tard par trois organisations représentatives des salariés sur cinq (CFDT, CFTC, CFE-CGC) n'avait provoqué que peu de commentaires. “Une expérimentation intéressante…", avait diplomatiquement observé Joseph Thouvenel, le chef de file CFTC, alors que son homologue FO, Stéphane Lardy, dépité par le tour qu'avait pris la négociation, s'était contenté d'un soupir agacé pour toute exégèse. L'expérimentation du CDI intermittent n'a occupé qu'un espace restreint dans les débats généraux entre partenaires sociaux à l'occasion de cette négociation. Mais pour les formateurs salariés d'un OF, la généralisation de ce type de contrat (qui existe déjà au sein des organismes de formations linguistiques depuis 1988) pourrait bien représenter une alternative aux CDD et contribuer à la sécurisation de la profession.

Rémunération “lissée"

Qu'indique l'Ani dans son article 22 ? “Sans préjudice des accords collectifs existants, les parties signataires conviennent de l'ouverture, à titre expérimental, aux entreprises de moins de cinquante salariés des secteurs mentionnés en annexe au présent accord, d'un recours direct au contrat de travail intermittent (…) afin de pourvoir des emplois permanents comportant, par nature, une alternance de périodes travaillées et non travaillées". Et d'ajouter que la rémunération mensuelle versée aux salariés titulaires d'un tel contrat “peut être indépendante de l'horaire réel et, notamment, être « lissée » tout au long de l'année". En d'autres termes : le dispositif garantirait une certaine cohérence salariale aux formateurs et les rendrait moins dépendants de la saisonnalité des sessions qu'ils sont amenés à animer.

Gérer la “temporalité atypique" de la formation

“On nous reproche souvent d'être des générateurs de précarité", déplore Gérard Brédy, président du Synofdes [ 1 ]Syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale.. Pourtant, sur les 3 466 formateurs salariés des entreprises adhérentes du réseau des Urof [ 2 ]Unions régionales des organismes de formation., dont il est également vice-président, 2 228 sont embauchés en CDI, contre 1 238 en CDD. Une situation due, selon lui, à la structuration des OF de l'économie sociale, dépendants de la commande publique. “Nos organismes adhérents sont obligés de calquer leur fonctionnement sur celui des prescripteurs de commande (Pôle emploi, Missions locales, etc.) et, de fait, d'adapter leurs plannings prévisionnels en fonction de la saisonnalité imposée par la commande publique." Une commande publique qui, à ses yeux, ne cesse de resserrer les sessions de formation. “Il y a encore une dizaine d'années, juillet et août constituaient nos périodes creuses. Désormais, celles-ci débutent dès la mi-mai pour se prolonger jusqu'à la fin septembre."

Et cette temporalité atypique, la Fédération de la formation professionnelle l'observe également : “L'activité d'un formateur se conjugue difficilement avec un temps de travail classique sur un modèle quotidien 9h-18h, observe Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la FFP. Le principe de cette expérimentation consiste à garantir aux professionnels salariés un certain volume d'heures annuelles rémunérées, afin d'éviter – notamment avec le développement des formations en alternance – que ces derniers soient pénalisés par l'absence de sessions de formation lors de la période estivale."

Un modèle anti-précarité ?

Aux yeux de la FFP, la mise en place de ce CD2i (dont le déploiement fait d'ores et déjà l'objet des réflexions d'un groupe de travail en son sein) peut sécuriser l'emploi des formateurs en dépit de prestations devant tenir compte des calendriers imposés par leurs clients. “Cette innovation leur permettra de demeurer salariés, selon les dispositions de la convention collective de la branche, indique Emmanuelle Pérès. Sans elle, ils ne pourraient exercer qu'à titre indépendant."
Des indépendants, justement, qui relativisent la sécurisation des formateurs induite par ce dispositif. “Le CDI est certainement une formule intéressante… pour les grosses entreprises et, bien évidemment, celles de travail temporaire !", ironise Michel Farhi, président de la Fédération des CSFC [ 3 ]Chambre syndicale des formateurs consultants.. “Les petits OF qui font appel aux formateurs occasionnels ou vacataires n'iront pas au-delà des missions ponctuelles confiées et ne pourront certainement pas proposer des CDI, même intérimaires ! Le chiffre d'affaires amoindri d'une bonne partie de ces organismes de petite taille ne pourra pas réduire l'incertitude ou la précarité des formateurs occasionnels."

“Complexe à mettre en place"

Quant au Synofdes, s'il approuve le dispositif (tout en espérant qu'un potentiel avenant à l'Ani permette à ses organismes adhérents de disposer de davantage de souplesse pour interagir avec les appels d'offres publics), il pointe les difficultés qui pourraient naître des dispositions de l'accord relatives au temps partiel, qui fixent à 24 heures la durée minimale légale d'activité hebdomadaire contractualisée [ 4 ]Au titre de l'article 11 de l'Ani qui précise “qu'une durée d'activité inférieure (à 24 heures par semaine) doit émaner d'une demande écrite et motivée du salarié".. “Il est rare qu'un organisme puisse garantir 24 heures de travail par semaine à un formateur, car notre activité impose des recours ponctuels à la sous-traitance ou l'externalisation. _ Dans ces conditions, les employeurs ne pourront plus proposer d'intervention à mi-temps", regrette Gérard Brédy pour qui “un accord de branche dérogatoire, encore à négocier, sera nécessaire pour permettre aux organismes de formation de présenter des solutions adaptées à la commande publique."

Mais si tous s'accordent à reconnaître la vertu du CD2i, chacun reste prudent. La FFP, pour sa part, se déclare “très attentive" vis-à-vis de la future loi et des décrets d'application qui en découleront. “Le procédé sera complexe à mettre en place, dans toute sa dimension juridique, technique et RH, prévient Emmanuelle Pérès, c'est pourquoi la Fédération s'emploie dès maintenant à outiller ses adhérents au mieux en développant des modèles de contrats, de gestion ou des vade-mecum relatifs au CDI intermittent. Le suivi de l'évolution du CD2i sera particulièrement rigoureux." à suivre, donc.

Notes   [ + ]

1. Syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale.
2. Unions régionales des organismes de formation.
3. Chambre syndicale des formateurs consultants.
4. Au titre de l'article 11 de l'Ani qui précise “qu'une durée d'activité inférieure (à 24 heures par semaine) doit émaner d'une demande écrite et motivée du salarié".