Réforme - Michel Sapin prêt à réviser le “0,9 %"
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 septembre 2013.
Pour la seconde fois depuis sa
nomination rue de Grenelle, Michel
Sapin était, le 11 septembre, l'invité
des Entretiens de la cohésion
sociale, l'événement annuel organisé
conjointement par Entreprise &
Personnel, l'Institut Montaigne et le
cabinet d'avocats August & Debouzy.
L'an passé, c'est avec l'annonce de la
réforme sur la sécurisation de l'emploi
− entérinée depuis au travers de
l'Ani du 11 janvier 2013 et traduite
ensuite dans la loi − que le ministre
du Travail et de l'Emploi s'y était
présenté. Cette année, l'intervention
a été consacrée à la réforme de la
formation professionnelle, dont les
négociations vont s'ouvrir.
Réforme “absolument nécessaire"
Cette réforme ? “Absolument nécessaire,
pour offrir un nouvel élan à
la formation professionnelle", a
argué Michel Sapin. Car avec une
participation financière des entreprises
qui stagne depuis le milieu
des années 1980, une compétitivité
internationale accrue qui exige des
efforts supplémentaires en matière
de développement des compétences
et la nécessité de former les demandeurs
d'emploi en plus des salariés,
“les effets de la loi de 1971 semblent
avoir atteint leurs limites", a jugé le
ministre. évoquant “cette sécurité
sociale professionnelle qu'il nous
appartient de bâtir".
Les clés : financer, mais aussi informer
Une réforme dont le compte personnel
de formation (CPF) et le conseil
en évolution professionnelle – la
consultation quadripartite à leur sujet
débutera le 1er octobre prochain
– constitueront vraisemblablement
la charpente. L'enjeu ? “La création
d'un droit reposant à la fois sur l'initiative
individuelle et la sécurité collective"
qui, à terme, se substituera
au Dif, un outil qui, de l'aveu du ministre
du Travail, s'est “enlisé" [ 1 ]Voir notre Focus dans ce même numéro par
manque d'un véritable financement
dédié, obligeant les financeurs de
la formation à piocher dans d'autres
fonds pour l'alimenter. Et dans le but
“d'accroître la capacité des salariés
à se former au titre de ce nouveau
droit", Michel Sapin a exhorté les
prescripteurs – et plus particulièrement
les entreprises – à jouer le
jeu en offrant une “information complète
sur ce dispositif de formation"
aux salariés demandeurs. Un objectif
que le gouvernement compte bien
atteindre non seulement par le biais
du conseil en évolution professionnelle,
mais aussi par l'inscription de
la négociation sur le plan de formation
à l'agenda des IRP (instances
représentatives du personnel) dans
les entreprises.
Une possible révision des
modalités de collecte
Mais, dans l'optique d'une réforme
radicale, qu'en est-il des dispositifs
induits par la loi de 1971 et, particulièrement
de la contribution obligatoire
des entreprises aux fonds
de la formation – le “0,9 %" – dont
l'aménagement, pour ne pas dire la
suppression, constitue une revendication
récurrente du Medef. “Je
souhaite que les partenaires sociaux
s'emparent de ce sujet, a indiqué
Michel Sapin, car si la dépense des
entreprises dépasse l'obligation
légale, elle demeure plafonnée aux
mêmes moyennes depuis un certain
nombre d'années. De plus, si l'introduction
du compte personnel de formation
a vocation à libérer les énergies,
il reste nécessaire de garantir
l'accès à la formation des salariés
les moins qualifiés ou des collaborateurs
de TPE-PME."
Cependant, le ministre s'est avoué
“prêt à réfléchir à un nouvel équilibre
entre l'initiative individuelle et
la responsabilité collective, y compris
en révisant l'obligation légale
telle qu'elle existe aujourd'hui". Et
tant qu'à évoquer les questions de
la collecte, Michel Sapin s'est dit
favorable à une simplification de
celle-ci, via notamment la réduction
du nombre d'Octa habilités à récolter
la taxe d'apprentissage. Quant
aux Opca, dont le nombre est passé
de cent à une vingtaine à l'issue du
mercato de 2011, le ministre n'a pas
exclu qu'ils “puissent être amenés
à faire, eux aussi, encore quelques
efforts en termes de taille et de
pertinence".
Quid du financement du paritarisme sur les fonds de la formation ?
Au cours des débats sur la négociation
à venir entre partenaires
sociaux, la problématique du
financement de ceux-ci au travers
des fonds de la formation est
revenue sur la table – un message
publié en direct sur le tweeter de
l'événement demandait “qui va
scier la branche de financement sur
laquelle il est assis ?" Une interrogation
à laquelle Michel Sapin a
répondu en invoquant la légitimité
des organisations patronales et
syndicales à bénéficier de ces financements
“connus et encadrés"
au titre de leur participation à
l'intérêt général et à la démocratie
sociale.
Toutefois, “comme la démocratie
politique en son temps, la démocratie
sociale elle aussi peut être amenée
à davantage de transparence, a
tempéré le ministre. S'il est nécessaire
de garantir l'indépendance
des partenaires sociaux, il n'est pas
pour autant normal que de l'argent
public ou des prélèvements obligatoires
financent un congrès ou un
événement". Reste que l'épineuse
question ne fera pas partie des
négociations.
Quant à l'agenda, il demeure celui
fixé par la feuille de route gouvernementale
et Michel Sapin a donc
placé la fin 2013 comme date butoir
à la négociation en vue d'une
entrée en vigueur de la réforme à
la rentrée 2014. Mais si d'aventure
les partenaires sociaux venaient
à ne pas tomber d'accord sur un
texte, le ministre a prévenu : “Ce
sera regrettable, mais dans ce cas, la
démocratie politique reprendra ses
droits sur la démocratie sociale…"
Notes
1. | ↑ | Voir notre Focus dans ce même numéro |