Métiers du tourisme : les pratiques de formation en voie de rénovation

Par - Le 16 avril 2013.

Impact des nouvelles technologies, évolution des métiers, changement des modes de consommation… les métiers du tourisme subissent de vrais bouleversements. Alors que vient d'être lancée une mission interministérielle sur l'emploi dans ce secteur, les professionnels débattent sur les moyens d'adapter les pratiques de formation aux nouveaux besoins.

Les enjeux auxquels sont confrontés les métiers du tourisme sont multiples, qu'il s'agisse de la qualification des employés, de la professionnalisation des formations, de l'adaptation des prestations aux nouvelles attentes et aux nouvelles pratiques des visiteurs, et bien sûr de leur image, mal définie auprès du grand public. La meilleure façon d'y répondre, c'est la formation. Initiale − et les offres se structurent actuellement −, mais aussi tout au long de la vie, par des organismes ou par le tutorat." C'est ce que déclarait Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, dans son discours d'ouverture du débat national sur la formation tout au long de la vie dans les métiers du tourisme, tenu au Conservatoire national des arts et métiers le 9 avril, et organisé par l'IFT (Institut français du tourisme). L'objectif de cette journée ? Faire discuter des personnalités du monde éducatif et du monde professionnel afin qu'elles apportent leur contribution au développement de la formation et de l'insertion dans le secteur.

Lancement d'une mission interministérielle

Ce débat intervient à point nommé, puisqu'il fait suite au lancement d'une mission, le 5 avril, par Michel Sapin (ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social) et Sylvia Pinel pour “optimiser le potentiel emploi de la filière touristique française". L'un des objectifs de celle-ci : “Préciser les orientations souhaitables en matière de formation professionnelle initiale et continue, afin d'assurer l'adaptation nécessaire des compétences aux exigences de professionnalisme accrues dans la filière, aux besoins réels des entreprises et aux diverses mutations qui impactent ce secteur."

Elle est confiée au président du conseil d'administration de Pôle emploi, François Nogué, “choisi pour sa longue expérience dans le secteur de l'industrie, mais également pour les compétences précieuses qu'il a su acquérir en tant que directeur des ressources humaines de la SNCF", était-il précisé dans un communiqué émanant des deux ministères. La mission doit procéder à l'audition des entreprises et professionnels du secteur, des représentants des collectivités territoriales et des élus locaux et régionaux, ainsi que des principales administrations et organismes nationaux concernés (Insee, Pôle emploi, ministères concernés,
etc.). Les premières conclusions devraient être rendues publiques d'ici l'été 2013.

50 000 postes à pourvoir...

Le tourisme, en France, représente 7 % du PIB et 2 millions d'emplois, selon le gouvernement. Or, au cours de son intervention, Sylvia Pinel a évoqué l'existence d'environ 50 000 emplois non pourvus. “Cette mission nous permettra d'identifier les raisons du déficit d'attractivité de certains métiers, des difficultés de recrutement et de faire des propositions sur l'adaptation nécessaire des compétences", a-t-elle dit. L'enjeu est également d'attirer les jeunes vers les métiers du tourisme : 87 % les trouvent épanouissants, 61 % pleins d'avenir. Cependant, seulement 39 % d'entre eux considèrent avoir été bien informés sur les métiers du tourisme au cours de leur scolarité.

La formation n'a pas suivi les évolutions du secteur

Les échanges entre les intervenants, au cours de la journée, ont permis de dresser le portrait d'un secteur en pleine mutation, et qui, par conséquent, réclame une offre renouvelée en termes de formation. “Il existe un décalage entre le contenu des formations
et la réalité des métiers", a noté Georges Rudas, PDG d'Amadeus France. “Nous constatons, par exemple, un essor des nouvelles technologies et d'internet. En dix-huit mois, l'évolution a été très rapide : sur certaines compagnies, 20 % des réservations se font aujourd'hui par téléphone mobile !" Il a constaté, à cet égard, un décalage entre l'enseignement du métier et sa réalité, qui tient en partie au fait que “les entreprises et les formateurs n'ont pas encore noué des liens assez forts. Le transfert de savoirs aux formateurs pour l'actualisation de leurs connaissances reste insuffisant".

De son côté, Georges Panayotis, PDG de MKG Group, a observé que de nouveaux métiers se développaient : “La réservation, la distribution, la relation clientèle… Nous n'avons pas su anticiper, et les formations n'ont pas suivi !" Et de souligner que pour pallier ce manque, certaines entreprises avaient créé leurs propres écoles et prennent en charge la formation de leurs personnels. “Toutefois, il manque encore des passerelles entre ces écoles et l'Éducation nationale", a-t-il ajouté. Alain Henriet, inspecteur général de l'Éducation nationale convenait, lui-aussi, de la transformation du modèle économique du tourisme : “L'automatisation, la standardisation sont de plus en plus importantes, pour dégager de la rentabilité. Une partie des tâches au client (impression des billets, conception de son circuit par ses propres soins, etc.) est externalisée." Alain Henriet a par ailleurs épinglé le manque de lisibilité entre les différents diplômes qui préparent aux
métiers du tourisme. “Entre ceux du ministère de l'Éducation nationale,
ceux des autres ministères et ceux proposés par les branches, cela entraîne une certaine confusion… De plus, tous ces acteurs se réunissent rarement autour d'une table. Nous essayons d'anticiper les besoins avec l'aide des professionnels, dans le cadre de commissions professionnelles consultatives. Des groupes de travail oeuvrent pour rénover les diplômes, mais le rythme reste lent : nous avons mis dix ans à renouveler le BTS tourisme ! D'autre part, le tourisme est un secteur très dispersé, avec de nombreux acteurs. Il est difficile de
cerner la totalité du champ !"

Pour des dispositifs “légers" de formation

À l'issue de la journée, Jean-Luc Michaud, président délégué de l'IFT,
est revenu sur les propositions évoquées par les professionnels et formateurs au cours des débats : “Il serait utile de procéder à une évaluation fine de l'efficacité du système actuel de la formation initiale et continue, y compris de la mise en oeuvre du Dif et du Cif." Rapportant ainsi un souhait exprimé par plusieurs intervenants.
En outre, a-t-il souligné, la VAE et l'alternance apparaissent à la profession comme “une véritable alternative à des études longues dont une partie des jeunes n'a pas forcément le goût", et a par conséquent prôné une meilleure information sur ces dispositifs. De manière générale, la mise en place de dispositifs “légers" de formation remporte les suffrages, notamment pour aider au recrutement et à l'évolution dans les emplois saisonniers. Un contenu plus professionnel des formations et une ouverture internationale accrue
par le biais de programmes, de stages à l'étranger, d'une attention portée aux langues étrangères sont également réclamés. Des désidérata qui ne manqueront pas d'être exprimés dans le cadre des auditions de la mission Nogué…