Réforme de la formation professionnelle : des employeurs et DRH partagés
Par Claire Padych - Le 16 novembre 2013.
La réforme de la formation professionnelle est en cours. Mais sans convergence d'idées du côté des
DRH ou des employeurs : chacun expérimente au quotidien les dispositifs existants, avec son propre
avis sur leur efficacité. Une constante, cependant : l'inquiétude
L'anonymat est de rigueur pour
ce comptable faisant office de
DRH dans une PME qui soustraite
à un grand équipementier
de véhicules automobiles : “Nous
nous sentons totalement exclus de la réforme
en cours. Nous ne nous sentons pas
représentés par ceux qui discutent dans les
ministères. Le CPF risque de nous poser
un problème supplémentaire, tout comme
les dispositifs de formation qui sont trop
compliqués dans leur mise en oeuvre,
nécessitent une importante organisation
et sont trop rigides pour les TPE. Si un
salarié est en formation et
que j'ai des commandes
supplémentaires, imprévues
même si elles sont
bienvenues, j'ai trois
solutions : soit il
me faut reporter
la charge de travail
sur les autres
salariés, soit augmenter
leurs heures
supplémentaires,
soit embaucher pour
quelques jours une
personne en CDD. Et
si je perds mon client
car il délocalise, personne
n'est là pour m'aider à reconvertir
l'activité de l'entreprise et sauvegarder
l'emploi en ouvrant des formations efficaces."
“Complexités,
pertes de temps"...
Même son de cloche chez ceux qui
travaillent dans des “niches", à l'instar
de Bernard Deom, le dirigeant d'Euro
Bengale (entreprise spécialisée dans la
pyrotechnie de divertissement) : “Nous
savons que les entreprises cotisent des
sommes rondelettes pour la formation
professionnelle. Mais lorsqu'une entre-
La réforme de la formation professionnelle est en cours. Mais sans convergence d'idées du côté des
DRH ou des employeurs : chacun expérimente au quotidien les dispositifs existants, avec son propre
avis sur leur efficacité. Une constante, cependant : l'inquiétude.
prise compte moins de dix salariés, comme
c'est le cas pour nous, nous sommes bloqués
sur une somme forfaitaire annuelle.
Or, nous savons qu'un nombre important
d'entreprises n'aiment pas former
leurs salariés, car ils estiment que c'est
une perte de temps et craignent de les voir
partir ailleurs lorsqu'ils ont davantage de
compétences. Nous, c'est l'inverse. Nous
demandons à nos salariés chaque année
d'exprimer
leurs souhaits
de
formation
et consacrons
de
6 % à
14 % de la
m a s s e
salariale à la formation.
Pourquoi ne pourrions-
nous pas voir augmenter
la somme redistribuée par les
organismes collecteurs lorsqu'une
entreprise le demande ? Nous pourrions
justifier ces dépenses."
“Motivés, compétents,
tout le monde s'y retrouve"
Dans un groupe plus important
comme Lustral, entreprise de propreté,
qui emploie 204 salariés à
Châlons-en-Champagne, l'évolution
par le certificat de qualification professionnelle
est de mise. Le DRH Frédérique
Sarre souligne que “la plupart
des salariés ont très peu étudié. Alors,
nous essayons de les valoriser par la certification
professionnelle, et lorsqu'ils
obtiennent un diplôme après une formation
de trois ou quatre mois, à raison
d'une journée par semaine, ils sont très
contents et davantage motivés, compétents
et tout le monde s'y retrouve".
Quand on lui parle de réforme de
la formation professionnelle, Frédérique
Sarre indique qu'elle “a surtout
des appréhensions" et que “nous
sommes plutôt satisfaits des dispositifs
qui existent".
“Imaginer la formation
autrement"
Chez Groupama, qui
compte 1 250 salariés à
Reims, Nathalie Therrien
est responsable développement
RH et formation.
Près de 6 % de
la masse salariale est destinée
à la formation professionnelle.
Elle déplore
que le contrat de professionnalisation
“qui possède
un réel intérêt" soit
soumis “à des contraintes
administratives qui ne collent pas aux
réalités sur le terrain". Elle hésite longuement
avant d'évoquer la future
formation professionnelle. Puis se
lance : “J'aimerais que l'on imagine
la formation autrement. Le législateur
multiplie les actes administratifs,
mais il existe des méthodes pédagogiques
différentes, des possibilités
d'accompagnement comme le tutorat,
des échanges de bonnes pratiques. Avec
quelques méthodes de bon sens, on
peut monter en compétence et motiver
les salariés. Arrêtons de former comme
on le fait. Réfléchissons aux nouvelles
générations, à leurs pratiques, à leurs
besoins et ne leur imposons pas un carcan
inadapté."