Agriculture - Face au “changement permanent", la formation permanente

Par - Le 01 mai 2014.

Pour s'adapter au changement,
les entrepreneurs du monde agricole
ont intérêt à jouer collectif,
parce ce que, pour eux, “le changement,
c'est tout le temps", comme
l'assure Christiane Lambert, la
présidente de Vivea – le fonds
pour la formation des “entreprises
du vivant"[ 1 ] Vivea n'est pas un “Opca" car il
ne gère pas la formation des salariés
(dans l'agriculture, l'Opca est le
Fafsea,), mais celle des exploitants,
éventuellement employeurs, mais non
salariés.

Changement de la profession,
évolutions climatiques dont la filière
doit tenir compte, mais aussi
nouvelles normes (limitations phytosanitaires,
agro-écologie), nouvelles
techniques, exploitations
de plus en plus grandes (comme
l'indique le “recensement général
de l'agriculture"), tout concoure à
transformer les exploitants en dirigeants
d'entreprise devant tenir
compte de l'évolution de marchés
de plus en plus volatils. “Moins de
pénibilité physique, mais plus de
stress psychique", résume la présidente
du fonds. Décidemment,
“changer n'est plus un choix,
lorsque l'on est agriculteur".

“Le collectif soutient
les apprentissages"


Changer, donc. Mais changer
seul ? L'agriculteur est souvent
perçu comme un individu isolé pour
qui l'innovation peut être synonyme
d'échec personnel et de mise
en danger financière de son exploitation.
“Il n'y a pas de changement
sans changement d'attitude mentale",
estimait l'universitaire Jean-
Pierre Del Corso [ 2 ]Lors d'un atelier Vivea organisé le
3 avril dernier autour du thème
“Formation continue : des clés pour
maîtriser les risques"
., économiste et
chercheur au Laboratoire d'étude
et de recherche sur l'économie, les
politiques et les systèmes sociaux
(Lereps) de Toulouse. Et ce changement
d'attitude mentale, selon
lui, peut trouver sa source dans
une action collective “qui soutient
les apprentissages" et limite les
risques. Avec un particularisme
au sein d'un monde agricole “où
le changement passe avant tout
par la technique. Et ce n'est que
lorsque la question de l'innovation
technique est résolue que l'on peut
se positionner sur de nouvelles
avancées sociétales", juge l'économiste.
En témoigne l'exemple de
la nouvelle réglementation phytosanitaire
qui, à la suite du Grenelle
de l'environnement de 2008,
prévoit une réduction de 50 % de
l'usage des herbicides et impose
donc aux agriculteurs de s'approprier
de nouvelles techniques, de
nouvelles compétences à acquérir
et de nouveaux processus professionnels.
Un enjeu qui repose sur
la mutualisation, l'accompagnement
et le travail collectif.

Mise en pratique

Tel est le cas, par exemple, avec
l'expérimentation Dephy, lancée
en 2010, et qui rassemble
aujourd'hui, au sein de ses 185 réseaux,
1 900 exploitations agricoles,
toutes filières confondues,
sur l'ensemble du territoire. C'est
le cas, également, de la coopérative
Qualisol, une initiative agro-environnementale
menée depuis
2007 dans le Tarn-et-Garonne,
composée d'un noyau de 180 agriculteurs
– principalement céréaliers
– répartis autour d'une même
nappe phréatique menacée par les
produits phytosanitaires. Engagés
sur trois ans dans le cadre d'une
mesure agro-environnementale
territorialisée (Maet), ces exploitants
se sont vu proposer trois
jours de formation (risques phytosanitaires,
climatologie, pulvérisation,
etc.), un accompagnement au
changement assuré par des ingénieurs
conseil, ainsi que la mise à
disposition de bulletins météo réguliers
au sein du réseau. “Ce qui
a aidé cette coopérative à porter
le projet, c'est qu'elle avait déjà
développé une filière bio depuis
2001", explique Cédric Duffourg,
ingénieur conseil. Et donc déjà
appris à travailler collectivement.

Des stages qui se
multiplient


Depuis, l'initiative a essaimé.
D'autres exemples de coopération
entre agriculteurs ont vu
le jour, comme en Isère, sur la
formation des semenciers à la
microbiologie et aux perspectives
agro-environnementales.
Un projet porté, cette fois, par
une coopérative d'utilisation du
matériel agricole (Cuma) et soutenu
par les ingénieurs formation
de la Chambre des métiers
de l'agriculture (CMA) du département.
Pour Yves François,
céréalier isérois, “si nous existons
encore aujourd'hui, c'est
parce que nous avons organisé
ces formations dans le cadre
de la Cuma. Sinon, tout aurait
explosé, sur le plan relationnel
et humain". Quant aux fonctionnements
en coopératives,
ils ont permis d'accroître sensiblement
le nombre d'entrées
en formation d'exploitants agricoles.
“Seulement 50 stages
en 2010, mais 120 en 2013, et
aujourd'hui, nous avons déjà
planifié une centaine de stages
sur les quatre premiers mois de
2014", indique Véronique Didier,
ingénieure formation au sein de
la CMA de l'Isère. Un succès que
Jean-Pierre Del Corso résume
par le triptyque : “Innovation,
collectif, confiance."

Mais au-delà des défis de demain,
pointent à l'horizon ceux
d'après-demain, comme la transition
énergétique où les agriculteurs
pourraient avoir un rôle
majeur à jouer. Un défi qu'ils
pourraient relever en jouant, là
encore, collectif.

Notes   [ + ]

1. Vivea n'est pas un “Opca" car il
ne gère pas la formation des salariés
(dans l'agriculture, l'Opca est le
Fafsea,), mais celle des exploitants,
éventuellement employeurs, mais non
salariés.
2. Lors d'un atelier Vivea organisé le
3 avril dernier autour du thème
“Formation continue : des clés pour
maîtriser les risques"